France
Communiqué

Publication du décret d’application de la loi asile : le ministère persiste et signe

Le décret interministériel d’application de la réforme de l’asile a été publié le 22 septembre au journal officiel. Il prévoit les modalités concrètes de mise en œuvre de la réforme de l’asile et confirme la réalité crue de cette réforme qui réduit les droits des demandeurs d’asile.
france_cazeneuve_2
Crédits : Parti socialiste / Flickr Creative Commons
Le 23 / 09 / 2015

Le décret interministériel d’application de la réforme de l’asile [1] a été publié le 22 septembre au journal officiel. Il prévoit les modalités concrètes de mise en œuvre de la réforme de l’asile et s’appliquera à compter du 1er novembre 2015 [2]. Selon l’ACAT, le décret de mise en œuvre confirme la réalité crue de cette réforme qui réduit les droits des demandeurs d’asile.

Selon Eve Shahshahani, responsable asile à l’ACAT, « Lors de l’élaboration de la loi de réforme, face aux inquiétudes répétées des associations quant à la dureté du texte et à ses dangers liberticides, les pouvoirs publics s’étaient voulus rassurants. Mais ce que révèle ce décret, c’est la logique de surveillance et de sanction des demandeurs d’asile, poussés vers l’échec par des procédures injustes. »

Par exemple, le délai pour renvoyer un formulaire de demande d’asile à l’OFPRA en procédure normale reste de 21 jours, mais les autres délais sont drastiquement raccourcis.  Les demandeurs en procédure « accélérée » n’ont que deux semaines pour renvoyer leur formulaire complet en français ; ceux qui sollicitent un réexamen doivent accomplir cet exploit en seulement huit jours, pour espérer passer un premier filtre de « recevabilité » ! Inutile de songer à compléter une demande faite en urgence par des écrits et un récit complémentaire, puisque l’OFPRA a l’obligation de se prononcer en une ou deux semaines, pas même le temps de recevoir et d’étudier d’éventuels éléments complémentaires.

L’interdiction de s’absenter sans autorisation du lieu d’hébergement directif, décriée et retirée du texte législatif, fait en réalité son retour, en creux, dans le décret : un demandeur d’asile peut être astreint à un lieu d’hébergement, avec une obligation de pointage quotidienne aux autorités (même les dimanches et jours fériés). S’il manque à cette obligation pendant une semaine, on pourra lui retirer ses maigres allocations. Les centres d’hébergement se voient confier des obligations de fichage et de renseignement de  l’autorité administrative qui vont au-delà de leurs missions de travail social et portent atteinte au principe de confidentialité de la demande d’asile.

Le décret ne prévoit en fait que des obligations et des sanctions pour les demandeurs d’asile, et très peu d’obligations de transparence pour l’administration, qui n’est que rarement contrainte de motiver ses décisions. Les procédures précisées par le décret ne sont pas contradictoires : dans de nombreux cas, comme pour le placement en procédure accélérée (qui réduit les chances de succès du demandeur d’asile) ou la radiation de la demande, l’OFPRA pourra prendre sa décision en cours de procédure et n’avertir le demandeur qu’au moment de la décision… négative, c’est-à-dire quand c’est déjà trop tard pour éviter la spirale de l’échec.

Dans son décret, le gouvernement n’a prévu aucune réelle garantie pour assurer que les droits des demandeurs d’asile seront effectifs. Pas d’assistance juridique gratuite généralisée ni d’interprétariat professionnel mis à la disposition des demandeurs au stade de la demande d’asile, alors que tout se joue à ce moment-là. « La trop large marge d’appréciation laissée à l’administration qui, sans contrôle suffisant du juge, devient juge et partie se confirme tristement dans le décret publié hier », poursuit Eve Shahshahani.

« Une fois encore la France, pourtant déjà épinglée, préfère jouer des tours de passe-passe avec les droits de l’homme, jonglant d’un texte à l’autre, plutôt que de réellement respecter les règles fondamentales posées par la convention européenne des droits de l’homme et des autres conventions internationales. »

Contact presse :

Notes aux rédactions :

  • [1] Lire le décret interministériel n°2015-1166
  • [2] Le décret s’appliquera à compter du 1er novembre 2015 pour certaines dispositions, aux demandes en cours, et pour d’autres, aux seules demandes d’asile déposées à compter de cette date.

Articles associés

Rapport
Visuel-1160x1600-LivreNoir-Asileterrehostile5
France

Violations des droits des demandeurs d’asile : l’ACAT-Fran...

Le 23 / 07 / 2024
L’ACAT-France soutient la publication du "Livre noir" du Collectif Asile Île-de-France dénonçant les violations des droits des demandeurs d’asile. Le travail exhaustif et méthodique du collectif met en lumière les pratiques illégales et abusives ayant cours en matière d'asile en Ile-de-France. En tant que membre du collectif, l’ACAT-France s’associe aux conclusions du rapport et rappelle la nécessité d’agir pour un accueil digne des réfugiés.
Article
EUROPARL-1160x600_by-Ralf-Roletschek
France

élections et droit d'asile : notre tribune pour la Journée m...

Le 20 / 06 / 2024
« Il faut mettre le droit d’asile à l’abri de la fièvre de haine qui se propage comme une trainée de poudre » Dans le cadre de la Journée mondiale des réfugiés jeudi 20 juin et dans le contexte des élections, Yves Rolland, président de l’ACAT-France, alerte, dans une tribune parue dans La Croix, sur la mise en danger du droit d’asile en France et en Europe, portée par une politique déshumanisée qui ne cesse du gagner du terrain.
Communiqué
AN-1160x600_by-ZeusUpsistos
France

Législatives anticipées : déclaration de l’ACAT-France

Le 20 / 06 / 2024
En cette Journée mondiale des réfugiés et avant de commémorer la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture le 26 juin, l’ACAT-France souhaite s’exprimer sur les risques que présente la situation politique en France.