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  • Communiqué

Appel aux dirigeants du Commonwealth à défendre les droits des Rwandais.

  • Justice et impunité

Mesdames et Messieurs les chefs de gouvernement du Commonwealth,

Nous, les organisations de la société civile soussignées, exprimons par la présente nos graves inquiétudes quant à la situation des droits humains au Rwanda alors que le pays se prépare à accueillir la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth (Commonwealth Heads of Government Meeting, CHOGM) en juin 2022. Le silence du Commonwealth sur le bilan du Rwanda en matière de droits humains risque de remettre en cause le mandat de l’organisation concernant ces droits, ainsi que son intégrité et sa crédibilité.

Nous exhortons le Commonwealth et ses membres à considérer cette réunion CHOGM, prévue à Kigali dans la semaine du 20 juin 2022, comme une occasion de réaffirmer leurs valeurs de respect des droits humains, de l’État de droit et de la bonne gouvernance telles qu’elles sont inscrites dans la Charte du Commonwealth et la Déclaration de Harare, d’exhorter le gouvernement rwandais à prendre des mesures concrètes pour respecter et promouvoir ces valeurs, et de faire part au gouvernement de leurs vives préoccupations sur son bilan en matière de droits humains.

Le Rwanda est devenu membre du Commonwealth en 2009. A l’époque, la Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI) s’est dite préoccupée par le fait que l’état de la gouvernance et des droits humains au Rwanda ne répondait pas aux normes du Commonwealth. Bon nombre des préoccupations soulevées à l’époque perdurent aujourd’hui. Des commentateurs, des journalistes, des militants de l’opposition et d’autres personnes qui s’expriment sur les affaires d’actualité et critiquent les politiques publiques continuent de faire l’objet de poursuites abusives, de disparitions forcées ou sont parfois retrouvées mortes dans des circonstances suspectes.

Comme cela a été documenté par Human Rights Watch dans la période précédant la réunion CHOGM de juin 2021 (finalement reportée), les forces de sécurité ont redoublé d’efforts pour « nettoyer » les rues de Kigali et détenir des personnes considérées comme « indésirables », telles que les enfants des rues, les vendeurs ambulants, les travailleuses du sexe, les personnes sans abri et les mendiants, dans un établissement de détention non officiel – le centre de transit de Gikondo – sous l’égide du Service national de réhabilitation. Cette pratique a été condamnée lors de l’examen du Rwanda par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies en février 2020.

Le harcèlement, les attaques et les menaces auxquels la société civile indépendante et les médias rwandais sont constamment confrontés sont particulièrement préoccupants, et vont à l’encontre des obligations internationales du Rwanda en matière de droits humains, notamment celles relatives aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Ces pratiques remettent en cause non seulement l’intégrité et la crédibilité des discussions sur les questions des droits humains et de l’État de droit prévues lors de la réunion CHOGM, mais elles menacent également la participation de la société civile aux activités liées à CHOGM. La Charte du Commonwealth reconnaît le rôle essentiel joué par la société civile pour soutenir le Commonwealth. Toute limitation de l’engagement de la société civile compromet les valeurs et l’efficacité de l’institution.

Les détentions illégales et la torture sont monnaie courante, notamment dans les centres de détention non officiels connus sous le nom de « safe house ». En 2017, le Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture (SPT) a été contraint de suspendre puis d’annuler sa visite au Rwanda – une première pour cette institution –  invoquant l’obstruction des autorités et la crainte de représailles envers les personnes interrogées. Cette visite devrait être reprogrammée rapidement avec les garanties requises.

Le gouvernement rwandais s’abstient systématiquement de mener des enquêtes efficaces sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de décès en détention, de détentions arbitraires, de torture, et d’autres mauvais traitements ainsi que de veiller à ce que les responsables soient traduits en justice. Dans bon nombre de ces cas, les éléments de preuve signalent l’implication des forces de sécurité de l’État. Cela a créé un climat de peur au sein de la population, ainsi qu’un sentiment d’impunité.

Plus particulièrement, les autorités n’ont pas mené d’enquête crédible et n’ont pas déterminé les responsabilités dans la mort suspecte en garde à vue du célèbre activiste et chanteur Kizito Mihigo. En mars 2021, 42 organisations de la société civile de différents pays du Commonwealth ont cosigné une lettre ouverte demandant au Commonwealth d’inciter les autorités rwandaises à autoriser une enquête indépendante, impartiale et efficace sur ce décès en détention. Depuis lors, aucun progrès n’a été accompli pour élucider les circonstances de la mort de Kizito Mihigo, ni pour s’assurer que les responsables de sa mort rendent des comptes.

