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Rapport

Rapport « Un monde tortionnaire » 2014

La torture psychologique est un phénomène méconnu mais ravageur, notamment utilisé par les démocraties pour justifier auprès des opinions publiques le recours à l'usage de la violence.
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Crédits : Etienne Laurent
Le 28 / 01 / 2014

A l’occasion de la publication de son rapport annuel 2014 « Un monde tortionnaire » [1], qui dresse à nouveau un état des lieux du phénomène tortionnaire dans le monde [2], l’ACAT lance une alerte concernant l’utilisation de la torture psychologique par les tortionnaires du monde entier.

« Apparemment inoffensives, les tortures psychologiques semblent moins destructrices, moins moyenâgeuses que les coups, les électrocutions ou les brûlures. Mais ces pratiques ravagent les esprits, brisent l’identité des victimes et doivent être condamnées aussi fermement que les sévices qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes. », a déclaré Jean-Etienne de Linares, délégué général de l’ACAT. « Pour les États les plus répressifs, il s’agit de disposer de moyens supplémentaires pour faire souffrir ceux qu’ils veulent réprimer. Pour les États démocratiques, la torture psychologique a deux objectifs : se prémunir d’actions judiciaires – absence de marques, de blessures, de plaies, d’hématomes, de cicatrices – et justifier devant leur opinion publique le recours à des mesures extrêmes censées assurer leur sécurité. Il s’agit d’une torture qui ne dit pas son nom. »

La torture psychologique, parfois appelée « torture blanche » ou « torture propre », repose sur des techniques de privation sensorielle, d’isolement prolongé, de positions de stress, de simulacre d’exécution ou d’humiliations sexuelles et culturelles. Les États-Unis ont souvent été pointés du doigt, mais ce rapport établit qu’ils ne sont pas les seuls : date d’exécution inconnue jusqu’au jour même pour les condamnés à mort au Japon, menaces de mort envers des membres de la famille au Mexique, diffusion prolongée de musique à très haut volume au sultanat d’Oman, obligation de rester assis sur une chaise sans autorisation de se lever pour uriner ou déféquer en Birmanie, simulacres d’exécution en Syrie, ou encore exposition prolongée à des températures extrêmes au Soudan.

« La torture psychologique laisse de graves séquelles. Les corps peuvent guérir, les esprits restent marqués à jamais. Les victimes souffrent très fréquemment de tendances suicidaires, d’état dépressif prolongé pouvant mener à des troubles semblables au stress post-traumatique, à la paranoïa, à des pertes de mémoire et des repères spatio-temporels. », ajoute Jean-Etienne de Linares. « Les victimes se trouvent très fréquemment incapables de faire face aux difficultés de la vie courante et de conserver des relations sociales normales avec leurs proches. »

L’isolement prolongé est la forme la plus répandue de torture psychologique. [3] Les États-Unis par exemple imposent un régime d’isolement extrême à plus de 80 000 personnes détenues dans les prisons de haute sécurité « super-max » [4]. Par conséquent, l’ACAT appelle les États à se conformer aux recommandations de Juan E. Méndez, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, visant à interdire de maintenir un détenu à l’isolement absolu pendant plus de 15 jours. Une période au-delà de laquelle ces conditions de détention peuvent être qualifiées de torture.

Cet ouvrage est le quatrième rapport [5] que l’ACAT consacre à l’étude du phénomène tortionnaire dans le monde. Il analyse les pratiques tortionnaires dans 19 pays tout en poursuivant le travail d’éclairage historique, politique, psychologique et culturel de ce phénomène.

