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Birmanie
Communiqué

Myanmar : les projets d'exécution arbitraires doivent être arrêtés immédiatement

L'ACAT-France et 111 organisations signataires sont gravement préoccupées par la récente annonce des autorités militaires du Myanmar selon laquelle les condamnations à mort prononcées à l'encontre de quatre personnes à l’issue de procédures manifestement inéquitables ont été approuvées en vue d’être mises en œuvre. Nous demandons instamment aux autorités militaires de mettre immédiatement un terme aux projets d'exécution.
Birmanie-Manifestations-Junte
Manifestation contre le coup d'État militaire en Birmanie en 2021. © Photo Saw Wunna / Unsplash
Le 16 / 06 / 2022

Les organisations soussignées sont gravement préoccupées par la récente annonce des autorités militaires du Myanmar selon laquelle les condamnations à mort prononcées à l'encontre de quatre personnes à l’issue de procédures manifestement inéquitables ont été approuvées en vue d’être mises en œuvre. Nous demandons instamment aux autorités militaires de mettre immédiatement un terme aux projets d'exécution, qui violeraient l'interdiction de la privation arbitraire de la vie énoncée dans le droit international des droits de l’homme et le droit coutumier ; d'instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, après plus de trois décennies sans aucune exécution ; et de mettre fin à la répression qui touche de larges pans de la population et qui sévit dans le pays depuis février 2021.

Le 3 juin, Zaw Min Tun, porte-parole de l'armée, a annoncé que les condamnations et les peines de mort prononcées à l'encontre de quatre hommes avaient été approuvées par le Conseil d'administration de l'État, ouvrant ainsi la voie à des exécutions mises en œuvre dans quelques semaines.

Phyo Zeya Thaw, ancien membre de la Ligue nationale pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi, et l'éminent militant pour la démocratie Kyaw Min Yu, également connu sous le nom de Ko Jimmy, ont été reconnus coupables et condamnés à mort par un tribunal militaire en janvier 2022 pour des infractions liées à l’utilisation d’explosifs, à des attentats à la bombe et au financement du terrorisme au titre de la loi antiterroriste –  des accusations qui, selon nos organisations, sont politiquement motivées. La condamnation à mort de deux autres hommes, reconnus coupables du meurtre d'une femme soupçonnée d'être une informatrice de l'armée dans le canton de Hlaing Tharyar à Yangon, a également été confirmée.

Les procédures contre tous ces hommes étaient secrètes et grossièrement injustes, devant un tribunal contrôlé par l'armée. À la suite de la publication de l'ordonnance 3/2021 relative à la loi martiale[1], les militaires ont transféré l'autorité des tribunaux civils aux tribunaux militaires spéciaux ou existants pour juger les affaires de civils. Ces tribunaux ont supervisé des procès concernant un large éventail d'infractions, y compris celles passibles de la peine de mort, dans le cadre de procédures sommaires et sans droit d'appel.

Le droit à un procès équitable, dont les éléments clés sont énoncés à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), est un droit de l'homme fondamental et l'une des garanties universellement applicables proclamées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Elle est devenue juridiquement contraignante pour tous les États et fait partie du droit international coutumier[2].  En vertu du droit et des normes internationaux, les exécutions mises en œuvre à l'issue de procès inéquitables violent l'interdiction de la privation arbitraire de la vie, ainsi que l'interdiction absolue de la torture et des autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes[3].

Depuis février 2021, une augmentation alarmante du recours à la peine de mort est enregistrée au Myanmar, où les militaires utilisent la peine de mort comme un outil de persécution, d'intimidation, de harcèlement et de violence permanents et généralisés à l'encontre de la population, notamment des manifestants et des journalistes. Selon la documentation de l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), au moins 114 condamnations à mort ont été prononcées depuis février 2021. Toutes ces condamnations à mort ont été prononcées par des tribunaux militaires ou, dans un cas, par un tribunal pour mineurs sur renvoi d'un tribunal militaire. Les rapports indiquent qu'au moins 41 accusés ont été jugés et condamnés en leur absence ; certaines condamnations ont été prononcées à l'encontre de personnes âgées de moins de 18 ans au moment de l'infraction présumée ou présentant un handicap psychosocial grave[4], en violation d'une interdiction énoncée par le droit international des droits humains et le droit coutumier. Les informations disponibles indiquent que les procédures étaient sommaires, les accusés ne pouvant pas avoir accès à une représentation légale.

