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Tunisie
Rapport

Justice : un printemps inachevé

À l’occasion des trois ans de la révolution tunisienne, l’ACAT et TRIAL publient un rapport qui dresse le bilan de la lutte contre l’impunité en matière de torture.
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Le 14 / 01 / 2014

À l’occasion des trois ans de la révolution tunisienne, l’ACAT et TRIAL publient un rapport « Justice en Tunisie : un printemps inachevé » [1] qui dresse le bilan de la lutte contre l’impunité en matière de torture, à travers l’étude de dix cas de victimes [2].

Trois ans se sont écoulés depuis le renversement du régime de Ben Ali par les révolutionnaires, dont l’un des principaux mots d’ordre était l’éradication de la torture et de l’impunité qui gangrénaient le pays. Depuis le 14 janvier 2011, les gouvernements successifs n’ont cessé de réaffirmer leur volonté d’en découdre avec le phénomène tortionnaire. Pourtant, trois ans après, le bilan est sans appel. La torture et les mauvais traitements continuent d’être pratiqués par les forces de sécurité à une large échelle, encouragés par une impunité quasiment généralisée. Aucune victime de torture n’a véritablement obtenu justice.

Les réformes législatives menées depuis la révolution pour renforcer la répression du crime de torture sont très largement insuffisantes. Selon Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb/Moyen-Orient à l’ACAT : « L’organisation de la justice militaire s’est considérablement améliorée, mais il est inacceptable qu’elle soit toujours compétente pour juger une grande partie des cas de torture, alors même que les victimes et les tortionnaires sont des civils. Par ailleurs, la nouvelle définition de la torture intégrée dans le Code pénal en octobre 2011 est encore plus éloignée de la définition donnée par la Convention des Nations unies contre la torture que la précédente. » 

Aux insuffisances du droit s’ajoutent de nombreux dysfonctionnements judiciaires. Philip Grant, directeur de TRIAL, constate que « les plaintes pour torture enregistrées sont encore trop rarement instruites et lorsqu’elles le sont, l’instruction est souvent entachée d’irrégularités. Outre le manque de diligence ou de compétence des magistrats, les victimes sont confrontées à la corruption ou à la malhonnêteté de certains juges qui couvrent les crimes de torture dont ils sont saisis. »

Ni la récente adoption de l’article 22 de la nouvelle constitution prohibant la torture, ni le vote de la loi sur la justice transitionnelle, le 15 décembre 2013, ne suffiront à combler tous ces obstacles législatifs et judiciaires à la lutte contre l’impunité. Le mandat de l’Instance de vérité créée par la loi est trop vaste pour être honoré et les questions essentielles de réformes institutionnelles et de poursuites pénales des tortionnaires y sont reléguées au second plan.

En attendant l’adoption de mesures significatives, les victimes font les frais de l’absence de justice, à l’exemple de Ramzi Romdhani, torturés à de nombreuses reprises – chocs électriques, flagellation de la plante des pieds, privation de sommeil entre autres nombreux sévices - après son arrestation en 2007 prétendument dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et ce jusqu’à sa libération, le 14 janvier 2011. Il fait l’objet d’un harcèlement policier et judiciaire continuel qui s’est aggravé après le dépôt de sa plainte pour torture en juin 2013.   

« Il est urgent que les autorités tunisiennes mettent la lutte contre l’impunité au cœur de leur action. La justice pour les victimes de graves violations des droits de l’homme est nécessaire pour que la Tunisie devienne un véritable Etat de droit », poursuit Hélène Legeay.

Sur la base de la documentation de dix cas de victimes et des enseignements qui en résultent, l’ACAT et TRIAL recommandent, dans leur rapport, dix réformes portant sur l’accès à la justice, son administration et la législation applicable afin d’aider les autorités tunisiennes à remédier aux obstacles à la lutte contre l’impunité.

Contact presse :

Pierre Motin, ACAT – 01 40 40 99 69 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr

Notes aux rédactions :

  • [1] Le rapport « Justice en Tunisie : un printemps inachevé » est disponible en suivant ce lien.
  • [2] Depuis novembre 2012, l’ACAT et TRIAL mènent une activité de renforcement des capacités des avocats tunisiens sur les dossiers de torture. L’ACAT et TRIAL ont engagé 13 avocats pour travailler sur 14 dossiers de plainte concernant des victimes torturées en Tunisie. Dans chacun de ces cas, l’ACAT et TRIAL travaillent sur chaque étape de la constitution du dossier de plainte : recueil du récit détaillé et circonstancié de la victime ; identification des auteurs et complices de torture ; débriefing des témoins ; collecte des preuves ; élaboration d’une argumentation juridique en droit national et en droit international ; saisine des rapporteurs spéciaux tout au long de la procédure nationale ; saisine du Comité contre la torture de l’ONU après épuisement des voies de recours interne. L’objectif de ce projet est de faire avancer la lutte contre l’impunité en Tunisie, en assistant des victimes dans leur quête de justice et en soutenant les avocats dans l’accompagnement de ces victimes.

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