Nous exigeons la fin de la criminalisation des défenseurs maya tseltales de Chilón
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Un an après le début du harcèlement judiciaire contre José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano, défenseurs communautaires, en re-présailles de leur défense du territoire et des droits des peuples autochtones au Chiapas, l'ACAT-France et l'Observatoire (OMCT-FIDH) exigent l'abandon des charges contre eux.
Le 15 octobre 2020, la communauté maya tseltal de Bachajón (municipalité de Chilón, État du Chiapas) a appelé à une mobilisation pour protester contre l'installation d'une caserne de la Garde nationale en territoire autochtone. La décision de construire cette caserne avait été prise sans consultation libre, informée, préalable et culturellement appropriée des populations autochtones concernées, en violation des normes régionales et internationales relatives aux droits humains des peuples autochtones. Rappe-lons que la Garde nationale est une force de sécurité qui a été créée récemment ; elle est juridique-ment de nature civile, mais de facto de nature militaire.
La réponse des autorités à cette manifestation pacifique a été la répression. Faisant usage d'une force excessive et disproportionnée, une opération d'environ 300 agents de la police d'État et municipale et de la Garde nationale a fait 11 blessés, endommagé des véhicules privés et abouti à des menaces et des intimidations à l'encontre des participants et des observateurs des droits humains de l’ONG Frayba. José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano ont été arrêtés arbitrairement, battus et accusés de l’infraction pénale de « rébellion » (« incitation à l’émeute »). Les deux défenseurs ont dé-noncé publiquement et devant un juge avoir été soumis à des mauvais traitements et à la torture au cours des premières heures de leur détention. En outre, ils n’ont pas immédiatement été déférés de-vant la justice, et ce de façon injustifiée.
Malgré cela, un an après ces événements José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano sont toujours harcelés judiciairement pour avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement. Bien que leur représentation par l’ONG Frayba ait permis de lever la détention préventive dont ils ont d’abord fait l'objet, depuis le 1er novembre 2020, José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano sont obligés de comparaître tous les 15 jours devant le tribunal d'Ocosingo et ont l'interdiction de quit-ter le territoire situé entre les municipalités d'Ocosingo et de Chilón.
Bien qu'une enquête sur les allégations de torture par les deux défenseurs ait été ouverte au sein du bureau du procureur chargé de la justice indigène, elle n'a pas progressé. Pire, le tribunal a arbitraire-ment rejeté la demande des représentants légaux des défenseurs communautaires d'exclure les preuves obtenues par violation des droits humains. En outre, le ministère public a soutenu que Jo-sé Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano s’étaient infligés à eux-mêmes les bles-sures qu’ils ont dénoncées. Tout cela en dépit du fait qu'il existe des preuves vidéo[1] du 15 octobre 2020 sur l'usage excessif et disproportionné de la force par les agents de police et la Garde nationale à l’encontre des manifestants.
Cette situation a eu un profond impact économique et psychologique sur Jo-sé Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano mais aussi sur leurs familles, lesquelles ont été contraintes de vendre leurs moyens de subsistance pour faire face aux coûts des visites régulières au tribunal et aux autres dépenses liées à la détention préventive initiale.
L'ACAT-France et l'Observatoire demandent instamment aux autorités de mettre fin au processus de cri-minalisation de José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano en concluant à un non-lieu à statuer sur les poursuites judiciaires engagées contre eux et en enquêtant immédiatement sur les allégations de torture et mauvais traitements à leur encontre. Nos organisations exhortent également les autorités à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les défenseurs du territoire et des droits des peuples autochtones du Chiapas puissent exercer leur droit à la défense des droits humains libre-ment et dans un climat favorable.
Enfin, nos organisations appellent les autorités compétentes à mettre en œuvre les normes régionales et internationales relatives aux droits humains relatifs à l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre, notamment le Code de conduite des Nations unies pour les responsables de l'application des lois et les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les respon-sables de l'application des lois, afin de garantir le droit de réunion pacifique, ainsi que les droits à l'inté-grité physique et à la vie de ceux et celles qui exercent légitimement ce droit.
> Notes
L'Observatoire pour la protection des défenseur∙e∙s des droits humains (l'Observatoire) est un programme créé en 1997 par l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) et vise à intervenir pour prévenir ou remédier à des situations concrètes de répression contre les défenseur∙e∙s des droits humains. L'OMCT et la FIDH sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de défense des droits humains de l'Union eu-ropéenne mis en œuvre par la société civile internationale.
Le Centre des droits humains Fray Bartolomé de las Casas A.C. (Frayba, partenaire de l’ACAT-France) est une organisation à but non lucratif fondée en 1989 qui œuvre pour la défense et la promo-tion des droits humains. Elle partage sa mission, son histoire, son expérience accumulée et une dé-termination mutuelle avec les processus développés par les peuples et communautés autochtones de l'État du Chiapas, au Mexique. Frayba est une organisation membre du réseau SOS-Torture de l'OMCT.
> Pour aller plus loin :
Visionnez la vidéo de Frayba sur les poursuites arbitraires subies par José Luis et César
[1] https://www.youtube.com/watch?v=zBecjsxw3bQ&t=107s