Les "pays d'origine sûrs" de nouveau en question
Le 10 mars à 10h30, le Conseil d’État examinera en urgence la requête de douze associations – dont l’ACAT [1] – demandant la suspension et l’annulation de la décision du Conseil d'administration de l'Office français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA) du 16 décembre 2013 qui place l’Albanie, le Kosovo et la Géorgie sur la liste des pays dits d'origine sûrs.
Selon l’ACAT, cette décision est contestable à de nombreux égards.
Depuis le 30 juin 2005, l’OFPRA peut décider qu’un pays ne présente pas a priori de risque de persécutions pour ses ressortissants, s’il considère que cet État « veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’État de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Si un ressortissant d’un des pays figurant sur la liste des pays d’origine sûrs de l’OFPRA forme une demande d’asile, sa demande est automatiquement traitée de manière accélérée (selon une procédure dite prioritaire). On lui refuse alors tous droits au séjour et à l’aide sociale liés au statut de demandeur d’asile. Il est surtout privé de recours effectif suspensif qui le protège contre un renvoi forcé en cas de rejet de sa demande par l’OFPRA, ce qui est contraire aux principes du droit international.
L’OFPRA est à la fois juge et partie, puisqu’il choisit à la fois, selon sa seule appréciation, quels pays doivent être considérés comme sûrs, tout en étant en charge de trancher les cas individuels de demande d’asile.
Selon la coordination française pour le droit d’asile (CFDA), dont l’ACAT est membre, la liste établie par l’OFPRA n’est pas réellement fonction des évolutions démocratiques de tels ou tels pays, mais répond le plus souvent à des considérations de diminution des flux et des dépenses. Les trois nationalités visées par cette récente décision correspondaient à 20% des demandes d'asile en 2013.
De nombreux pays figurent sur cette liste et continuent d’être considérés comme sûrs alors que les droits de l’homme y sont régulièrement bafoués ou que des situations de violence y sont constatées. L’Ukraine en est actuellement un exemple emblématique [2].
En seulement 6 ans, le Conseil d’État a annulé des décisions de l’OFPRA concernant la liste des pays d’origine sûrs à quatre reprises. Dans le cas de l’Albanie et du Kosovo, le Conseil d’État avait déjà annulé le 26 mars 2012 une décision de l’OFPRA de 2011 qui les considérait à tort comme sûrs [3].
« L’OFPRA fait la sourde oreille et reprend un an plus tard une décision à l’identique, et nous oblige à demander au Conseil d’Etat de redire le droit. » déplore Eve Shahshahani, responsable de l’asile à l’ACAT. « Dans ce contexte, il est nécessaire que le gouvernement supprime la liste des pays d’origine sûrs. »
Contact presse :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Notes aux rédactions :
• [1] Eve Shahshahani, responsable des programmes Asile à l’ACAT, sera présente à l’audience publique.
• [2] En parallèle de leur action devant le Conseil d’Etat, l’ACAT et les autres associations membres de la coordination française pour le droit d’asile (CFDA) ont demandé au directeur de l’OFPRA de retirer l’Ukraine de sa liste des pays d’origine sûrs.
• [3] Le 26 mars 2011, le directeur de l’OFPRA avait pris une décision qui considérait l’Albanie et le Kosovo comme des pays d’origine sûrs.