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Un monde tortionnaire

Bangladesh


Fiche publiée en 2010

La pratique de la torture par les forces de l’ordre est endémique et demeure un usage profondément ancré dans le pays et ce, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé depuis son indépendance en 1971. Certaines lois, comme celle sur les pouvoirs spéciaux ou la loi antiterrorisme de 2009, encouragent le recours à la torture en supprimant ou limitant les garanties fondamentales des citoyens contre les arrestations et les détentions arbitraires. L’impunité reste de mise.

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Contexte

En janvier 2009, le Bangladesh s’est doté d’un nouveau gouvernement à l’issue d’élections législatives et a restauré une démocratie parlementaire, mettant fin à deux ans d’état d’urgence sous un gouvernement intérimaire soutenu par l’armée. Bien que ce dernier ait engagé certaines réformes législatives, il s’est également rendu responsable de graves violations des droits de l’homme en 2007 et 2008. Les droits garantis par la Constitution – suspendus pendant l’état d’urgence – ont été rétablis en 2009, et la Ligue Awami au pouvoir s’est engagée à respecter les droits fondamentaux des citoyens, notamment en mettant un terme aux exécutions extrajudiciaires. Pourtant, ce phénomène persiste.

La police et le Bataillon d’action rapide (RAB-Rapid Action Battalion), unité d’élite mise en place par les autorités en 2004, continuent de se livrer à des exécutions extrajudiciaires et prétendent qu’il s’agit de victimes de « tirs croisés » au cours d’offensives menées contre des bandes armées ou des groupes terroristes. Les enquêtes de défenseurs des droits de l’homme ont démontré que les victimes étaient pour la plupart détenues au moment de leur décès et que leurs corps présentaient des traces révélant qu’elles avaient subi des actes de torture.

Le Bangladesh est partie à la Convention des Nations unies contre la torture et sa constitution en prohibe expressément l’usage. Toutefois, la pratique de la torture par les forces de l’ordre est un problème endémique et un usage profondément ancré dans le pays et ce, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé depuis son indépendance en 1971. Certaines lois, comme la loi sur les pouvoirs spéciaux ou la loi antiterrorisme de 2009, encouragent le recours à la torture en supprimant ou limitant les garanties fondamentales des citoyens contre les arrestations et les détentions arbitraires. L’impunité reste de mise.

Victimes

Toute personne arrêtée ou détenue au Bangladesh court le risque d’être torturée, en raison d’un usage routinier de cette pratique par les forces de l’ordre. Il s’agit le plus souvent de personnes issues d’un milieu pauvre et souffrant d’un manque d’éducation. Certaines personnes sont visées du fait de leurs activités politiques (membres du Parti nationaliste du Bangladesh-BNP ou de la Ligue Awami), militantes (défenseurs des droits de l’homme) ou dans les médias. Les membres de communautés ethniques minoritaires (Ahmaddiya, Biharis, peuples indigènes des Chittagong Hill Tracts, réfugiés rohingyas venant de Birmanie…) et les minorités religieuses (hindoues et chrétiennes) sont également ciblés.

Le 22 octobre 2009, F.S. Masum, journaliste travaillant pour un quotidien anglophone, a été arrêté, puis torturé par des membres du RAB. Masum est l’auteur de nombreux articles sur les exécutions extrajudiciaires et sur la torture de journalistes dans le pays. Les officiers du RAB l’ont passé à tabac lors de son arrestation. Retenu au quartier général du bataillon à Dacca, il a été frappé continuellement pendant une dizaine d’heures avant d’être remis en liberté. Son corps comportait de nombreuses blessures et des hématomes importants.

Le 2 juin 2010, Mahmudur Rahman, rédacteur en chef du quotidien Amar Desh, a été arrêté à la suite de la fermeture du journal imposée par le gouvernement. Présenté devant un tribunal, celui-ci a ordonné sa libération sous caution. Le 6 juin, la police l’a de nouveau arrêté et l’a accusé d’avoir violé des dispositions de la loi antiterrorisme de 2009. Il a été placé en détention provisoire. Lors d’une audience le 8 juin, il a affirmé avoir été privé de nourriture et d’eau. Par la suite, il a témoigné de passages à tabac par des gardiens de prison et d’un transfert le 23 juin avec les yeux bandés pour interrogatoire dans un lieu inconnu, où il a passé une journée menotté aux barreaux d’une petite cellule sombre et où il a été forcé de signer des documents.

Tortionnaires et objectifs

La pratique de la torture est enracinée depuis longtemps chez les membres des forces armées, de la police, des membres de l’administration pénitentiaire et divers groupes paramilitaires rattachés au gouvernement. Ces dernières années, le RAB et la Direction générale des forces de renseignements (DGFI), unité militaire de renseignements, sont devenus de nouveaux symboles de tortures et d’exactions.

La torture est une méthode routinière d’interrogatoire et d’enquête, en particulier pour extorquer des aveux par la force. Les agents des forces de l’ordre souffrent d’un manque de formation et sont très mal rémunérés, ce qui favorise la corruption. Le recours à la torture ou aux mauvais traitements est également très répandu pour extorquer de l’argent. Il s’agit également d’un outil de répression et d’intimidation, notamment contre les opposants politiques.

Méthodes et lieux

À côté des sévices décrits par les victimes précitées, les méthodes de torture comprennent les chocs électriques, les violences sexuelles dont le viol, la privation de sommeil, le waterboarding, le simulacre d’exécution et l’arrachage d’ongles (des mains et des pieds). Il arrive aussi que les tortionnaires jettent de l’acide sur le visage des victimes, leur percent les pieds avec des perceuses électriques ou leur écrasent les testicules avec un objet lourd.

Les témoignages font état de l’existence de cellules de torture dans les locaux des forces de l’ordre et des agences de renseignements où les suspects sont torturés pendant les interrogatoires. Le quartier général à Dacca et les camps du RAB, ainsi que les locaux de la police, sont des lieux de tortures particulièrement connus. Les victimes témoignent également de l’existence de centres secrets de détention. La DGFI possède ainsi trois centres secrets surnommés « trous noirs » (au quartier général de la DGFI à Dacca, à Kachukhet, et à proximité de l’aéroport international).

Conditions de détention

Le Bangladesh compte 67 prisons avec une population carcérale d’environ 85 000 détenus, soit le triple de leur capacité maximale (27 150 places). Les infrastructures sont inadaptées, les cellules minuscules et étroites, et les conditions sanitaires déplorables. Les prisonniers doivent se relayer pour pouvoir dormir ; la nourriture est souvent rationnée et de mauvaise qualité. Le suivi médical en prison est insuffisant. La transmission de maladies et les tortures subies en détention ont causé la mort d’au moins 58 détenus en 2009 et 20 détenus entre janvier et juillet 2010. Les femmes et les mineurs ne sont pas toujours emprisonnés dans des lieux séparés des hommes. Les femmes subissent des viols et d’autres violences sexuelles en détention de la part des gardiens de prison ou de codétenus. Les détenus peuvent être tabassés ou enchaînés de longues heures par les gardiens à titre de punition. Les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas accès aux lieux de détention.

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