La suspension de la juge Yassmín Barrios porte gravement atteinte à l’indépendance de la justice du pays
Début avril, la juge guatémaltèque Yassmín Barrios, qui avait condamné l’ex-président de facto Efraín Ríos Montt à 80 ans de prison pour génocide et crimes contre l’humanité, a été suspendue de ses fonctions. L’ACAT, le Collectif Guatemala, le CCFD-Terre solidaire et Terre des Hommes France expriment leur profonde préoccupation face aux sanctions qui la visent.
Ces dernières années, Yassmín Barrios, présidente du tribunal pénal A de haut risque, traitant les crimes les plus graves, a mené plusieurs procès contre des auteurs de violations des droits humains au cours des 36 ans de conflit armé interne (1960-1996). C’est elle qui, le 10 mai 2013, a prononcé à l’encontre de Ríos Montt, avec deux autres juges, la condamnation à 80 ans de prison pour génocide et crimes contre l’humanité envers la population maya ixil.
Cette décision historique a été annulée dix jours plus tard par la Cour constitutionnelle guatémaltèque. Depuis, en guise de rétorsion, la juge a subi de nombreuses menaces et intimidations. Le Tribunal d’honneur du collège d’avocats et notaires du Guatemala (CANG) lui a infligée une amende de 650 dollars, l’a suspendue de ses fonctions pour une année et a demandé que le Parquet ouvre une enquête pénale pour les infractions alléguées. Cette décision fait suite à une plainte pour manquement à l’éthique professionnelle déposée par un avocat de Ríos Montt estimant que la juge l’avait « humilié publiquement ». La juge a interposé des recours contre cette décision prononcée en dehors des compétences du CANG et alors même que les autorités compétentes avaient précédemment rejeté cette plainte.
Selon Janine Forestier, présidente de Terre des Hommes France, la suspension de la juge « s’inscrit clairement dans la dynamique de harcèlement et d’intimidations qu’elle subit depuis un an ». « Cette décision intervient étrangement à quelques mois de l’élection des 13 magistrats des hautes cours du pays, ce qui permettrait d’écarter la juge de façon durable » indique Marilyne Griffon, Présidente du Collectif Guatemala.
« C’est un coup clairement porté à l’indépendance de la justice. Le signal envoyé c’est qu’il en coûte cher de vouloir s’attaquer aux crimes du passé, aux affaires d’atteintes graves aux droits humains » ajoute Anne Boucher, responsable des programmes Amériques à l’ACAT. Les associations rappellent aux autorités du Guatemala l’importance capitale d’enquêter et de condamner pénalement les auteurs de graves crimes internationaux et de violations des droits humains. Pour arriver à cette fin, il convient de ne pas interférer dans la justice et notamment de ne pas chercher à restreindre l’action et l’indépendance des juges.
Du 27 au 29 mai prochains, l’ACAT, le Collectif Guatemala, le CCFD-Terre solidaire et Terre des Hommes France recevront la juge Barrios à Paris.
Contacts presse :
- Pierre Motin, ACAT – 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
- Coralie Morand, Collectif Guatemala – 01 43 73 49 60 collectifguatemala@gmail.com
- Karine Appy, CCFD-Terre solidaire - 01 44 82 80 67 k.appy@ccfd-terresolidaire.org
- Claire De Grave, Terre des hommes France - 01 48 09 46 48 cdg@terredeshommes.fr