Nous exhortons donc les gouvernements du Commonwealth à faire pression sur les autorités rwandaises, avant et pendant la réunion CHOGM, pour qu’elles acceptent de :

  1. Procéder immédiatement à la libération de toutes les personnes actuellement détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, ainsi qu’à l’abandon des accusations portées contre elles ; réformer les lois et créer un environnement favorable permettant aux activistes, blogueurs et journalistes d’exprimer librement leurs opinions en ligne ou hors ligne, sans crainte de conséquences ;
  1. S’engager publiquement et veiller à ce que la société civile et les médias – y compris ceux du Rwanda – soient autorisés à travailler librement et à soulever des questions relatives aux droits humains sans crainte de représailles lors ou à la suite de leur participation à la réunion CHOGM ;
  1. Prendre des mesures concrètes pour répondre aux préoccupations de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et du Comité des droits de l’enfant des Nations unies concernant le traitement en tant que criminels des personnes perçues comme des « vagabonds » ou des « mendiants ». Plus spécifiquement, prendre l’engagement public de fermer les centres de détention non officiels et de réformer le Service national de réhabilitation (National Rehabilitation Service, NRS) du Rwanda ;
  1. Fermer immédiatement le centre de transit de Gikondo et s’engager à ce qu’aucune détention de personnes pauvres ou marginalisées n’a lieu avant cette réunion ou d’autres sommets similaires ;
  1. S’engager publiquement à ce que le Sous-comité de l’ONU pour la prévention de la torture puisse reprogrammer sa visite lorsque le Sous-comité le demandera, avec les garanties qu’il sera libre de mener ses travaux sans ingérence conformément aux obligations du Rwanda en vertu des traités auquel c’est un État partie ;
  1. S’engager publiquement à autoriser une enquête internationale sur divers cas médiatisés de violations commises à l’encontre de dissidents, tels que le décès en détention de Kizito Mihigo, en adressant une invitation aux mécanismes des Nations unies et de l’Union africaine ayant mandat concernant les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les actes de torture et les détentions arbitraires ;
  1. Garantir une véritable mise en œuvre nationale des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels le Rwanda est un État partie, et rendre l’ensemble de sa législation conforme à ses obligations internationales en matière de droits humains ; et
  1. S’engager publiquement et veiller à ce que tous les habitants du Rwanda soient traités avec dignité et respect et aient la possibilité de vivre dans un environnement dans lequel ils puissent jouir librement de tous les droits humains garantis par la Constitution rwandaise, y compris en mettant en place des mécanismes efficaces pour protéger les journalistes, les groupes de la société civile et les défenseurs des droits humains qui œuvrent pour la promotion et la défense de ces droits.

En outre, nous vous demandons instamment, ainsi qu’au Secrétariat du Commonwealth, d’instaurer des critères de respect des normes de droits humains pour les pays qui souhaitent devenir membres du Commonwealth et qui accueillent des événements majeurs tels que CHOGM.

Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien porter à ces questions importantes. Nous serions heureux d’avoir la possibilité d’en discuter plus amplement avec vous.

Nous vous prions de croire, Mesdames, Messieurs, en l’expression de notre haute considération. 

Signataires :

  1. Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-France)

  2. Afghan Canadian Civil Society Forum (ACSF)

  3. African Centre for Democracy and Human Rights Studies (ACDHRS)

  4. Amnesty International

  5. Article 20 Network

  6. Botswana Watch Organization 

  7. Center for Civil Liberties (Ukraine)

  8. Centro de Alternativas al Desarrollo (CEALDES – Colombia)

  9. Committee to Protect Journalists

  10. Commonwealth Human Rights Initiative

  11. Commonwealth Journalists Association in the UK   

  12. Freedom Now

  13. Human Rights Concern – Eritrea (HRCE)

  14. Human Rights Foundation

  15. Human Rights Watch

  16. Institute of Commonwealth Studies

  17. International Service for Human Rights (ISHR)

  18. One Future Collective 

  19. Protection International Africa

  20. Réseau des Organisations de la Société Civile pour l'Observation et le Suivi des Élections en Guinée (ROSE) 

  21. Robert F. Kennedy Human Rights

  22. The Daphne Caruana Galizia Foundation

  23. The International Federation for Human Rights (FIDH)

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