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Éducation : dépolitisons les droits de l'homme !

Depuis ses débuts, la République a porté l'éducation aux droits de l'homme comme une base fondamentale de la formation des citoyens. Aujourd'hui, le concept s'est politisé, parfois au détriment de la promotion de valeurs universellement partagées.
JOC2017 04 (c)Audrey Morice-web

« Éduquer aux droits de l’homme, c’est créer l’école de la démocratie », déclarait la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans un avis publié en 1991. En cela, la Commission relayait un héritage français qui remonte aux premières heures de la République et aux tentatives tâtonnantes en direction du suffrage universel. D’emblée, l’exercice éclairé du droit de vote apparaît indissociable du socle de principes fourni par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et dès la loi du 19 décembre 1793, la connaissance de la Déclaration des droits de l’homme est déclarée « absolument nécessaire pour former les citoyens ».

Droits universels ou « valeurs de la République » ?

L’éducation aux droits de l’homme suit également une autre injonction : celle émanant des conventions internationales, depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui proclame que la paix mondiale dépend de la connaissance des droits de l’homme par tous les jeunes. L’éducation aux droits de l’homme est conçue comme l’école de l’ouverture et le tremplin vers une citoyenneté universelle. Cependant, les conceptions nationales de l’éducation aux droits de l’homme ne s’alignent pas toujours parfaitement avec le cadre onusien, dès lors que la citoyenneté mondiale et la citoyenneté nationale ne s’en réfèrent pas au même corpus de droits fondamentaux. 

C’est en effet le problème que pose le glissement qu’a connu la France dans le champ de l’éducation civique, entre droits de l’homme et « valeurs de la République ». Aujourd’hui, la citoyenneté française semble devoir s’appuyer sur un socle panaché de principes universels et de « valeurs » conjoncturelles, marquées, voire forgées, par les débats politiques nationaux. Il en va ainsi de la laïcité, parfois présentée comme un droit fondamental afin de légitimer des démarches politiciennes.

Intuition originelle de l’humanité

Les associations d’éducation populaire se doivent de dépolitiser les droits de l’homme et de les relever à leur dimension universelle. dans une société fortement polarisée, il est essentiel de tenir un discours admissible par tous au-delà des clivages. Plutôt que de nourrir ce que la CNCDH qualifiait, en 2013, de « combat de certaines valeurs contre d’autres », il s’agit de donner aux jeunes les clefs d’identification de principes pouvant être universellement partagés. 

L’ACAT bénéficie à ce titre d’un atout en comparaison avec d’autres associations de défense des droits de l’homme, dans la mesure où l’abolition de la torture et de la peine de mort renvoie à des droits indérogeables et aux plus élémentaires des valeurs humaines. En ces temps de menace terroriste, à la faveur desquels torture et peine de mort connaissent un regain de popularité, la mission d’éducation de la jeunesse que conduit l’ACAT devrait consister à mettre en lumière l’évidence que constitue leur abolition : car celle-ci, dictée par le principe de dignité humaine, ne procède pas d’une opinion politique, mais d’une intuition originelle de l’humanité. Au-delà des arguments pragmatiques, des conceptions contextuelles de la citoyenneté, la discussion engagée avec la jeunesse devra mener naturellement à la reconnaissance de ce patrimoine essentiel de tous les hommes : le respect de la vie.


Par Malcom Théoleyre, conseiller Éducation aux droits humains à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

Article issu du dossier « Humains de demain », du Humains n°01