Témoignage – Julia Chuñil, défenseure de la terre Mapuche au Chili, a disparu depuis novembre 2024. Elle était victime de menaces de la part d’un grand propriétaire foncier souhaitant s’accaparer son terrain. Pablo, le fils de Julia, raconte la douleur d’avoir perdu sa mère et son combat pour enfin obtenir justice.
« Ma mère était une combattante. Elle protégeait un territoire Mapuche dans le sud du Chili : une forêt native de 900 hectares. Elle vivait là-bas paisiblement avec ses animaux et prenait soin de la forêt. Elle subissait des menaces quotidiennes de la part d’un grand entrepreneur voisin qui réclamait ce territoire pour raser tous les arbres et vendre le terrain à des compagnies forestières qui pratiquent la monoculture de pin et d’eucalyptus pour produire du papier.
Elle a disparu le 8 novembre 2024. Cela faisait alors deux jours qu’elle n’était pas rentrée chez elle. Mon frère, ma sœur et moi avons entamé des recherches avec des voisins : nous avons parcouru tous les chemins de montagne qu’elle avait l’habitude d’emprunter avec ses bêtes. En vain.
« Une grande peine et beaucoup de rage »
Nous avons signalé sa disparition à la police ainsi que les menaces que lui proférait son voisin. Mais nous faisons face à de nombreux obstacles dans notre quête de justice. Bien que le voisin de ma mère soit le principal suspect, la police refuse d’enquêter sur lui car il s’agit d’un puissant entrepreneur avec beaucoup d’influence dans la région. Pire encore, la police tente de nous incriminer dans la disparition de notre propre mère : ma sœur a été enfermée, détenue arbitrairement et perquisitionnée six fois. C’est très difficile car nous devons constamment nous battre contre les procureurs et la police pour que l’enquête avance.
Après neuf mois, nous n’avons plus d’illusions : il est désormais impossible de retrouver notre mère vivante. C’est une douleur immense. Chaque jour, nous nous demandons qui a pu faire cela à une femme de 72 ans. Ce que nous voulons, c’est que l’on nous rende son corps afin de l’enterrer dignement et de pouvoir faire notre deuil.
Nous ressentons une grande peine et beaucoup de rage car la justice ne fait pas son travail. Nous ne savons plus vers qui nous tourner. Ce qui nous maintient en vie, c’est la diffusion de cette affaire pour rendre visible le combat de notre mère. »