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Guatemala
Un monde tortionnaire

Guatemala

Le Guatemala a été ravagé par une guerre civile entre 1960 et 1996. Héritage de ces années de conflit, la torture s’est banalisée au sein des structures militaires et policières de l’État. Des centaines de défenseurs des droits de l’homme, syndicalistes, paysans et membres des communautés indigènes sont assassinés chaque année. Plus de 10 % des victimes d’homicide portent des marques évidentes de tortures. À l’occasion de la journée internationale des victimes de la torture en 2009, Nery Rodenas, directeur du Bureau des droits de l’homme de l’archevêché de Guatemala, a signalé que 471 cas de torture avaient été recensés dans le pays au cours du seul premier semestre de l’année 2009.

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Contexte

Le Guatemala a été ravagé par une guerre civile qui a duré trente-six ans (1960-1996). Ce conflit a vu s’affronter des guérillas d’extrême gauche et un État militaire rongé par des luttes intestines et par une succession de coups d’État. La campagne anti-insurrectionnelle menée par l’État contre les groupes rebelles n’épargne pas les civils, et à partir des années soixante-dix, un véritable régime de terreur s’instaure dans les zones rurales à majorité indienne (Mayas). La Commission de vérité guatémaltèque parrainée par les Nations unies, mise en place en 1994, résume ces années sombres en ces termes : « Pendant trente-quatre ans, les Guatémaltèques ont vécu à l’ombre de la peur, de la mort et de la disparition comme menaces quotidiennes pour le citoyen ordinaire ». La plupart des engagements pris lors des accords de paix signés en 1996 sont restés lettre morte et la majorité des innombrables crimes commis durant cette période demeurent impunis.

L’impact de ces années de guerre sur la société guatémaltèque est désastreux. À la pauvreté et à l’exclusion sociale s’ajoutent la circulation de nombreuses armes et une culture de la violence profondément ancrée au sein de la société. Ce contexte génère une violence diffuse, renforçant la criminalité et les réseaux liés au narcotrafic. Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont vu émerger des bandes criminelles de jeunes marginaux, les maras, à la fois victimes et auteurs d’homicides commis avec une extrême brutalité. Le pays connaît un des taux d’homicides les plus élevés au monde. Les femmes guatémaltèques sont aujourd’hui une des cibles principales de cette violence : depuis 2002, plus de 3 000 femmes et jeunes filles ont été brutalement assassinées, souvent après avoir été violées, torturées et mutilées, dans une totale impunité. On parle de véritable « féminicide ». En 2009, 720 femmes ont été assassinées. La corruption a investi les plus hautes sphères de l’administration et du pouvoir judiciaire et alimente une impunité chronique. Les 138 lynchages commis en 2008 (dont 19 décès), notamment à l’encontre de personnes suspectées de viol ou d’enlèvement, témoignent du sentiment de frustration collective de la population face à l’insécurité prévalant dans le pays.

La situation des droits de l’homme est catastrophique. Des centaines de défenseurs des droits de l’homme, syndicalistes, paysans et membres des communautés indigènes sont assassinés chaque année. Plus de 10 % des victimes d’homicide portent des marques évidentes de tortures. Héritage d’années de guerre, la torture s’est banalisée au sein des structures militaires et policières de l’État. À l’occasion de la journée internationale des victimes de la torture en 2009, Nery Rodenas, directeur du Bureau des droits de l’homme de l’archevêché de Guatemala, a signalé que 471 cas de torture avaient été recensés dans le pays au cours du seul premier semestre de l’année 2009.

Victimes de la torture

Les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes enquêtant sur des personnalités haut placées, les chercheurs travaillant sur les crimes commis par l’armée pendant le conflit, les activistes de la société civile, les syndicalistes et leurs avocats sont les principales victimes de la torture au Guatemala. Les prisonniers et suspects de droit commun (dont les narcotrafiquants), les membres des maras sont également exposés à la torture. Les immigrants latino-américains, en majeure partie sans papiers, en provenance du Salvador et du Honduras qui tentent de rejoindre le Mexique, subissent eux aussi fréquemment des tortures et des mauvais traitements, y compris les femmes et les mineurs.

Le 25 mars 2009, à Ciudad de Guatemala, l’avocate Gladys Monterroso Velásquez, épouse de Sergio Fernando Morales Alvarado, procureur chargé des droits de l’homme au Guatemala, a été enlevée et torturée avant d’être relâchée le lendemain, tôt dans la matinée. Pendant sa détention, elle a été frappée, brûlée avec des cigarettes et droguée. À la suite de sa libération, elle a dû être emmenée à l’hôpital. La veille de son enlèvement, une partie des archives militaires de l’ancienne police nationale – 12 millions de documents – avait été rendue publique par le bureau de son époux. Ce dernier avait également produit un rapport intitulé « Le droit de savoir » dénonçant les violations des droits de l’homme commises durant la guerre civile. Quelques semaines auparavant, un enquêteur de son bureau avait été violemment agressé.

Tortionnaires et objectifs

La plupart des témoignages de victimes imputent la responsabilité des actes de torture et de mauvais traitements à la police guatémaltèque, la Police civile nationale (PNC) et plus particulièrement, à son unité spéciale contre le crime organisé. La torture est surtout utilisée pour obtenir des informations sur les activités criminelles, pour punir et pour faire obstacle au travail de la société civile en la réprimant violemment. Nombre de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ayant été attribués à la PNC par la Commission de vérité, les archives récemment retrouvées constituent une menace pour celle-ci qui redoute une remise en cause de son rôle et de son autorité par la société civile.

Beaucoup d’actes de torture commis dans les postes de police visent à extorquer de l’argent aux victimes sous la menace de fausses accusations (comme la possession d’une quantité importante de drogue).

Méthodes et lieux

Les brûlures de cigarettes, viols et abus sexuels, mutilations et strangulations sont des méthodes courantes de torture au Guatemala. La torture est le plus souvent perpétrée dans les postes de police, mais parfois également dans des lieux reculés, comme des clairières. Elle est par ailleurs très répandue dans les prisons pour hommes, femmes et mineurs.

Conditions de détention

Les 19 prisons guatémaltèques sont surpeuplées : 9 801 prisonniers y sont détenus pour une capacité théorique de 6 974 ; 45 % des prisonniers sont en détention provisoire. Il y règne un climat d’une extrême violence. Les conditions de vie y sont dures et dangereuses, notamment du fait de la corruption omniprésente liée au trafic de drogue et de mesures de sécurité insuffisantes. Un quart des détenus est affilié à des gangs liés au narcotrafic. Certains prisonniers gèrent leurs activités criminelles depuis les prisons grâce à des téléphones portables et à un contact très régulier avec l’extérieur. Les émeutes et les batailles de gangs sont fréquentes et se soldent parfois par des dizaines de morts. Les gardiens de prison, parmi lesquels la corruption est répandue, aident parfois les prisonniers à s’évader.

Les soins et équipements médicaux sont insuffisants et de nombreuses plaintes dénoncent le manque de nourriture distribuée et l’absence de suivi médical régulier. Les femmes et les jeunes hommes soupçonnés d’appartenance à un gang adverse sont souvent victimes de viols et d’abus sexuels.

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