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 99 69 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes aux rédactions :

  • [1] Le rapport 2014 « Un monde tortionnaire » est disponible en version électronique en suivant ce lien. Il est disponible en version papier sur demande.
  • [2] Les pays suivants ont été étudiés dans ce rapport :
    • Afrique subsaharienne : Côte d’Ivoire, Madagascar, Rwanda, Soudan
    • Amériques : Canada, Haïti, Paraguay, République dominicaine
    • Asie : Afghanistan, Birmanie, Cambodge, Japon
    • Europe : Grèce, Hongrie, Suisse
    • Maghreb/Moyen-Orient : Libye, Oman, Syrie, Yémen
  • [3] Pour l’ACAT, le travail actuel de révision de l’Ensemble des règles minima de l’ONU pour le traitement des détenus devrait mieux prendre en compte les différentes dimensions de la torture psychologique, en particulier la pratique de l’isolement cellulaire.
  • [4] La durée d’enfermement moyenne sous ce régime dans les prisons américaines est de sept ans.
  • [5] Les rapports précédents peuvent être consultés en ligne à l’adresse suivante : http://www.acatfrance.fr/un-monde-tortionnaire

 

  • Points importants mis en lumière dans le rapport :
    • En Syrie, la torture, qui était déjà massivement pratiquée à l’encontre des opposants avant 2011, est devenue généralisée et systématique. L’écrasante majorité des personnes arrêtées est torturée. Le spectre des victimes comprend désormais toutes les personnes suspectées d’hostilité au régime de Bachar al-Assad, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes, d’enfants ou de personnes âgées. Les forces de sécurité, miliciens pro-régime et combattants du Hezbollah vont jusqu’à torturer ceux qui apportent une assistance médicale aux opposants politiques et à la rébellion armée. Les groupes armés hostiles au régime recourent également, et de plus en plus fréquemment, à la torture.
    • En Libye, 4 000 personnes sont détenues en dehors de tout cadre légal, emprisonnées par des milices et groupes armés. Elles sont retenues dans des conditions extrêmement sommaires et subissent régulièrement des tortures et mauvais traitements. Les travailleurs migrants et les demandeurs d’asile en route vers l’Europe sont aussi particulièrement visés par les tortionnaires.  En mai 2013, ils étaient près de 5 000 à être placés dans 17 centres de rétention dans lesquels ils sont souvent maltraités pour contrer toute velléité de protestation.
    • Au Soudan, les femmes dont la tenue est considérée « indécente ou immorale » sont couramment soumises à des violences, notamment des coups de fouet. Dans le cadre des conflits survenus au Darfour, au Nil Bleu, au Kordofan du Nord et au Kordofan du Sud, les parties au conflit commettent de nombreux actes de tortures à l’encontre de leurs adversaires et des civils considérés comme des ennemis. Les meneurs des manifestations qui ont lieu depuis 2011 pour réclamer la démocratie et de meilleures conditions de vie sont souvent interpellés puis torturés en détention.
    • Le Canada, pourtant décrit comme un État de droit exemplaire, a depuis 2001 fait primer la lutte contre le terrorisme sur le respect des droits de l’homme. Les services de sécurité peuvent notamment utiliser des informations obtenues sous la torture et transmettre des renseignements à des pays qui la pratiquent. Les gendarmes se rendent coupables d’abus sur les femmes autochtones, qui font l’objet d’humiliations, d’agressions physiques et sexuelles.
    • En Afghanistan, la torture et les mauvais traitements sont largement employés par les forces gouvernementales comme par les talibans, envers des insurgés et des civils de tous âges. De nombreux enfants sont placés dans des établissements pénitentiaires. Plus de trois quart d’entre eux ont subi des mauvais traitements ou des sévices durant leurs interrogatoires en 2012.
    • Au Japon, les condamnés à mort sont incarcérés dans des cellules de 5 m² éclairées constamment, surveillés par une caméra et séparés des autres prisonniers jour et nuit. Ils doivent rester assis en permanence et demander une permission pour se lever ou se coucher. Ils sont tenus de rester silencieux et regarder droit devant eux. Les détenus ne sont informés du moment de leur exécution que le jour même.
    • La Grèce s’est fait condamner 11 fois en 2012 par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de la Convention européenne sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture. Ces condamnations sont dues à l’usage excessif de la force par les policiers et au traitement infligé aux personnes privées de liberté.

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