Du 12 au 19 octobre 2025, environ 1 500 prisonniers condamnés à mort de la prison de Qezel Hesar, à Karaj, ont entrepris une grève de la faim massive en signe de protestation contre la peine capitale et la vague d’exécutions brutales qui sévit en Iran. Le 19 octobre, ces prisonniers ont annoncé la suspension temporaire de leur mouvement, dans l’espoir que les autorités respectent leurs engagements. L’ACAT-France, ONG chrétienne œcuménique, engagée dans la défense des droits humains et œuvrant pour l’abolition universelle de la peine de mort, soutient toutes les initiatives abolitionnistes.
Un mouvement sans précédent contre la peine de mort en Iran
Le 12 octobre 2025, en réponse à une nouvelle vague d’exécutions et au transfert de détenus à l’isolement, plus de 1 500 prisonniers condamnés à mort de la prison de Qezel Hesar, située à Karaj, près de Téhéran, se sont unis pour exprimer leur indignation face à l’augmentation alarmante des exécutions en Iran. Ce mouvement a été déclenché, selon des sources vérifiées, pour protester contre les conditions de détention inhumaines, la torture systématique et les condamnations à mort prononcées à l’issue de procès truqués, ainsi que contre le transfert de 16 condamnés à mort en cellule d’isolement, en vue de leur exécution imminente.
Dès le début de la grève, les détenus ont refusé leurs rations alimentaires et ont organisé un « sit-in » dans les couloirs de leur aile, attirant l’attention d’autres sections de la prison qui se sont jointes à leur action, provoquant une vague de colère et de solidarité. Le mouvement s’est ensuite étendu aux blocs 2, 3 et 4 de Qezel Hesar, impliquant même des prisonniers âgés ou malades. Au moins huit prisonniers ont été exécutés durant les deux premiers jours de la protestation, ce qui a intensifié la colère et la solidarité parmi les détenus. Des slogans tels que « Non aux exécutions » ont retenti dans plusieurs quartiers de la prison, et des banderoles portant l’inscription « Ne venez pas à nos funérailles, venez à notre aide » étaient accrochées dans les couloirs.
Des conditions de détention assimilables à de la torture avec des menaces
L’atmosphère dans la prison de Qezel Hesar est décrite comme extrêmement tendue et militarisée. Pendant le mouvement, les autorités ont fermé les espaces communs, coupé l’eau chaude et restreint les communications afin d’étouffer la grève. Plusieurs détenus ont perdu connaissance en raison d’une grande faiblesse physique, mais malgré cela, ils ont continué leur protestation. Les prisonniers ont également pratiqué des actions symboliques, comme la couture des lèvres et l’affichage de banderoles dénonçant les exécutions. Des sources rapportent que le directeur de la prison, Allah-Karam Azizi, s’est rendu dans le bloc 2, proposant de transférer certains détenus vers d’autres établissements. Face à leur refus, il aurait menacé d’accélérer les exécutions si la grève se poursuivait. Malgré ces pressions, la résistance collective s’est maintenue.
Le 19 octobre, une délégation composée de Hayat-ol-Gheyb, chef des prisons de la province de Téhéran, Heshmati, directeur de l’Organisation pénitentiaire de Téhéran, Allah-Karam Azizi, directeur actuel de la prison de Qezel Hesar, et d’un représentant du pouvoir judiciaire nommé Asadi, s’est rendue dans le quartier des grévistes. Ils ont pris l’engagement d’interrompre les exécutions et de réexaminer la loi sur les stupéfiants. Ils se sont également engagés à ce qu’« aucune exécution n’ait lieu pendant plusieurs mois ». Les six prisonniers qui avaient été transférés en isolement au début de la grève ont été ramenés dans leur unité. En réponse, les grévistes ont annoncé qu’ils interrompaient temporairement leur grève afin de donner aux autorités l’occasion de respecter leurs engagements.
Ce mouvement a non seulement mis en lumière la brutalité du système pénal iranien, mais a aussi révélé la force de la solidarité entre les détenus et le soutien croissant des familles et de la communauté internationale. Malgré les promesses des autorités de réexaminer la loi sur les stupéfiants, la méfiance des prisonniers demeurait palpable, renforçant leur détermination à lutter pour leurs droits et leur dignité. Ils n’excluent pas de reprendre le mouvement si les promesses ne sont pas tenues.
