Un rapport sur le maintien de l’ordre issu de plus d’un an d’enquête
L’ACAT s’intéresse depuis plusieurs années aux questions d’usage de la force par les policiers et les gendarmes et à l’accès à la justice pour les victimes de violences illégitimes. Déjà, lors de son rapport de 2016, l’ACAT examinait le cas des opérations de maintien de l’ordre. La gestion des manifestations des Gilets jaunes et les nombreux débats sur l’usage de la force déployée ont conforté ses premières analyses. L’ACAT a alors engagé un important travail d’enquête ayant pour objectif d’interroger le rôle et le choix des autorités en matière de maintien de l’ordre depuis le début des années 2000.
De novembre 2018 à janvier 2020, l’ACAT a procédé à une analyse minutieuse de la documentation sur le sujet, tels que des rapports institutionnels, associatifs, parlementaires, des études sociologiques et médicales, des décisions de justice ou des articles de presse. L’ACAT s’est également entretenue avec un très large éventail d’acteurs concernés par les questions de maintien de l’ordre : victimes, avocats, représentants des forces de l’ordre et des autorités, chercheurs ou encore représentants du Défenseur des droits. Au total, 55 personnes ont été entendues à l’occasion d’entretiens.
À l’issue de cette enquête, l’ACAT publie un rapport dressant ses observations et analyses, et liste les recommandations qu’elle entend porter devant les autorités compétentes.
L’utilisation d’armes controversées et dangereuses par les forces de l’ordre
Présentées comme non létales, par opposition notamment aux armes à feu, l’usage des armes dites de force intermédiaires s’est fortement développé ces dernières années, provoquant de nombreuses blessures, voire des décès. Selon le décompte réalisé par l’ACAT, depuis 2000 :
- 8 personnes ont été éborgnées par des grenades de désencerclement, dont la vitesse réelle de projection des plots en caoutchouc a été largement minimisée par le ministère de l’Intérieur.
- 8 personnes ont eu la main arrachée par une grenade GLI-F4. En janvier 2020, le ministère de l’Intérieur a annoncé le retrait immédiat de ces grenades en raison de leur dangerosité. Or, depuis 2018, cette grenade est en cours de remplacement par une autre aux effets similaires, bien qu’elle ne contienne pas de TNT : la GM2L. Un examen complet et indépendant de ces grenades doit être mené afin de mesurer leur dangerosité réelle.
- 48 personnes ont été éborgnées ou ont perdu tout ou partie de l’usage d’un œil et 2 personnes sont décédées après avoir été touchées par des balles de défense (Flashball ou LBD40).
Selon l’ACAT, bien loin de concourir à apaiser les tensions et à maintenir l’ordre, le recours systématique aux armes de force intermédiaire est susceptible de générer une escalade de la violence.
Un autre maintien de l’ordre est possible : nos 28 recommandations à la France
La confiance entre les autorités et les citoyens dans un contexte de manifestation se construit sur le temps long, à partir des expériences vécues par tous les acteurs. Dans ce contexte, l’ACAT invite également les autorités à ne pas renvoyer dos à dos manifestants et forces de l’ordre. Il leur incombe en effet de créer les conditions pour une désescalade de la violence.
De manière générale, et à l’instar d’autres institutions de protection et de promotion des droits humains, l’ACAT appelle les autorités à fonder l’ensemble des missions de police sur le respect des droits humains. Ces derniers ne sont pas un obstacle à l’efficacité policière.
Le rapport propose donc 28 recommandations forte à la France afin de restaurer le lien de confiance entre la population et ses forces de sécurité. Elles sont relatives aux armes et à la formation des agents, à leur identification, à l’application de sanctions transparentes ou encore à la création d’organe d’enquête indépendant.
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