L’examen de la France par le Comité contre la torture des Nations Unies s’est tenu du 16 au 17 avril 2025 à Genève. Si la délégation française a répondu aux sollicitations, l’ACAT-France déplore des annonces peu ambitieuses et une tendance à minimiser la gravité des enjeux soulevés.
Concernant les principales préoccupations de l’ACAT-France,
✅ La délégation française a abordé le sujet de la visibilité du R.I.O. Elle a assuré que ce matricule à sept chiffres serait « bientôt » agrandi — sans toutefois avancer de calendrier précis. Actuellement, le R.I.O. prend la forme d’une barrette de quelques millimètres, difficilement perceptible en contexte de manifestation.
❌ Néanmoins, aucune mention n’a été faite concernant le non-port du R.I.O. par les agents, et ce malgré les demandes de l’ACAT-France et l’arrêt du Conseil d’État du 11 octobre 2023.
✅ À propos de la surpopulation carcérale, la délégation française a affirmé qu’une politique volontariste est actuellement menée, comprenant le développement des peines alternatives à la détention, la favorisation des libérations anticipées ou encore un projet de coopération européen visant à partager les bonnes pratiques de lutte contre la surpopulation carcérale avec d’autres pays concernés par cette problématique.
❌ Si cette annonce est positive, l’ACAT-France déplore un développement encore trop faible des peines alternatives et une politique carcérale qui repose avant tout sur l’augmentation des places de prison. Une politique inefficace pour faire diminuer le taux d’occupation des prisons et difficile à mettre en place : la délégation a elle-même reconnu que l’État ne pourra livrer les 15 000 places supplémentaires promises pour 2027. Pour l’heure, seules 6 494 places ont été livrées.
✅ La délégation française a également apporté des réponses au sujet de l’usage des armes de force intermédiaire par les forces de l’ordre, notamment le LBD. Elle a rappelé la mise en place, en 2017, de caméras embarquées par les agents, qui filment avant et pendant le tir de LBD, ainsi que d’un superviseur qui accompagne le tireur et doit donner son autorisation préalable pour faire feu.
❌ Malgré ces mesures encourageantes, la France n’envisage toujours pas d’interdire le LBD en manifestation, bien que ce contexte ne soit pas adapté à cette arme.
✅ La formation des agents aux armes de force intermédiaire a également été soulignée par la délégation. Elle comprend une formation initiale de six heures, puis une formation continue de quatre heures par an.
❌ L’ACAT-France estime cependant que ces durées de formation restent largement insuffisantes. De plus, des témoignages issus des forces de l’ordre attestent que la formation continue n’est que rarement suivie par les agents.
✅ Enfin, la délégation française a fait valoir la transparence de l’IGPN et de l’IGGN, dont les rapports d’activité sont disponibles et rendus publics chaque année.
❌ Or, si certaines informations relatives à ces deux autorités sont plus accessibles depuis 2017, elles restent insuffisantes et manquent de précision. Les rapports d’activité de l’IGPN et de l’IGGN ne comportent notamment aucune information sur les enquêtes concernant les violences policières, les sanctions et les condamnations des agents mis en cause. De plus, la délégation française n’a reconnu aucun problème de partialité dans les enquêtes menées par ces deux autorités, rattachées à la direction de la Police et de la Gendarmerie.
« Des réponses souvent approximatives ou incomplètes, et une minimisation de l’ampleur des enjeux soulevés » : l’analyse de Solange Moumé Etia, directrice du pôle Programmes et Plaidoyer de l’ACAT-France
« L’examen de la France par le Comité contre la torture est un exercice nécessaire pour tout État de droit. Il permet d’évaluer le niveau de mise en œuvre, par les autorités françaises, des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’ACAT-France salue le fait que la France s’y soit prêtée, mais regrette des réponses souvent approximatives ou incomplètes, notamment sur nos principales préoccupations.
Sur les conditions de détention, les réponses pour remédier à la surpopulation carcérale demeurent insuffisantes. L’État partie reconnaît lui-même que les objectifs fixés lors du « Plan 15 000 », lancé en 2018, ne seront pas finalisés comme prévu en 2027. Alors qu’un quart des personnes incarcérées souffrent de troubles psychotiques, construire plus de places de prison ne résout rien. Il est crucial de développer des aménagements de peines, des peines alternatives et des structures adaptées pour ne plus dépasser les 100 % d’occupation.
L’agrandissement du R.I.O. est une annonce positive. Mais l’absence de réponse ferme sur le non-port de ce matricule par les agents des forces de l’ordre dans le cadre de leurs missions demeure problématique, et l’ACAT-France restera vigilante quant à l’application de l’arrêt du Conseil d’État.
Sur la question de l’usage des armes létales et de forces intermédiaires, les réponses de la délégation française n’ont pas été satisfaisantes : nous avons observé une minimisation de l’ampleur du phénomène et même une contestation des chiffres avancés par la société civile.
Enfin, s’agissant de l’impartialité des enquêtes menées par l’IGPN et l’IGGN, le refus d’instaurer un organe d’enquête indépendant, chargé d’examiner les allégations de violations imputables aux agents des forces de l’ordre, demeure également préoccupant ainsi que la contestation d’un certain nombre de données chiffrées.
Le rapport final du Comité sera publié le 1er mai : nous l’attendons avec impatience. Quatre recommandations prioritaires y seront mises en exergue, assorties d’un suivi renforcé par un expert dédié. Nous espérons vivement que nos propositions y figureront. »