Une mobilisation des familles avec le soutien de la communauté internationale
Pendant que les prisonniers étaient en grève, les familles de ces condamnés à mort se sont aussi mobilisées avec courage, rassemblant des milliers de personnes devant le Parlement iranien en scandant « N’exécutez pas ! ». Malgré la violence des forces de sécurité qui ont dispersé la foule, des citoyens ont exprimé leur solidarité en klaxonnant et en criant « Laissez-les ! ». Sur les réseaux sociaux, les hashtags #NoToExecution et #QezelHesar se sont largement diffusés, témoignant d’un soutien grandissant, tant en Iran qu’à l’étranger, où des rassemblements ont eu lieu à Paris, Berlin, Stockholm et Vancouver. À l’intérieur de la prison de Qezel Hesar, des prisonniers politiques, comme Saeed Masouri, ont exprimé leur solidarité en déclarant que l’amour de la vie les poussait à revendiquer leur droit à vivre.
Cette mobilisation a aussi suscité une forte réaction internationale, avec des sanctions annoncées par les États-Unis et des appels à la fin des exécutions de la part de l’Union européenne et des ONG de défense des droits humains. Plus de 300 personnalités mondiales, parmi lesquelles Marie-Laur Lanson, Tony Lloyd, Cherie Blair, et les lauréates du prix Nobel de la paix Jody Williams et Leymah Gbowee, ont signé une déclaration conjointe réclamant l’arrêt immédiat des exécutions et la libération des prisonniers de conscience. Ce mouvement, à la fois local et international, illustre une lutte déterminée contre l’injustice et l’oppression en Iran.
Contexte
Depuis le soulèvement « Femme, Vie, Liberté » en 2022, les autorités iraniennes ont intensifié leur recours à la peine de mort comme instrument de répression étatique pour écraser la dissidence, dans un contexte de nette augmentation des exécutions pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants. En 2025, elles ont multiplié les condamnations à mort sous prétexte de sécurité nationale. À la suite de la « guerre des 12 jours » entre Israël et l’Iran, qui a débuté le 13 juin 2025 et s’est terminée le 24 juin 2025, le régime iranien a été gravement affecté. Le Guide suprême, Ali Khamenei, a déclaré à plusieurs reprises que la principale menace ne provenait pas de l’étranger, mais de l’intérieur de l’Iran. Cette perspective a engendré une intensification de la répression, caractérisée par des arrestations massives, des exécutions incessantes et la répression des voix dissidentes.
Au moins 1105 condamnés à mort exécutés en Iran depuis janvier 2025
Selon un décompte publié le 10 octobre 2025 par l’ONG Iran Human Rights (IHR), au moins 1105 condamnés à mort ont été exécutés en Iran depuis le début de l’année 2025, dépassant déjà le triste record d’au moins 975 exécutions enregistré en 2024. Ce chiffre constitue le plus élevé recensé par l’IHR depuis sa création en 2008. Au cours de la seule première semaine du mois d’octobre, au moins 64 exécutions ont eu lieu, soit une moyenne de neuf par jour. Ces chiffres pourraient être sous-estimés en raison du manque de transparence des autorités iraniennes. L’IHR dénonce une « campagne de massacres » dans les prisons iraniennes, intensifiée par des mouvements de contestation et des tensions géopolitiques.
Les pendaisons, qui représentent la méthode d’exécution la plus courante en Iran, touchent également des femmes, souvent condamnées pour avoir tué des maris violents. Parmi les personnes visées en toute impunité figurent des dissidents politiques, des membres de minorités ethniques opprimées comme les Kurdes, des manifestants, ainsi que des personnes condamnées à mort pour des infractions liées aux stupéfiants. L’Iran est désormais considéré comme le deuxième pays au monde en termes d’exécutions, derrière la Chine.
Appel à l’action
À travers cette grève, la prison de Qezel Hesar est devenue le symbole de la résistance face à une politique de la mort et un cri en faveur de la vie. La hausse continue des exécutions en Iran atteint des proportions effroyables. La peine de mort est systématiquement instrumentalisée à des fins de répression et pour étouffer la dissidence, portant ainsi une atteinte ignoble au droit à la vie. La peine de mort est odieuse en toutes circonstances, et son application à grande échelle à l’issue de procès iniques aggrave encore l’injustice.
L’ACAT-France appelle à un moratoire immédiat sur toutes les exécutions en cours ainsi que sur les condamnations à mort, et exige d’abolir totalement ce châtiment. Nous nous opposons catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. Cette pratique viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et constitue le traitement le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Nous demandons à la République islamique d’Iran de respecter ses obligations légales en tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.