Il est alarmant que les autorités militaires prennent des mesures pour procéder aux premières exécutions connues au Myanmar depuis la fin des années 1980. La reprise des exécutions au Myanmar, après plus de trois décennies sans aucune exécution, constituerait un recul important pour la peine de mort et le bilan très préoccupant du pays en matière de droits humains, et serait contraire à l'objectif d'abolition de la peine de mort énoncé à l'article 6(6) du PIDCP. Au fil des décennies, le système des Nations unies s'est efforcé de limiter le recours à la peine de mort et a exhorté à plusieurs reprises les États membres des Nations unies à la supprimer de leur législation nationale. Parmi d’autres instruments, depuis 2007, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté – avec un soutien transrégional accru –  huit résolutions appelant à l'établissement d'un « moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort » . À ce jour, 144 pays, dont le Myanmar, sont considérés comme abolitionnistes en droit ou en pratique et le nombre de ceux qui abrogent cette peine de leur législation nationale ne cesse d'augmenter – le Kazakhstan et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ayant complètement aboli la peine de mort en 2022.

Nous sommes opposés à la peine de mort de manière inconditionnelle et nous demandons aux autorités militaires du Myanmar de respecter leurs obligations internationales en matière de promotion et de protection des droits humains, notamment en protégeant le droit à la vie, dans tous les cas, et en libérant immédiatement toutes les personnes détenues dans le cadre de l'exercice de leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique.

Signataires :

