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Deux leaders pro-démocratie maintenus en détention de manière arbitraire.

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Deux leaders pro-démocratie maintenus en détention de manière arbitraire

Oumar Sylla – coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coordinateur adjoint de Tournons La Page Guinée (TLP-Guinée) – et Ibrahima Diallo – coordinateur de TLP-Guinée, responsable des opérations du FNDC – sont détenus arbitrairement à la maison centrale de Conakry depuis plus de quatre mois pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.

Les deux militants ont été arrêtés le 30 juillet 2022 à leurs domiciles respectifs à Conakry pour avoir appelé, le 28 juillet, les Guinéens à manifester en faveur de la démocratie. La justice guinéenne avait lancé, le 29 juillet, des poursuites à leur encontre pour « participation délictueuse à un attroupement, coups et blessures volontaires, entrave à la liberté de circulation, complicité, pillage et incendie, destruction de biens privés » pour des faits survenus lors des manifestations réprimées des 28 et 29 juillet 2022.

À la suite de l’appel interjeté par les avocats de la défense demandant une remise en liberté provisoire des deux militants, la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry a confirmé, le 31 août 2022, la décision du juge d’instruction du tribunal de première instance de Dixinn de les maintenir en détention provisoire.

Le 7 novembre, le procureur du tribunal de Dixinn, à Conakry, a rendu une « ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel » des deux prévenus. Les charges ont été requalifiées en « participation délictueuse à un attroupement, complicité de destruction d’édifices publics et privés et complicité de coups et blessures volontaires ».

Les dures conditions de détention au sein de la maison centrale de Conakry ont eu des répercussions sur leur état de santé. À plusieurs reprises, Oumar Sylla et Ibrahima Diallo ont dû être brièvement transférés à l’hôpital Ignace Deen pour y recevoir des soins adaptés.

En dépit des garanties prévues par l’article préliminaire du Code de procédure pénale guinéen stipulant que tout citoyen en détention a droit à un procès juste et équitable, tenu dans un délai raisonnable et dans lequel le droit à la défense est garanti, cela fait maintenant plus de quatre mois qu’Oumar Sylla et Ibrahima Diallo sont maintenus en détention provisoire de manière abusive. Le dossier judiciaire à leur encontre est pourtant vide,

Jusqu’à ce jour, aucune date pour la tenue de leur procès n’a été fixé et leur détention perdure de façon injustifiée.

La junte militaire au pouvoir a arrêté ces deux leaders charismatiques de la société civile pensant que leur détention prolongée mettrait un terme à la remobilisation citoyenne qui était alors en cours en faveur d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

La junte militaire au pouvoir ne veut pas voir ces deux hommes être libérés.

Contexte

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) est une coalition de partis politiques, de syndicats et d’organisations de la société civile, qui a été créée en avril 2019 pour protester contre la volonté du Président Alpha Condé de changer la Constitution guinéenne afin de pouvoir briguer un troisième mandat.

Depuis le coup d’Etat mené le 5 septembre 2021 par le Colonel Mamady Doumbouya contre le président Alpha Condé au pouvoir depuis 2010, la junte militaire au pouvoir – dénommée Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) – gère de manière unilatérale et autoritaire le pays. Jusqu’à ce jour, les putschistes refusent d’engager un réel dialogue inclusif avec la classe politique et la société civile afin de convenir d'un calendrier et de modalités raisonnables pour le rétablissement pacifique de l'ordre constitutionnel en Guinée. La junte au pouvoir affirme simplement vouloir remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans.

Pour faire taire toute critique, notamment celle du FNDC qui demande un retour rapide à la démocratie, le CNRD s’est engagé dans une politique de restriction des libertés publiques et de répression des voix dissidentes plongeant la Guinée dans un nouveau cycle répressif.

Violations du droit à la liberté de réunion pacifique

Le 13 mai 2022, le CNRD a annoncé l’interdiction de « toutes manifestations sur la voie publique de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme, pour l’instant jusqu’aux périodes de campagnes électorales » en violation du droit international garantissant le droit de réunion pacifique des Guinéens. Le droit à la liberté de réunion pacifique est protégé par l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et par l’article 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette décision contrevient également à la Charte de la transition mise en place par le CNRD et signée le 27 septembre 2021 par le chef de l’État, dont l’article 34 stipule que « les libertés d’association, de réunion, de presse et de publication sont garanties ».

Répression des manifestations et usage de la force létale

Les 28 et 29 juillet 2022, les manifestations organisées par le FNDC dénonçant la « gestion unilatérale de la transition » par la junte, interdites par les autorités, ont été violemment réprimées. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les manifestants alors qu’ils protestaient dans les rues de Conakry causant la mort de cinq personnes et blessant au moins trois autres. Plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées dont de nombreux mineurs. Les manifestations du 17 août dénonçant les dérives de la junte et exigeant une gestion plus transparente de la transition ont également été réprimées dans le sang. Deux adolescents ont été tués par les balles des forces de l’ordre à Conakry au cours de cette journée.

Une politique de harcèlement et d’intimidations à l’endroit du FNDC

Le gouvernement guinéen a annoncé, le 6 août 2022 – dans un arrêt ayant fuité sur les réseaux sociaux le 8 août – dissoudre le FNDC affirmant que « leur mode opératoire se structure par des actions violentes au cours de manifestations interdites, des attaques contre des individus qui ne partagent pas leur idéologie, et des actions ciblées contre les forces de l’ordre ». Pour les autorités en place, le FNDC « ne figure pas sur la liste des ONG en Guinée, ni sur la liste des collectifs d'association […] et encore moins dans le répertoire des ONG agréées en République de Guinée ». Cette dissolution est avant tout une posture communicative car le FNDC, en tant que collectif, n’a pas de statut juridique propre. Il ne peut donc pas être dissout légalement. Le FNDC rejette par conséquent sa dissolution, dénonçant une « intimidation » de la part du CNRD au pouvoir. Le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des droits de l'homme guinéen, M. Charles Wright, a demandé au parquet général de Conakry d’engager des poursuites contre Sékou Koundouno responsable stratégies et planification du FNDC – pour « diffamation » et « divulgation de fausses informations » suite à la dénonciation, le 1er août 2022, de la répression des manifestations citoyennes au Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI). Aujourd’hui, les leaders du FNDC non emprisonnés vivent dans la clandestinité et plusieurs ont dû quitter le pays pour garantir leur sécurité.

Préoccupations internationales face à la détérioration de la situation en Guinée

Le 15 août 2022, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme Michelle Bachelet a adressé une lettre au président de la transition guinéenne, le colonel Mamadi Doumbouya afin de lui faire part d’un certain nombre de préoccupations concernant la situation en Guinée. Pour le HCDH, la répression des manifestations des 28 et 29 juillet, « pourrait constituer des violations des droits de l'homme ». La responsable onusienne encourage le gouvernement à ouvrir des enquêtes afin que les auteurs soient traduits en justice et appelle à la libération des membres de l'opposition politiques et de la société civile et au respect de leurs droits fondamentaux.

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