France
Communiqué

Brutalités policières : la violence à huis-clos doit cesser !

Il y a 25 ans de cela, le 15 mars 1996, deux jeunes enfants de 11 et 12 ans subissaient des mauvais traitements par des agents de la police suisse. Ces violences seront le point de départ d’une mobilisation d’associations suisses et canadiennes qui créeront l’année suivante, le 15 mars 1997, la première Journée internationale contre les brutalités policières. Ils seront au cours des années rejoints par des militants contre les violences policières à travers le monde. 25 ans après ces faits, l’ACAT s’inscrit dans cette mobilisation pour exprimer son soutien aux victimes de ces violences, en France et ailleurs.
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Le 12 / 03 / 2021

L’ACAT se mobilise contre ces violences parce qu’elles constituent des violations des droits de l’homme, qu’elle n’a de cesse de dénoncer et combattre depuis sa création. Violations qui comptent parmi les plus graves, puisqu’elles sont des manquements de la part d’agents de l’Etat aux engagements les plus solennels qui soient : protéger le droit à la vie, interdire le recours à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants.  

Victimes de l'ombre : l'ACAT ne les oublie pas 

En cette journée de commémoration et de mémoire, l’ACAT a souhaité plus particulièrement exprimer son soutien aux victimes qui ont eu à subir ces violations loin des regards et des objectifs des caméras et des téléphones. Elles semblent aujourd’hui moins mobiliser, oubliées des débats, mais l’ACAT n’oublie pas ces hommes et ces femmes qui ont reçu coups et brimades dans des fourgons, des commissariats, des postes de gendarmerie, des cellules de garde à vue, des dépôts de tribunaux. Leurs images n’existent pas, elles ne circulent pas sur les réseaux sociaux, mais leur réalité ne peut être niée.

L’ACAT n’oublie pas qu’il y a trente ans, c’est dans un commissariat qu’Ahmed Selmouni subit les coups et les injures de 5 policiers durant deux longues journées, faits que la Cour européenne des droits de l’homme qualifiera de torture en 1999. Les juridictions françaises ne prononceront qu’une condamnation à du sursis pour de tels faits qui firent la honte de la France. Elle était alors le seul pays du Conseil de l’Europe, avec la Turquie, à subir une telle condamnation. Le ministère de l'Intérieur crut bon de réagir en indiquant que « les jugements de la Cour européenne des droits de l'homme ne s'imposent pas au juge français qui reste maître de ses décisions »…

Les choses ne semblent pas avoir beaucoup évolué depuis.

L’ACAT n’oublie pas que c’est dans un fourgon de la police qu’en 2007 Lamine Dieng a perdu connaissance et qu’il ne s’est jamais réveillé. Les juridictions françaises refusèrent qu’un procès se tienne sur ces faits, mais elles finirent par signer un accord amiable avec la famille des années plus tard, alors que la Cour européenne des droits de l’homme allait se saisir du cas.

L’ACAT n’oublie pas que c’est sur le sol du commissariat d’Argenteuil qu’en 2009 Ali Ziri a été laissé sans surveillance ni soins pendant plus d’une heure alors qu’il avait perdu connaissance. Ni qu’un hôpital se trouvait à 2Km de ces locaux. Ni qu’il est mort dans les heures qui ont suivi. Cette fois encore la Cour européenne des droits de l’homme condamnera la France, au contraire des juridictions nationales qui refusèrent qu’un procès se tienne sur ces faits.

L’ACAT n’oublie pas que c’est sur le sol d’un poste de gendarmerie qu’en 2016 Adama Traoré est resté sans vie, entouré d’agents qui n’ont pas jugé nécessaire de lui retirer ses menottes pendant de longues minutes, retardant d’autant une prise en charge qui ne permettra pas de le ramener à la vie.

L’ACAT n’oublie pas le témoignage du brigadier-chef Amar Benmohamed dénonçant les violences et abus commis par ses collègues entre 2017 et 2020 sur les individus déférés au dépôt du tribunal  de Paris, ni leur fréquence, ni la volonté de l’institution de ne pas donner suite à ces dénonciations.

L’ACAT n’oublie pas le témoignage du journaliste Valentin Gendrot, décrivant l’ordinaire de gardés à vue dans un commissariat parisien au cours de l’année 2019, subissant coups et insultes dans une répétition et une indifférence nauséeuse.

