Toute personne susceptible d’être condamnée, quels que soient ses moyens et son statut, a le droit d’être défendue. Mais, rappelle le Conseil économique et social des Nations Unies, dans les affaires pouvant mener à une condamnation à mort, cette protection doit « aller au-delà de celle qui est accordée aux personnes qui ne sont pas passibles de la peine capitale. [1]»
Pourtant, parmi les 56 pays et territoires qui maintiennent et appliquent toujours la peine capitale, bien des personnes inculpées sont condamnées à mort soit sans avoir eu accès à un avocat – pourtant obligatoire pendant toute la durée de la procédure – , soit sans avoir pu bénéficier d’une représentation « efficace », c’est-à-dire permettant à l’avocat de disposer de toutes les informations et de tous les moyens nécessaires à la défense.
« Souvent, témoigne Anne Boucher, Responsable du programme Amériques et spécialiste des questions de peine de mort au sein de l'ACAT, les avocat.e.s ne peuvent s’entretenir avec leur client ; parfois ils n’en ont pas le temps, parfois ils n’ont pas l’expérience requise pour représenter avec succès un.e client.e qui encourt la peine capitale ; parfois ils n’ont pas l’indépendance nécessaire ; parfois aussi ils sont menacés et travaillent au risque de leur propre vie dans des environnements hostiles.»
Dans certains cas également, ce sont les moyens matériels qui font défaut. En Tanzanie, par exemple, les avocat·e·s organisent parfois les visites des client·e·s incarcéré·e·s sur leurs fonds propres. Ailleurs, certains doivent puiser dans leurs fonds personnels pour financer certaines procédures comme le recouvrement de dossiers.
L’accès à une défense efficace est d’autant plus hypothétique/compliqué que beaucoup d’accusé.e.s n’ont pas de connaissances détaillées des lois en vertu desquelles ils sont jugés.
« Charles Flores, condamné américain soutenu par l’ACAT, fait partie de ceux et celles qui vivent en permanence sous la menace d'une exécution parce qu'ils ont été mal défendu.e.s, explique Anne Boucher. Condamné en 1999 après un procès bâclé, il a été représenté par un avocat qui n’a pas cherché à contester l’unique témoignage à charge, pourtant obtenu sous hypnose par la police, ni à mettre en avant les circonstances atténuantes de l’inculpé. Faire appel d'une condamnation à mort est très compliqué et ses avocats n'ont pas été plus zélés. Charles a échappé de justesse à l’exécution le 2 juin 2016, et si sa nouvelle avocate est extrêmement rigoureuse, elle fait face à de nombreux obstacles procéduraux et à des moyens très limités. »
Procédures iniques
Il en est de même en Arabie Saoudite où Salman Al-Awdah, condamné à mort soutenu par l’ACAT, fait lui aussi face à des procédures iniques. Prédicateur renommé et voix dissidente, il a été arrêté en 2017, sans être informé des motifs. Il a fallu attendre un an pour qu’il ait connaissance des charges qui pesaient contre lui lors de la première audience de son procès. Il a, en même temps, appris qu’il encourrait la peine de mort et a pu s’entretenir pour la première fois avec son avocat. Un avocat qu’il ne peut pas consulter régulièrement et qui fait face à des nombreuses restrictions des droits de la défense. Il est aujourd’hui encore dans une situation très difficile.
Ces failles du système judiciaire peuvent avoir des conséquences tragiques. Certain.e.s sont même condamné.e.s à mort alors que leur innocence est ensuite démontrée. Aux Etats-Unis par exemple, depuis la réinstauration de la peine de mort en 1976, plus de 172 personnes qui avaient été condamnées à mort ont été disculpées.
[1]Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Conseil économique et social, résolution 1989/64 (24 mai 1989).