Le journaliste Samuel Ajiekah Abuwe, connu sous le nom de Samuel Wazizi, est mort en détention. Il aura fallu 10 mois pour que les autorités camerounaises l’admettent après qu’Équinoxe Télévision, média indépendant camerounais, ait évoqué son décès sur ses ondes le 2 juin 2020. Le journaliste de 36 ans de Chillen Muzik and TV (CMTV), accusé de « collaboration avec des séparatistes » avait été arrêté par la police le 2 août 2019 à Buea, dans la région du Sud-ouest anglophone. Cinq jours plus tard, il était transféré dans une installation militaire de la même ville.
Depuis le 7 août 2019, Samuel Wazizi était porté disparu. Pendant 10 mois, les autorités camerounaises ont dissimulé sa mort et refusé de fournir la moindre information sur son sort à sa famille, ses avocats et aux ONG.
Suite à de fortes pressions nationales et internationales, le 5 juin 2020, le colonel Serge Cyrille Atonfack, porte-parole de l’armée, a déclaré que Wazizi était décédé d’une grave sepsis le 17 août 2019 à l’hôpital militaire de Yaoundé. Le même jour, l’ambassadeur de France a déclaré aux médias que le Président Paul Biya avait assuré qu’une enquête serait ouverte sur la mort du journaliste.
Les autorités camerounaises étaient responsables de sa vie et de sa sécurité pendant sa détention et doivent fournir un compte-rendu complet des circonstances de sa détention et de sa mort. La transparence et l’établissement des responsabilités sont indispensables pour faire la lumière sur le cas de Wazizi.
Vous souhaitez vous mobiliser pour demander une enquête indépendante et impartiale devant établir les responsabilités dans la mort de Samuel Wazizi ?
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CONTEXTE
Octobre-novembre 2016 : des avocats, enseignants et étudiants anglophones protestent contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif en vigueur dans les régions anglophones. Les autorités camerounaises répriment violemment les manifestations pacifiques. Les villes de Bamenda, Buea, Kumba et Kumbo sont particulièrement touchées par la répression. Des centaines de personnes sont arrêtées. Plus de dix manifestants sont tués par balles entre octobre 2016 et février 2017. Les autorités camerounaises tentent le « black-out » : elles interdisent des organisations de la société civile, suspendent Internet et les lignes téléphoniques pendant trois mois entre janvier et avril 2017. Des groupes de militants anglophones répondent par des stratégies de désobéissance civile (boycott des écoles et opérations « ville morte »). En octobre 2017, les forces de défense et de sécurité tirent à balles réelles sur des manifestants qui célèbrent symboliquement l’indépendance des régions anglophones. Vingt personnes sont tuées, de nombreuses autres blessées. Des centaines de personnes sont de nouveau arrêtées. Des milliers fuient. Dès lors, les voix modérées anglophones sont remplacées par les appels à la lutte armée des groupes séparatistes. La guerre civile commence. Les symboles de l’État et les forces de défense et de sécurité sont attaqués. S’ensuit une militarisation des régions anglophones – avec notamment l’arrivée du Bataillon d’intervention rapide (BIR) – et une répression tous azimuts qui renforce encore davantage l’émergence de mouvements plus radicaux et violents au sein de la société anglophone.
Entre 2016 et 2019, cette guerre de basse intensité a coûté la vie à plus de 3 000 personnes et déplacé plus de 500 000 personnes.
Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans les régions anglophones est incontrôlable. Il s’agit d’une « No go zone » où il est dangereux de se rendre. Une partie de ce territoire est administrée par des groupes séparatistes armés, qui sèment la terreur au sein des populations civiles et opèrent par des actions de guérilla. Les fonctionnaires ont fui face aux attaques. Seule l’armée, dernier symbole de l’État camerounais, est présente sur quelques axes routiers, bases militaires et villes et villages d’importance stratégique. Elle lance régulièrement des opérations de contre-guérilla qui se soldent par des exécutions sommaires de civils. En différents endroits, les coupeurs de route et autres groupes criminels foisonnent et rançonnent citoyens et commerçants.