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France
Communiqué

À Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), mettre à l’abri les réfugiés est un délit

Dans le Pas-de-Calais, des citoyens ayant entrepris de construire un abri pour les réfugiés ont été interrogés par la police. Un nouveau délit de solidarité ?
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Crédits : Jey OH photographie / Flickr Creative Commons
Le 08 / 10 / 2015

Prétendant abroger le délit d’aide au séjour irrégulier [1], dit délit de solidarité, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, affirmait : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable » [2]. Or les modifications introduites dans la législation ne suppriment de fait pas le délit de solidarité [3]. Devenu premier ministre, le même a déclaré le 16 septembre dernier, pour commenter la décision française d’accueil sur le territoire national d’une partie des réfugiés qui frappent depuis des semaines aux portes de l’Europe [4] : «  Il faut du cœur, bien sûr, mais un cœur intelligent » [5].

Six cent maires et élus locaux disposés à prendre en charge des demandeurs d’asile dans leur ville ont récemment été conviés par le ministre de l’Intérieur à une réunion très médiatisée, où on les a assurés du soutien de l’État dans cet accueil. Le préfet Kleber Arhoul, nommé coordinateur, s’est notamment vu confier le mandat d’être "à l’écoute des initiatives citoyennes" [6].

Au même moment, les citoyens qui s’organisent pour essayer d’offrir les moins mauvaises conditions possibles aux exilés qui passent dans leur commune ont quelque raison de s’interroger sur ce qu’est l’« intelligence du cœur » prônée au sommet de l’État...

À Norrent-Fontes, l’une des jungles du Pas-de-Calais, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ayant été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel, les soutiens locaux, dont les membres de l’association Terre d’errance, ont entrepris de le reconstruire. Las : le maire aujourd’hui en fonction ne l’a pas entendu de cette oreille, et a pris début août, arguant de piètres motifs d’urbanisme [7], un arrêté d’interdiction de cette reconstruction. Les militants de Terre d’errance sont accusés d’avoir enfreint cet arrêté au motif qu’ayant stoppé les travaux de construction ils ont cependant posé une toile pour permettre aux exilés de se protéger de la pluie...

Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! À ce jour, plusieurs membres de Terre d’errance ont été convoqués à la gendarmerie pour des interrogatoires, en attendant, peut-être, une inculpation.

Quid des principes d’humanité et de solidarité, rappelés avec force par les autorités ? L’écart entre les annonces gouvernementales et des pratiques locales d’intimidation d’acteurs de terrain ne peut qu’être souligné par nos organisations qui :

  • dénoncent l’hypocrisie des autorités qui prétendent avoir "pris la mesure" de la situation qu’elles appellent « crise migratoire » ;
  • revendiquent le droit, et même l’obligation, à manifester notre solidarité avec toutes celles et ceux qui quittent leur pays pour chercher un abri et des conditions de vie dignes en Europe ;
  • rappellent que les mobilisations citoyennes telles que celle des membres de Terre d’errance répondent aux carences de l’État à accompagner des personnes vulnérables ;
  • protestent contre la multiplication des efforts pour empêcher, ou du moins freiner, non seulement l’arrivée mais même le départ de celles et ceux dont il est proclamé que ce sont des personnes ayant "vocation à" bénéficier du droit d’asile ;
  • réclament une refonte radicale des politiques d’asile et d’immigration qui aujourd’hui sont la cause de désastres humains, et dans l’immédiat, l’accueil inconditionnel des demandeurs d’asile et l’instruction de leur demande dans le pays de l’Union européenne de leur choix ;

Le 10 octobre prochain, à Norrent-Fontes [8], avec Terre d’errance, nous porterons ces revendications aux côtés de de toutes celles et ceux qui veulent que la solidarité ne soit plus traitée comme un délit.

Contact presse :

Organisations signataires :

région Nord-Pas-de-Calais :

ADRA antenne locale Dunkerque

Auberge des migrants

Calais Ouverture et Humanité

Collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62

Emmaüs Dunkerque

Itinérance Cherbourg

La Cimade Nord-Picardie

LDH 62

Réveil voyageur

Salam Nord/Pas-de-Calais

Secours Catholique du Pas-de-Calais

Terre d’errance

Terre d’Errance Flandres Littoral

Terre d’Errance Steenvoorde

Mouvement Utopia

et pour la  coordination française pour le droit d'asile :

ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)

APSR (Association d’accueil aux Médecins et Personnels de Santé Réfugiés en France)

ARDHIS (Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transsexuelles à l’Immigration et au Séjour)

Comede (Comité pour la santé des exilés)

Dom’Asile

FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s)

GAS (Groupe accueil et solidarité)

GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s)

JRS France (Jesuit Refugee Service)

La Cimade

LDH (Ligue des droits de l’Homme)

Médecins du Monde (MdM)

MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)

Centre Primo Levi

Secours catholique

Notes :

[1] Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées

[2] Discours de M. Valls au Sénat devant la Commission des lois, 25 juillet 2012

[3] cf. Contrôle des étrangers : ce que change la loi du 31 décembre 2012, ADDE, La Cimade, Fasti, Gisti, Syndicat de la magistrature et le dossier Délits de solidarité sur le site du Gisti

[4] On relèvera que l’accueil d’une trentaine de milliers de personnes en deux ans est un geste bien dérisoire au regard de la démographie et des ressources nationales, comme au regard du nombre de personnes aujourd’hui en quête de protection internationale

[5] Discours de M. Valls à l’ouverture du débat à l’assemblée nationale sur l’accueil des réfugiés, 16 septembre 2015

[6] http://www.interieur.gouv.fr/Accueil-des-refugies-et-demandeurs-d-asile

[7] Le terrain sur lequel est située la jungle de Norrent-Fontes serait une zone non constructible car inondable

[8] Infos sur la page Facebook de Terre d’errance

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