Étudiants d’Ayotzinapa : un an après, la vérité se fait toujours attendre
La disparition des étudiants à Iguala le 26 septembre 2014 est emblématique des violations massives des droits de l’homme au Mexique. La façon dont les autorités ont ignoré ou dissimulé des éléments de preuve l’est tout autant. Seule la participation d’enquêteurs extérieurs donne encore un espoir aux victimes et à leurs proches. Selon l’ACAT, il est nécessaire que les recommandations des ONG concernant les projets, accélérés, de lois sur la torture et les disparitions soient enfin prises en compte pour fournir des garanties réelles contre ces atteintes aux droits de l’homme.
Le récent rapport du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI) mandaté par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) accable les autorités mexicaines dans leur enquête sur la répression des étudiants d’Ayotzinapa [1].
En effet, les cinq experts mettent en évidence l’invraisemblance de la version officielle concernant l’incinération des 43 disparus dans la décharge de Cocula. De plus, ils pointent l’absence de mention dans le dossier du parquet fédéral mexicain d’un cinquième bus sur lequel des étudiants ont pourtant apporté leur témoignage. Le GIEI relève en outre le manque d’avancées dans l’enquête sur les six exécutions extrajudiciaires et la torture préalable dans au moins un cas. Enfin, il rappelle l’obligation d’ouvrir des enquêtes concernant les tortures alléguées par plusieurs personnes arrêtées depuis les faits.
L'Équipe argentine d'anthropologie légiste (EAAF), également habilitée à travailler sur les disparitions, a quant à elle dénoncé les conclusions hâtives des autorités mexicaines concernant l’identification des restes d’un second corps [2].
« Les victimes et leur proches ont le sentiment que les autorités fédérales ont plus à cœur d’en finir avec la médiatisation de cette affaire et de préserver leur image que de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. » explique Anne Boucher, responsable des programmes Amériques à l’ACAT.
Environ 60 charniers découvert dans l’Etat du Guerrero
L’affaire Ayotzinapa doit servir d’exemple afin que de telles tragédies ne puissent plus se reproduire. Au-delà de l’enquête, des garanties réelles doivent être mises en place en matière de prévention, d’enquête, de sanction et de réparation de ces crimes.
Au cours des cinq dernières années, au moins 300 cas de disparition ont été signalés à Iguala. La recherche des 43 étudiants disparus a abouti à la découverte d’une soixantaine de charniers pour le seul État du Guerrero. Sur l’ensemble du pays, environ 12 000 disparitions sont à déplorer depuis le début du mandat du président Peña Nieto en décembre 2012. Sur la même période, la Commission nationale des droits de l’homme du Mexique a enregistré 2 119 plaintes pour torture. Dans la quasi-totalité des cas, l’impunité règne.
Les autorités viennent d’annoncer des nouveaux protocoles d’enquêtes et projets de lois. « Il est impératif que les autorités prennent en compte les recommandations des ONG pour l’élaboration de la loi sur la torture [3]. Le Mexique est passé maître dans l’art de voter des textes pour protéger les droits de l’homme sans jamais mettre les moyens nécessaires pour les faire appliquer. » ajoute Anne Boucher.
Contact presse :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 / pierre.motin@acatfrance.fr
Notes aux rédactions :
[1] Rapport du GIEI :
anglais : http://media.wix.com/ugd/3a9f6f_e1df5a84680a4a8a969bd45453da1e31.pdf
espagnol : http://media.wix.com/ugd/3a9f6f_007ea0656fc84f4b99465229305e44df.pdf
[2] Communiqué de presse de l’EAAF : http://www.eaaf.org/files/comunicado-de-prensa-eaaf-17sept2015-2.pdf
[3] Recommandations de la société civile sur la loi contre la torture : http://redtdt.org.mx/wp-content/uploads/2015/09/150902-Contenidos-para-la-Ley-de-Tortura-desde-las-OSC.docx