Un syndicat de police tente d’intimider des ONG pour les faire taire
Un article de La Voix du Nord rapporte les propos d’un syndicat de police, UNSA-Police, accusant l'ACAT d'avoir tenu des propos diffamatoires envers les forces de sécurité. L'ACAT apporte sa réaction à cette accusation sans fondement et aux menaces inacceptables qui l'accompagnent.
« Surenchère de propos diffamants à l’encontre des forces de l’ordre »
Depuis 2016, « certains collectifs, ONG et associations (l’ACAT, Médecins sans frontières ou encore la Commission des droits de l’homme de l’ONU, selon le syndicat) se sont livrées à une véritable surenchère de propos diffamants à l’encontre des forces de l’ordre, accusées d’exactions, sans preuve ». Telles sont les accusations découvertes par l'ACAT dans un article publié sur le site du journal La Voix du Nord le 9 septembre 2017. [1]
Quelques jours auparavant, le syndicat de police UNSA-Police déposait une plainte contre deux associations d'aides aux migrants de Calais [2], pour avoir tenu selon eux des propos diffamatoires envers les forces de l'ordre. Les deux associations avaient notamment dénoncé une « chasse à l’homme », des « violences policières incessantes » et des « entraves aux distributions de repas ». [3]
Revenant sur les motifs de ces deux plaintes, le syndicat de police estime que depuis 2016, plusieurs associations - dont l'ACAT - et instances internationales (Nations-Unies), se sont livrées à « une surenchère de propos diffamants » contre la police en dénonçant des faits de violences policières illégales. Le syndicat entend faire cesser ce type de dénonciations.
Face aux accusations, les faits
L'ACAT s'étonne de cette accusation récente du syndicat UNSA-Police, tant sur le fond que sur la forme. L'ACAT a publié, en mars 2016, un rapport d’enquête intitulé « L'ordre et la force », dans lequel elle questionne les moyens, modalités et contrôle du recours à la force par les représentants de la loi en France. [4] Depuis cette date, aucun syndicat, institution de police et de gendarmerie ou représentant des autorités françaises avec qui nous avons eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises sur ce sujet, n'ont jamais évoqué de quelconques propos diffamants qui auraient pu être tenus par l'ACAT envers les forces de l'ordre.
Bien au contraire, depuis cette date, ce rapport a été reconnu par de nombreuses instances nationales et internationales comme document de référence sur la question du recours à la force en France.
Cet ouvrage repose sur un travail d'enquête rigoureux mené pendant 18 mois. Il s'appuie sur des faits vérifiés et non contestés, aisément vérifiables. La méthodologie d'enquête suivie est détaillée dès l'introduction de ce rapport. Chaque information y est par ailleurs sourcée, ce qui permettra au syndicat UNSA-Police de vérifier l'absence de toute « accusation d'exaction sans preuve ». Le syndicat pourra notamment constater que la liste des cas de blessés graves ou de décès examinés par l'ACAT au cours de son enquête est intégralement citée dans le rapport (annexes 2 et 3).
Par ailleurs, l’ACAT n’a eu de cesse de rappeler le cadre de son travail : enquêter « sur un sujet tabou, afin que les méfaits de quelques uns ne nuisent pas à l’action de l’ensemble des policiers et gendarmes, dont l’immense majorité exerce sa mission dans le respect des lois de la République » et « s’interroger sur les choix des autorités en matière de politique de sécurité ». [4]
Dans ce contexte, l'ACAT est surprise des accusations portées contre elle. Elle demande au syndicat UNSA-Police de détailler les faits précis qui, selon elle, pourraient s'apparenter juridiquement à « véritable surenchère de propos diffamants » envers les forces de l'ordre.
Enfin, concernant le cas spécifique de Calais, l'ACAT rappelle que de nombreuses instances nationales et internationales dénoncent inlassablement, depuis 2015, des exactions commises par les forces de l'ordre : Défenseur des droits, Commission nationale consultative des droits de l'homme, Commissaire européen aux droits de l'homme, Comité des Nations-Unies contre la torture, Comité des droits de l'homme des Nations-Unies. [5]
Menaces non dissimulées sur le travail des associations
« On espère que ces deux associations seront condamnées, comme ça les autres arrêteront immédiatement de tenir des propos diffamants, ou alors elles apporteront des preuves ! »
L'ACAT s'indigne des propos du syndicat rapportés par le journal La Voix du Nord. La manœuvre visant à faire condamner une association pour en intimider d’autres est inacceptable. « Il est précisément du rôle d'organisations telles que l'ACAT d'exercer une veille sur l'action des institutions sensibles telles que la police, et d'en dénoncer les éventuelles dérives, explique Florence Couprie, présidente de l’ACAT. De telles menaces ou intimidations contre la société civile ne sont pas tolérables dans un État de droit dès lors que les actes dénoncés reposent sur un travail d'enquête rigoureux ou des faits vérifiés et recoupés.»
L'ACAT rappelle enfin que son action ne vise nullement à décrédibiliser le travail de la police dans son ensemble, mais bien à mettre au jour des faits minoritaires dont la réalité ne saurait être contestée par les institutions de police et de gendarmerie.
Notes:
[1] L'article de la Voix du Nord est accessible à ce lien : www.lavoixdunord.fr/215470/article/2017-09-09/un-syndicat-de-police-depose-plainte-contre-deux-associations-apres-des
[2] Les associations poursuivies par le syndicat UNSA-Police sont l'Auberge des migrants et Utopia 56
[4] Le rapport de l'ACAT « L'ordre et la force » est accessible ici https://www.acatfrance.fr/public/rapport_violences_policieres_acat.pdf
[5] Parmi les avis, rapports ou décisions publiées sur la question de Calais, voir notamment :
- Défenseur des droits, Décisions MDS 2011-113 du 13 novembre 2012
- Défenseur des droits, décision n° MDS 2014-150 du 24 novembre 2014.
- Défenseur des droits, Rapport « Exilés et droits fondamentaux, la situation sur le territoire de Calais », Octobre 2015, p. 71 et suivantes https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/20151006-rapport_calais.pdf
- Rapport du Commissaire européen aux droits de l'homme, 17 février 2015, § 68 https://rm.coe.int/ref/CommDH(2015)1
- Avis de la CNCDH sur la situation des migrants à Calais, 2 juillet 2015 http://www.cncdh.fr/sites/default/files/15.07.02_avis_migrants_calais_0.pdf
- Observations finales du Comité des droits de l'homme des Nation-Unies, 21 juillet 2015 http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2FPPRiCAqhKb7yhsmtlAMSUVPZr5NwSxcDwgKKo26EvxxEe4g%2F1ZtZQqip0I2B%2F0ihUcnG8Hok4ag8yP%2F6IQ2m88v931xQwirYCTuEVedqa5wGuz1wCwuysjFuV
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