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Les objectifs de la torture

Les définitions de la torture adoptées par l'ONU décrivent divers objectifs d’un pouvoir qui a décidé d’avoir recours à de telles méthodes :

  • Obtenir des renseignements
  • Obtenir des aveux
  • Punir la victime d’un acte commis par elle ou par un autre
  • Détruire la personnalité de la victime
  • Terroriser la victime et le groupe (politique, ethnique, religieux…) auquel elle appartient

La liste de ces objectifs n'est pas exhaustive.

Obtenir des renseignements

« Que feriez-vous si vous déteniez un homme qui sait où et quand doit exploser une bombe qui va tuer de nombreuses vies innocentes ? S’il refuse de parler, n’est-il pas juste de recourir à des méthodes contraires aux droits humains ? »

Ce dilemme moral, selon lequel entre deux maux il faut choisir le moindre, n’est pas nouveau. Il a toujours été le seul argument de ceux qui veulent justifier l’usage de la torture. L’armée française l’a employé en Algérie, les Britanniques en Irlande et les États-Unis l’utilisent depuis le 11 septembre.

En réalité, si la recherche de renseignements est un des buts du recours à la torture, l’imminence d’un danger pour des centaines de vies n’est qu’un prétexte.

Les renseignements recherchés sont d’abord des informations considérées comme importantes pour la sécurité de l’État (et surtout de ceux qui sont au pouvoir). Ils sont autant d’ordre politique que militaire. Il s’agit de remonter des réseaux et d’identifier les opposants, réels ou supposés tels, en invoquant l’impossibilité d’obtenir par d’autres moyens les renseignements indispensables. C’est ainsi, sous le couvert d’interrogatoires, d’enquêtes, que la torture commence à s’installer dans un pays.

Obtenir des aveux

Le suspect est torturé pour qu’il reconnaisse avoir participé à un crime dont on l’accuse. Ce peut être aussi pour qu’il admette qu’il adhère à telle ou telle version d’un événement. On exigera aussi de lui qu’il signe un texte où il reconnaît sa culpabilité ou qu’il fasse des aveux publics.

Ce que l’on appelle « aveu » est alors utilisé comme preuve et suffit à justifier la tenue de procès et des condamnations qui y sont prononcées. Ces aveux peuvent aussi être utilisés comme prétexte pour justifier les répressions contre le groupe politique, ethnique ou religieux auquel appartient celui qu’on a fait avouer.

Punir

Dans les sociétés démocratiques, une peine d’emprisonnement est considérée comme suffisante pour réprimer les crimes, même les plus graves. Dans les sociétés plus répressives, ou sous les régimes autoritaires, la privation de liberté ne suffit pas à « faire payer »​ le coupable. Il doit aussi souffrir dans son corps. Dans ce but, les châtiments corporels et la torture en prison sont largement utilisés.

De simples vols ou même l’adultère peuvent êtres punis par des amputations ou des coups de fouet en public. Les prisonniers de droit commun sont passés à tabac et détenus dans des prisons insalubres, surpeuplées, où les gardiens font régner l’ordre par les coups, l’enchaînement prolongé ou le maintien à l’isolement des mois entiers.

Dans les régimes autoritaires, les opposants, les journalistes, tous les contestataires, risquent aussi de subir des actes de torture. Ils peuvent être enlevés et durement tabassés avant d’être relâchés. Ils peuvent être condamnés après des parodies de procès et la torture en détention vient renforcer leur châtiment. La torture est alors une forme de vengeance.

Dans tous les cas, il s’agit non seulement de punir un acte d’opposition, mais surtout d’adresser un signal terrifiant à tous ceux qui seraient tentés de s’opposer au pouvoir en place, de le critiquer ou de dévoiler ses secrets.

Détruire la personnalité

L’objectif est de briser, définitivement si possible, la volonté de la victime et de désorganiser, déstructurer sa personnalité.

Le pouvoir cherche ainsi à anéantir ceux qu’il estime représenter une menace à son encontre, qu’ils soient maintenus en détention ou remis en liberté.

« [pour les bourreaux] le plus urgent, c’est d’humilier [leurs victimes], de raser l’orgueil de leur cœur, de les ravaler au rang de la bête . »

– Jean-Paul Startre [1]

Terroriser l'individu ou le groupe social

La torture est un instrument des plus forts contre les plus faibles.

On torture des individus dans le but de faire naître la peur dans des communautés et des groupes sociaux déterminés. La torture est alors un terrorisme d’État, une technique de gouvernement. Elle est généralement associée aux exécutions extrajudiciaires et aux disparitions forcées.

Cette violence organisée prend pour cibles des minorités ethniques, religieuses ou sexuelles, ou encore les individus appartenant à des mouvements d’opposition politique (armés ou non) ou susceptibles d’y appartenir (famille des opposants, intellectuels). Dans cette logique, peu importe que l’on tienne le coupable, on tient un de ses semblables et c’est pareil.

Très souvent, la torture est alors justifiée par une idéologie raciste, intégriste ou nationaliste : parce qu’elles ne pensent pas correctement, parce qu’elles ne prient pas le même Dieu, parce qu'elles résistent à l’oppression, les victimes sont considérées comme des êtres inférieurs, à peine humains, à l’encontre desquels tout est permis.

La torture n’est jamais reconnue officiellement par le pouvoir. Mais le secret qui l’entoure ne sert pas seulement à couvrir l’illégalité, il en est en quelque sorte la publicité. Les plaintes restent sans réponse. L’impunité règne. La peur des dénonciations, le spectre des arrestations amènent les gens à se taire et à se montrer dociles vis-à-vis de l’État et de ses représentants.

Ainsi, contrairement à l’idée reçue, la torture ne sert pas à faire parler, elle sert à faire taire.


[1] Jean-Paul Sartre, « Une victoire », L’Express, mars 1956]