Examen de la France par le Comité de l’ONU contre la torture
A l’occasion de l’examen de la France par le Comité de l’ONU contre la torture, qui aura lieu du 18 au 20 avril à Genève [1], l’ACAT-France et la FIACAT ont soumis un rapport alternatif [2] faisant état des violations, par la France, des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La France est notamment épinglée sur des sujets tels que les violences policières, le droit d’asile et la compétence universelle.
Usage abusif de la force par la police et la gendarmerie
L’ACAT et la FIACAT relèvent l’existence de cas de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre, qui ont fait l’objet par ailleurs d’un rapport de l’ACAT, intitulé « L’ordre et la force » [3]. Ces violences policières, disproportionnées et non nécessaires, font l’objet d’une relative impunité en France. Difficulté de déposer plainte, d’obtenir une enquête effective, durée excessive des procédures pénales, menace de condamnation pour outrage et rébellion… Obtenir justice est souvent un parcours semé d’embûches. Les agents sont rarement condamnés, et les sanctions sont faibles au regard d’autres condamnations pénales prononcées en France.
L’ACAT et la FIACAT font par ailleurs état des effets de l’utilisation de certaines armes intermédiaires, comme le flashball, qui a blessé grièvement au moins 40 personnes depuis 2005, un bilan très élevé par rapport aux enjeux policiers auxquels ces armes sont censées répondre. Par conséquent, elles recommandent l’abandon des flashballs par les forces de police et de gendarmerie.
Il existe par ailleurs un important manque de transparence en matière d’usage de la force par la police et la gendarmerie en France, notamment en ce qui concerne les sanctions disciplinaires et pénales à l’égard de leurs agents.
Compétence universelle et immunité : faire sauter les verrous
La France a adopté un mécanisme de compétence universelle, qui devrait permettre aux tribunaux français de juger les responsables de crimes graves (torture, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides) même s’ils ont été commis à l’étranger, par un étranger, envers des étrangers. Mais plusieurs verrous juridiques empêchent l’application de ce principe. Pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, la France s’oppose résolument à les faire sauter [4]. Cette situation favorise l’impunité sur le territoire français pour les auteurs des crimes les plus graves.
L’ACAT et la FIACAT pointent par ailleurs que la France a développé une conception extensive de l’immunité de juridiction accordée à un agent public d’un Etat tiers, ce qui contrevient à la Convention contre la torture. En effet, ce traité oblige les Etats qui l’ont ratifié à établir leur compétence pour des actes de torture, dans le cas où l’auteur présumé se trouverait sur leur territoire.
Rejeter le protocole de coopération judiciaire franco-marocain favorisant l’impunité
D’autre part, l’ACAT et la FIACAT interpellent le Comité contre la torture à propos de la conclusion entre la France et le Maroc d’un protocole en matière d’entraide judiciaire franco-marocain [5] sous le prétexte du rétablissement de la coopération judiciaire entre les deux pays, début 2015. En effet, cet accord favorise l’impunité d’auteurs présumés de graves violations des droits de l’homme commis au Maroc, y compris à l’encontre de ressortissants français. Ce texte est contraire aux obligations qui pèsent sur la France de traduire en justice des auteurs présumés de crimes de torture.
Droit d’asile : le besoin de protection doit être mieux pris en compte
La convention contre la torture interdit aux pays qui l’ont ratifiée d’expulser une personne vers un Etat où elle risque la torture [6]. Malgré la réforme de l’asile adoptée en 2015, les demandeurs d’asile demeurent pourtant confrontés à une multiplicité de difficultés qui sont autant d’obstacles à l’aboutissement de leurs demandes de protection pourtant fondées : des conditions d’accès à la procédure d’asile qui relèvent trop souvent du parcours du combattant ; une rupture d’égalité dans le traitement des demandes d’asile ; ou encore un droit au recours dont l’effectivité n’est pas suffisamment garantie. Le système français de l’asile faillit ainsi à prendre en compte, de manière individuelle et approfondie, le besoin de protection de nombreuses personnes étrangères exposées à un risque sérieux et réel de torture ou de mauvais traitements.
Contact presse :
- ACAT : Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
- FIACAT : Marie Salphati, +41 787 499 328 m.salphati@fiacat.org
Notes :
- [1] Plusieurs porte-parole de l’ACAT et de la FIACAT seront présentes du 18 au 20 avril à Genève.
- [2] Notre rapport alternatif est disponible en suivant ce lien
- [3] Le rapport « L’ordre et la force » de l’ACAT sur les violences policières en France est disponible en suivant ce lien
- [4] Plus d’information sur la compétence universelle en France
- [5] Pour en savoir plus sur l’accord de coopération judiciaire franco-marocain
- [6] L’article 3 de la Convention contre la torture dispose qu’« aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».