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Condamnation inique de 13 militants de la Lucha.

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Que reproche-t-on aux membres de la Lucha ?

Le 11 novembre 2021, Daniel Dimanja Dany, Archimède Ependa, Kasereka Liko Esai, Kasonia Lwatumba Elyse, Kasereka Kabunga Joël, Paluku Kighoma Dieumerci, Érick Sankara, Paméla Shabani, Kabambi Jireh, Georges Mumbere, Muhindo Lufungula Jeanpy, Paluku Vihamba et Muhindo Mupika Eddy – douze jeunes hommes et une jeune femme, membres de la Lucha – ont été arrêtés arbitrairement dans les rues de Béni, ville localisée dans la région du Nord-Kivu située dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Ils manifestaient pacifiquement, dénonçaient l’inefficacité de l’état de siège – en vigueur depuis début mai 2021 – et demandaient au Parlement congolais de ne pas voter sa prorogation. Le colonel Narcisse Muteba – un militaire nommé maire de la ville – les a accusés de violation de l’état de siège et d’incitation à la désobéissance civile. Ils n’avaient, en réalité, fait qu’exercer leur droit à la liberté de manifestation garanti par la Constitution de la RDC en son article 26.

Près de deux mois de détention, les militants de la Lucha ont été présentés devant le juge militaire, le 7 janvier 2022. Le 21 janvier 2022, le Tribunal militaire de Béni a débuté l’instruction judiciaire à leur encontre pour « insurrection, incitation à la révolte et désobéissance aux lois » sur la base des articles 136 et 137 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant code pénal militaire. Le 1er avril 2022, ils ont été reconnus coupables de « violation de l’état de siège et d’incitation à la désobéissance civile » et condamnés à un an de prison ferme. Le verdict a été annoncé en l’absence de leurs avocats. Ces derniers ont interjeté appel.

Contexte

Qui est Lucha ?

Lutte pour le changement (Lucha) est un « mouvement citoyen congolais non-partisan et non-violent » qui a été fondé en mai 2012 à Goma, dans le Nord-Kivu « suite à un ras-le-bol de jeunes choqués, indignés et révoltés par la situation de chaos général du pays ». Le mouvement, que l’on retrouve aujourd’hui à travers tout le pays, plaide pour la justice sociale, la dignité humaine et la responsabilité en RDC par le biais de campagnes non-violentes et encourage les citoyens congolais à lutter pacifiquement pour la promotion et le respect des droits humains.

Quelle est la situation relative à l’état de siège ?

Le Président Félix Tshisekedi, arrivé au pouvoir en 2019, a décrété le 3 mai 2021 l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri afin « d’endiguer [les] menaces graves et de sécuriser les populations et leurs biens » pour une durée de 30 jours à dater du 6 mai 2021. L’état de siège a été mis en place sans que les Nations unies en soient notifiées comme le prévoit normalement l’article 4.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Les deux provinces situées à l’Est de la RDC – aux frontières du Soudan du Sud, de l’Ouganda et du Rwanda – sont en proie à des conflits depuis plus de 25 ans avec la présence de nombreux groupes armés. Le contrôle des minerais que regorgent ces territoires (or, coltan…) constitue l’un des enjeux de ces conflits selon le Groupement de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).

En vertu de l'ordonnance proclamant l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ces dernières sont placées sous l’administration d’officiers militaires et policiers, nommés par le Président de la République pour assumer les fonctions de gouverneurs, bourgmestres et administrateurs des territoires en remplacement des responsables civils. Dorénavant, les autorités militaires et policières sont habilitées à : perquisitionner les domiciles de jour comme de nuit, interdire des publications et des réunions considérées comme portant atteinte à l’ordre public, interdire la circulation des personnes et interpeller quiconque qui perturberait l’ordre public. Les civils ayant commis de telles infractions seront, tout au long de la durée de l’état de siège, poursuivis devant des tribunaux militaires et non civils en violation des normes régionales et internationales en la matière.

Le nouveau gouverneur du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima, ancien commandant au sein de la rébellion du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) – rébellion soutenue par l’Ouganda – est surnommé « Effacer le tableau » depuis qu’il a dirigé l’opération « Effacer le tableau » en Ituri en 2002 durant laquelle de graves violations des droits humains ont été commises. Le nouveau gouverneur de l’Ituri, le lieutenant-général Johnny Luboya, ancien chef des renseignements militaires au sein du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) – rébellion soutenue par le Rwanda – est soupçonné du fait de sa position hiérarchique d’être responsable de nombreuses exactions commises par des éléments du RCD-Goma à l’encontre de civils, notamment des violences sexuelles et des exécutions extrajudiciaires dans les régions sous son contrôle.

Depuis lors, l’état de siège est régulièrement prorogé par la Présidence de la République. Lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 21 septembre 2021, le chef de l’État congolais a indiqué que cette mesure ne serait levée que lorsque les conditions qui l’ont favorisé disparaitront. Malgré la mise en place d‘une administration militaire et policière, les conditions sécuritaires ne s’améliorent pas. Au contraire, l’insécurité

s’est exacerbée notamment dans les villes de Beni, Bunia et Goma avec davantage de vols à main armée, de violences sexuelles et de meurtres : plus de 300 cambriolages durant le seul mois de septembre 2021 commis par des hommes armés pour la plupart en uniforme de l’armée congolaise.

Le 5 octobre 2021, Amnesty International a fait part de ses préoccupations concernant l’état de siège et la situation des droits humains afférentes devant le Conseil des droits de l’homme des Nations. L’ONG a affirmé que depuis la mise en place de l’état de siège il y avait « une forte augmentation des atteintes aux droits humains tandis que l’accès à la justice [avait] été drastiquement réduit ».

De janvier 2020 à décembre 2021, plus de dix-neuf membres de la Lucha ont été arrêtés et détenus arbitrairement dans l’Est de la RDC et deux autres membres sont morts par balles lors de la répression de manifestations pacifiques.

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