Le défenseur des droits humains Ramy Kamel a été arrêté à son domicile par 7 policiers en civil le 23 novembre 2019, sans mandat d’arrêt. De nombreux documents de travail, ainsi que son téléphone, son ordinateur et son appareil photo ont également été saisis. Amené puis interrogé, sans la présence de son avocat, durant toute la journée dans un lieu inconnu, il y aurait subi des actes de tortures et des mauvais traitements. Le procureur de la sûreté de l’État a retenu comme charges "la participation à un groupe terroriste et son financement, la réception de fonds étrangers, la diffusion de fausses informations et troubles à l’ordre public à travers l’usage de réseaux sociaux". Il a ensuite été transféré à la prison Tora, en détention provisoire pour 15 jours reconductibles. Il approche désormais les 100 jours de détention provisoire, alors qu’il est emprisonné dans des conditions difficiles. Il est détenu à l’isolement et privé de sortie dans la cour de la prison et de tout contact avec d’autres détenus. En plus du froid dans les cellules en cette période de l’année, il ne dispose pas de matelas et dort donc à même le sol.
Depuis la révolution de 2011, Ramy s’est engagé dans la défense de l’identité et des droits de la communauté copte. Il était l’un des fondateurs de l’Union des Jeunes de Maspero, créée à la suite du massacre de Maspero, perpétré au Caire en Octobre 2011 par les forces armées contre des manifestants pacifiques principalement coptes. Ramy dénonçait également l’absence de réaction de la part de l’État voire sa complicité dans certaines situations. En avril dernier, il avait rédigé un rapport sur les discriminations que subissent les coptes depuis l’arrivée de al-Sissi au pouvoir.
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Contexte
Depuis la reprise du pouvoir par le régime militaire en 2013, l’Égypte connaît une dégradation extrêmement préoccupante en matière de droits humains. Pourtant, avec la Révolution du 25 janvier 2011, un espoir était né pour les Égyptiens rêvant d’un pays plus respectueux de la dignité humaine et de l’État de droit. Cependant, l’establishment militaire a toujours réussi à garder la main sur les affaires, empêchant ainsi tout pouvoir indépendant et démocratique de s’établir tout en utilisant habilement les failles et les erreurs des nouveaux dirigeants. La situation bascule définitivement le 14 août 2013 lorsque les forces de sécurité, sous le commandement du Général Abdelfattah al-Sissi, massacrent les partisans du président Mohamed Morsi rassemblés sur les places de Rabaa et Ennahda au Caire, faisant entre 800 et 1000 morts selon différentes organisations de droits humains.
Très vite, al-Sissi s’impose comme l’homme fort de l’Égypte et réussit à se faire élire en 2014, puis à nouveau en 2018, remportant à chaque fois 97% des voix. De nouveaux amendements constitutionnels adoptés en avril dernier permettent à al-Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2030 tout en faisant de l’armée « la garante de la démocratie, de la Constitution et du caractère civil de l’État ». Cette modification entérine ainsi la possibilité pour l’armée d’intervenir à tout moment dans la vie politique, en s’opposant par exemple à des résultats électoraux qu’elle considérerait comme menaçant la démocratie, constitutionnalisant ainsi le coup d’État militaire.
Entre-temps, le régime s’est attaqué à toute opposition en commençant par les Frères musulmans, désignés comme groupe terroriste et dont est issu Mohamed Morsi – le premier président égyptien élu démocratiquement et récemment décédé en détention. Les autres mouvements politiques démocratiques, de gauche ou laïcs subissent également la répression. Les militaires s’en prennent aussi aux médias indépendants ainsi qu’aux activistes et défenseur·e·s des droits humains. Les autorités les accusent habituellement d’assistance à une organisation terroriste, d’appartenance à un groupe terroriste et de diffusion de fausses informations menaçant la sécurité de l’État.
Après la vague d’arrestations de juin dernier dans le cadre de l’affaire dite "de l’Espoir", l’Égypte a connu des manifestations inédites les 20 et 21 septembre 2019. Le régime a réagi par une campagne d’arrestations massives sans précédent : entre 2500 et 4000 personnes ont été arrêtées selon différentes sources. Parmi elles, on compte de nombreuses figures de l’opposition, des militants politiques ainsi que des avocats et des défenseurs des droits humains comme Mohamed El-Baker.