Il y a huit ans, Ibni Oumar Mahamat Saleh était enlevé chez lui
Paris, le 3 février 2016 : L’ACAT commémore - pour la huitième année - la disparition forcée de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh, arrêté le 3 février 2008 chez lui à N’Djamena par des membres de la garde présidentielle tchadienne. Très probablement torturé, il est depuis porté disparu, probablement mort. Sa dépouille n’a jamais été restituée à sa famille, qui a depuis lors pris la route de l’exil.
En 2015, un fils d’Ibni Oumar Mahamat Saleh s’est rendu au Tchad et a répondu, à cette occasion, à l’invitation de rencontre du chef de l’Etat, Idriss Déby Itno, dans un esprit de dialogue, tel que le prônait leur père.
Le représentant de la famille Ibni a rappelé au chef de l’Etat leur besoin impérieux d’obtenir justice et de savoir où était enterré le corps d’Ibni Oumar Mahamat Saleh afin de pouvoir lui apporter une sépulture décente. A ces demandes, Idriss Déby Itno est resté évasif.
Une enquête longue et laborieuse au niveau de la justice française
Depuis juin 2013, une information judiciaire est ouverte en France au niveau de la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris pour les faits « d'enlèvement et de séquestration accompagnés de tortures et d'actes de barbarie commis sur la personne de l’opposant disparu ». « Cela fait maintenant plus de deux ans, que l’enquête avance doucement, très doucement » indique Clément Boursin, responsable Afrique à l’ACAT. Depuis avril 2014, l’ACAT, qui soutient la famille d’Ibni depuis février 2008, s’est constituée partie civile dans cette affaire.
Les autorités françaises, notamment le ministère de la Défense, pourraient être amenées à répondre aux éventuelles demandes de déclassification de tous les documents, y compris ceux classés secret défense, relatifs aux événements de février 2008 à N’Djamena, qui pourraient être effectuées dans le cadre de l’information judiciaire en cours. L’ACAT espère que cette demande sera faire et que la réponse des autorités françaises sera positive.
Un contexte politique défavorable à l’enquête
« Le dossier Ibni constitue encore aujourd’hui une épée de Damoclès au-dessus de la tête du président tchadien,. Ni le pouvoir de N’Djamena ni la France n’ont aujourd’hui intérêt à ce que toute la vérité soit dite sur cette Affaire. Il est donc peu probable que la justice française puisse réellement faire la lumière sur la disparition de cet opposant » révèle Clément Boursin.
En effet, « la France, dans sa lutte contre le terrorisme - dans le Sahel et au niveau du lac Tchad contre Boko Haram - a depuis longtemps renié les dossiers droits de l’homme au Tchad au profit d’une coopération militaire privilégiée avec ce pays » déclare Clément Boursin.
La disparition de l’opposant Ibni Oumar Mahamet Saleh ne figure plus à l’agenda des discussions entre les deux Etats, comme cela l’a été au début de la présidence de François Hollande. « L’affaire est quasi-close, passée par pertes et profits aux dépens des intérêts géostratégiques de la France dans la région » regrette Clément Boursin. « Nous n’abandonnerons jamais. La quête de la vérité et de la justice est longue et laborieuse, mais nous avons le temps avec nous. Un jour le droit sera dit ».
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