Violences policières : mettre fin à la complaisance et à l'impunité 

Cette violence à huis-clos aujourd’hui doit cesser.

Tout comme leur absence des statistiques : les faits et témoignages rendus publics semblent largement contredire les chiffres que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) publie chaque année : dans son dernier rapport, elle indique que la proportion de saisines pour usage de la force illégitime dans des locaux de la police est de seulement 14% du total des affaires dont elle est saisie. Elle n’était que de 10% l’année précédente, dont seulement 6% pour la garde à vue. L’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) de son côté n’a pas jugé bon de fournir ce type de précisions alors qu’elle publiait pour la première fois son rapport annuel en 2020.

Il convient également de mettre un terme aux pratiques complaisantes qui permettent leur répétition en toute impunité.

L’ACAT observe en effet avec inquiétude la facilité avec laquelle trop d’agents impliqués dans de tels types de faits transmettent à leur hiérarchie des rapports accablant la victime et s’exonérant de manière systématique. Laissant entendre qu’ils sont persuadés que rien ne pourra leur être reproché, et que la parole de la victime sera évidemment ignorée.

L’étude des faits semble hélas leur donner raison. L’indifférence de la hiérarchie face à ces récits stéréotypés, qui ne semble trop souvent ne pas vouloir chercher à vérifier les faits, à confronter les informations, interroge. Comme l’inaction des directions générales de la police et de la gendarmerie face à la répétition de ces affaires.

Les immenses difficultés rencontrées par les victimes et leurs proches pour obtenir des enquêtés approfondies lorsque la justice est saisie est également préoccupante. La réticence de nombreux magistrats à ordonner des expertises scientifiques, à organiser des reconstitutions des faits dénoncés, à confronter les agents à leurs victimes est préoccupante.  La Cour Européenne s’en est elle-même émue, observant dans une affaire concernant des agents de l’administration pénitentiaire que « la juge d’instruction, comme la chambre de l’instruction, semblent avoir appliqué des critères différents lors de l’évaluation des témoignages, celui du requérant étant considéré comme subjectif, à l’inverse de ceux des surveillants. La crédibilité de ces derniers témoignages aurait également dû être minutieusement vérifiée, dans la mesure où l’enquête était censée établir si les surveillants étaient responsables d’infractions pénales et où de sérieux éléments de doutes résultaient du dossier ».

Ces violences ne doivent plus rester cachées derrière des murs. Elles doivent en sortir et permettre à celles et ceux qui les subissent d’obtenir justice et réparation. Leur parole trop souvent niée doit être entendue et reconnue. Elles doivent tous nous mobiliser.

En cette journée de lutte contre les violences policières, l’ACAT appelle

-Les hommes et les femmes qui ont subi ces violations de la part d’agents appartenant à la police ou à la gendarmerie de signaler et dénoncer de manière systématique ces agissements ;

-Les agents de la police et de la gendarmerie qui seraient témoins de ces agissements à signaler et dénoncer ces violations de manière systématique ;

-Les hiérarchies policières et de la gendarmerie à exercer une vigilance renforcée sur ces questions ;

-Aux Directions Générales de la Police et de la Gendarmerie à créer les conditions d’une dénonciation systématique de ces violations, en favorisant la parole des agents témoins de ces agissements       ainsi que la prise en compte des allégations exprimées par les individus qui pourraient en être victimes ;

-Aux avocats qui sont amenés à conseiller ces victimes au cours de la procédure, à exercer une vigilance particulière sur ces questions et à signaler et dénoncer ces agissements lorsqu’ils les identifient  ou qu’ils leur sont confiés;

-Aux magistrats qui sont amenés à auditionner ces victimes au cours de la procédure, à exercer une vigilance particulière sur ces questions et à signaler et dénoncer ces agissements lorsqu’ils les identifient ou lorsqu’ils leur sont confiés.

Ce n’est que par la mobilisation de tous les acteurs que la parole de celles et ceux qui subissent ces violations sera entendue et que leurs dossiers seront traités avec la diligence et la rigueur nécessaire à ce type d’affaires. C’est dans ces conditions qu’un nouveau pacte républicain sera scellé entre nos forces de l’ordre et la nation dans toute sa diversité.  

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