  1. Abdorrahman Boroumand Center for Human Rights in Iran

  2. ACAT-France

  3. All Young Burmese League (AYBL)

  4. Answer Myanmar, UK

  5. Amnesty International

  6. Anti-Death Penalty Asia Network

  7. Article19

  8. Assistance Association for Political Prisoners (AAPP)

  9. Association INFO BIRMANIE

  10. Association Suisse-Birmanie

  11. Australia Burma Friendship Association, Northern Territory

  12. Australia Myanmar Doctors, Nurses and Friends

  13. Australia Myanmar Youth Alliance (AMYA)

  14. Australian Burmese Muslim Organisation

  15. Australian Chin Community (Eastern Melbourne Inc)

  16. Australian Karen Organisation (AKO)

  17. Avocats Sans Frontières France

  18. Bangladesh Institute of Human Rights (BIHR)

  19. Bamar Community Tasmania

  20. Blood Money Campaign

  21. Burma Action Ireland

  22. Burma Lawyers’ Council (BLC)

  23. Burman suomalaiset Finland

  24. Burmese Community - South Australia

  25. Burmese Community Development Collaboration (BCDC)

  26. Burmese Community Support Group (BCSG)

  27. Burmese Friendship Association

  28. Burmese Medical Association Australia (BMAA)

  29. Burmese Students in the Czech Republic

  30. Canberra Karen Association

  31. Capital Punishment Justice Project (CPJP)

  32. Central European Institute of Asian Studies

  33. Chin Community - South Australia

  34. Chin Community Tasmania

  35. Cornell Center on the Death Penalty Worldwide

  36. Doh Atu - Ensemble pour le Myanmar

  37. Educational Initiatives Myanmar

  38. Educational Initiatives Prague

  39. Eleos Justice, Monash University

  40. European Karen Network (EKN)

  41. Falam Community - South Australia

  42. FIDH / International Federation for Human Rights

  43. FIDU - Italian Federation for Human Rights

  44. Food & Help for Burma

  45. Friends of Burma (WA)

  46. German Coalition to Abolish the Death Penalty (GCADP)

  47. German Solidarity with Myanmar Democracy e.V.

  48. Human Rights Watch

  49. Industrial Training Centre (ITC) Family Sydney

  50. International Association, Myanmar Switzerland (IAMS)

  51. International CURE

  52. Iran Human Rights

  53. Joint Action Committee for Democracy in Burma (JACDB)

  54. Justice 4 Myanmar - Hope & Development

  55. Justice Project Pakistan

  56. Kachin Association Australia

  57. Kachin Peace Network

  58. Karen Community - South Australia

  59. Karen Swedish Community (KSC)

  60. Karenni Federation of Australia

  61. Karenni Society Finland

  62. Kayin Community Tasmania

  63. Kenya Human Rights Commission

  64. LDH (Ligue des droits de l’Homme)

  65. Legal Awareness Watch Pakistan

  66. lifespark – movement against the death penalty

  67. Matu Chin Community - South Australia

  68. Mindat Chin Community NSW

  69. Mindat Community - South Australia

  70. Mizo Community - South Australia

  71. Mon Families Group

  72. Mon National Council (MNC)

  73. Muwatin Media Network

  74. Myanmar Action Group Denmark

  75. Myanmar Buddhist Community of South Australia

  76. Myanmar Community Austria

  77. Myanmar Community Coffs Harbour (MCC)

  78. Myanmar Democracy and Peace Committee (Australia)

  79. Myanmar Diaspora Group in Finland

  80. Myanmar Engineering Association of Australia (MEAA)

  81. Myanmar People Residing in Canberra

  82. Myanmar Professionals Association Australia (MPAA)

  83. Myanmar Students' Association Australia (MSAA)

  84. Netherlands-Myanmar Solidarity Platform

  85. Norden Directions, Australia

  86. NSW Karenni (Kayah) Communities

  87. Paris Bar / Barreau de Paris

  88. Pen Myanmar Organisation

  89. Queensland Kachin Community (QKC)

  90. Queensland Myanmar Youth Collective (QMYC)

  91. Queensland Rohingya Community

  92. REPECAP -Academicsforabolition

  93. Salam for Democracy and Human Rights

  94. Shwe Youth Democratic Alliance (SYDA)

  95. Sitt Nyein Pann Foundation

  96. Southern Methodist University (SMU) Human Rights Program

  97. Support 4 Myanmar

  98. Sydney Friends for Myanmar Unity

  99. Sunny Center Foundation USA Inc

  100. Texans Against State Killings (TASK)

  101. The Institution of Professional Engineers Myanmar (IPEM)

  102. The Rights Practice

  103. Transparency International CR

  104. United Myanmar Community of South Australia

  105. Victorian Burmese Care Community (VBCC)

  106. Victorian Myanmar Youth (VMY)

  107. Women Activists Myanmar (WAM)

  108. World Coalition Against the Death Penalty

  109. Zo Community - South Australia

  110. Zomi Association Australia Inc.

  111. Zomi Community - South Australia

  112. Zomi Community Queensland


[1] Ordre de loi martiale 3/2021, 16 mars 2021.

[2] Étude du CICR sur le DIH coutumier, « Règle 100 (Garanties d'un procès équitable) »; Comité des droits de l'homme, Observation générale n°29, États d'urgence (art. 4), UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, 31 août 2001, para. 11.

[3] Comité des droits de l'homme, Observation générale n°36, Article 6 : le droit à la vie, 3 septembre 2019, UN Doc. CCPR/C/GC/36, para. 41 ; Comité des droits de l'homme, Observation générale n°24, UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.6, para. 8 ; Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, UN Doc. A/67/275, 2012, para. 11 ; Comité contre la torture, Observation générale 2, para. 1 ; Rapport intérimaire du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, UN Doc. A/67/279, 9 août 2012, para. 58.

[4] Irrawaddy, « Myanmar regime hands mentally ill man death sentence », 14 avril 2021, . 

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