Doit-on mourir parce qu’on est plus pauvre ?
Le 10 octobre, journée internationale contre la peine de mort, la Coalition mondiale contre la peine de mort, dont fait partie l’ACAT, alerte sur les liens intolérables qui lient peine de mort et pauvreté. En bref : les plus pauvres ont plus de chances d’être condamnés. Une situation qui démontre l’arbitraire de cette sentence atroce qui doit, partout et pour tous, être abolie.
« Le système pénal américain oppose deux Amériques : la première, celle des plus favorisés qui disposent des moyens financiers et des ressources nécessaires pour s'assurer une défense efficace lors d’un procès. La seconde, celle des plus pauvres qui subissent de plein fouet la discrimination socio-économique et qui sont plus exposés à des condamnations.» Ainsi Anne Boucher, responsable des programmes Amériques de l’ACAT, dont un programme de correspondance avec 200 condamnés à mort, résume-t-elle l’iniquité du système pénal américain.
Aux Etats –Unis, face à la peine de mort, mieux vaut être riche que pauvre. C’est le cas dans de multiples pays, comme le montre l’analyse de la Coalition mondiale contre la peine de mort : en Inde, par exemple, où une étude réalisée par l’Université de New Dehli montre que 74,1 % des condamnés à mort qui ont été interrogés sont économiquement vulnérables ; en Arabie saoudite où, selon la loi de la Charia, la famille de la victime peut décider de s’opposer à la peine de mort qu’encourt l’accusé en échange de la Diya, « le prix du sang », qui constitue une compensation.
Souvent, l’iniquité est présente tout au long du processus qui mène le suspect au bourreau. Aux Etats-Unis par exemple, c’est le cas au moment de l’arrestation, parce que les personnes pauvres ou de couleur sont plus « facilement » suspectées et appréhendées ; dans l’accès à la justice, parce que les personnes défavorisées ont souvent une moins bonne connaissance de leurs droits et accès qu’à des avocats moins experts; pendant la procédure judiciaire, parce qu’elles manquent souvent de moyens pour faire mener les contre-expertises ou enquêtes pourtant décisives pour le verdict.
De "vraies fausses preuves"
C’est le cas par exemple de Robert Roberson, condamné parrainé par l’ACAT, accusé d’avoir tué sa fille. En 2003 lors du procès, il n’avait alors pas eu les moyens de payer une contre-expertise. Ce n’est que treize ans plus tard que quatre experts médicaux ont attesté que la théorie scientifique de l'accusation pouvait être démontée. En juin 2016, la Cour d'appel du Texas a levé son exécution.
« Les accusés les plus défavorisés n'ont pas les moyens d'affronter une procédure judiciaire particulièrement coûteuse. Les procureurs, en charge de l’accusation, enquêtent uniquement pour démontrer la culpabilité de l’accusé. Ils ont pour cela des moyens illimités, » poursuit Anne Boucher, qui s’insurge notamment contre les « vraies fausses preuves ».
Ces preuves, qualifiées de scientifiques peuvent être présentées par des experts – dont certains n'ont « d'expert » que le nom – appelés à la barre, alors même qu’elles peuvent s’appuyer sur des méthodes dépassées ou critiquables, pour analyser les données génétiques par exemple. Elles suffisent la plupart du temps à faire condamner à mort. Une fois la peine prononcée, c’est au condamné qu’il incombe de prouver son innocence. Selon le DPIC (Centre d'information sur la peine de mort), qui a mené une étude sur 34 cas de condamnation à mort entre 2007 et 2017, un tiers des cas avaient été prononcés sur la base de preuves médico-légales fausses ou trompeuses. Glaçant.
Pour toute interview : Contacter Christina LIONNET, directrice de la communication de l’ACAT : 01 40 40 74 10
Pour sensibiliser tout un chacun à l’arbitraire de la peine de mort, l’ACAT a conçu un jeu de sensibilisation, disponible ici www.acatfrance.fr/peinedemortetpauvrete
Pour en savoir plus sur les liens peine de mort et pauvreté dans le monde: http://www.worldcoalition.org/media/resourcecenter/FR_WD2017_FactSheet