Les détenus de Gdeim Izik en attente d’un nouveau jugement
Le 27 juillet 2016, la Cour de cassation marocaine a annulé la condamnation prononcée par le tribunal militaire à l’encontre de 23 militants et défenseurs des droits de l’homme sahraouis, arrêtés dans le cadre du démantèlement du camp de Gdeim Izik en 2010. Ils doivent être rejugés par un tribunal civil.
Les 23 accusés ont été condamnés le 16 février 2013 à de lourdes peines d’emprisonnement pour appartenance à une organisation criminelle, violences volontaires entrainant la mort de fonctionnaires et, pour certains, profanation de cadavre. Ils sont notamment accusés d’être responsables de la mort de neuf agents de sécurité marocains au cours du démantèlement du camp.
Leur condamnation a été prononcée à l’issue de neuf jours de procès inéquitable marqué par la prise en compte d’aveux arrachés sous la torture. D’après les avocats des accusés, la cassation a été motivée par le fait le Maroc a adopté en 2015 une loi prévoyant l’incompétence du tribunal militaire pour juger des civils.
Aucune date n’a été fixée pour la tenue du procès devant la cour d’appel civile. L’ACAT craint que la procédure dure des années et que le nouveau procès soit lui aussi entaché d’iniquité.
Cela va faire six ans que les accusés sont arbitrairement détenus malgré les condamnations de plusieurs organes des Nations unies.
Contexte
En octobre 2010, des milliers de Sahraouis vivant dans la partie du Sahara occidental sous occupation marocaine ont quitté leur résidence pour s’installer dans des camps temporaires à la périphérie des villes. Ils protestaient ainsi contre les discriminations économiques et sociales dont les Sahraouis s’estiment victimes de la part du gouvernement marocain.
Le 8 novembre 2010, les militaires marocains, armés de canons à eau et de bombes lacrymogènes, ont attaqué le camp de Gdeim Izik occupé par près de 20 000 Sahraouis. Des affrontements ont éclaté entre l’armée et des manifestants sahraouis, au cours desquels neuf soldats marocains auraient trouvé la mort. S’en est suivie une violente vague de répression menée par les forces de sécurité marocaines, avec l’appui de civils marocains résidant en territoire sahraoui. Elles ont ainsi ouvert le feu sur des civils dans la ville de Laâyoune, saccagé des maisons et passé à tabac leurs habitants. Des centaines de militants sahraouis ont été arrêtés, dont plusieurs ont déclaré avoir été torturés.
Après 27 mois de détention préventive, 24 militants sahraouis ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pour leur implication dans le mouvement de protestation. Un autre a été condamné par contumace. Les juges militaires se sont refusés à tenir compte des allégations de torture formulées par les accusés et d’ordonner des expertises médicales. Les accusés ont été condamnés sans autre preuve que leurs aveux forcés. Ils ont dû attendre plus de trois ans que leur pourvoi en cassation soit examiné.