Dans le monde – Depuis la suspension du moratoire sur les exécutions, les condamnations à la peine de mort se sont accrues en République Démocratique du Congo. Depuis 2024, plus de 300 condamnations ont été prononcées, dont celle de l’ancien président Joseph Kabila. Une décision qui ravive les tensions politiques et soulève de vives inquiétudes sur l’indépendance de la justice congolaise.
En République démocratique du Congo (RDC), la peine de mort fait un retour fracassant dans le débat public. Longtemps gelée par un moratoire instauré en 2003 sous la présidence de Joseph Kabila, la possibilité de recourir, à nouveau, aux exécutions a été rétablie officiellement en mars 2024 par le gouvernement de Félix Tshisekedi. En invoquant la lutte contre la trahison, le terrorisme et la criminalité armée, les autorités congolaises ont justifié cette décision comme un « moyen de dissuasion nécessaire dans un contexte d’insécurité généralisée ».
Une recrudescence des condamnations à mort
Cette volte-face, survenue il y a plus d’un an et demi, marque une rupture avec plus de vingt ans de suspension de fait. Selon Amnesty International, au moins 300 condamnations à mort ont été prononcées depuis la levée du moratoire, principalement par des juridictions militaires, à l’issue de procès souvent expéditifs, sans avocat. Les tribunaux ont ciblé des soldats accusés de « fuite devant l’ennemi » dans les combats contre la rébellion du M23/AFC (Mouvement du 23 Mars et Alliance du Fleuve Congo) et l’armée rwandaise, des opposants politiques ayant rejoint le M23/AFC, des personnes soupçonnées d’avoir tenté de renverser le gouvernement à Kinshasa, et des civils, présumés membres de bandes criminelles, poursuivis pour « terrorisme urbain ». Aucune exécution n’a toutefois été confirmée à ce jour.
Un ancien président condamné à mort
L’un des tournants le plus spectaculaire est survenu le 30 septembre 2025, lorsque la Haute Cour militaire de Kinshasa a condamné Joseph Kabila à mort par contumace. L’ancien président, au pouvoir entre 2001 et 2019, a été reconnu coupable de « trahison, crimes de guerre, viols et participation à un mouvement insurrectionnel » pour sa supposée complicité avec les rebelles du M23/AFC. Le verdict a été prononcé à l’issue d’un expéditif procès auquel l’accusé n’a pas comparu et durant lequel aucun avocat de la défense n’était présent, en violation du droit à un procès équitable. Cette condamnation historique d’un ancien président a provoqué un séisme politique et judiciaire. Pour plusieurs observateurs, l’affaire illustre la dérive d’une justice « instrumentalisée » dans un climat de polarisation politique. Des proches de Kabila évoquent une « chasse aux sorcières » orchestrée par le pouvoir en place. Depuis lors, les réactions se multiplient.
Instrumentalisation de la peine de mort
Le 6 octobre 2025, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) s’est déclarée « horrifiée » de la condamnation à mort de l’ancien chef de l’État, rappelant que « la peine de mort est une violation du droit à la vie défendue par l’Église ». Les évêques congolais rappellent que « la peine de mort n’est pas compatible avec l’Evangile et ne favorise pas la cohésion nationale ». Sur le plan international, pour Human Rights Watch (HRW) la « flagrante iniquité à l’encontre de Joseph Kabila ressemble moins à une quête de justice qu’à une stratégie calculée visant à éliminer un adversaire politique ». Pour l’ONG, craint « que d’autres opposants politiques [subissent] le même traitement ».
Un avenir incertain
Vingt ans après avoir suspendu les exécutions, la RDC semble aujourd’hui s’éloigner de plus en plus du mouvement mondial vers l’abolition de la peine de mort. En condamnant à mort un ancien président et au moins 300 autres personnes depuis mars 2024, la RDC ouvre une page sombre de son histoire judiciaire. Reste à savoir si ces sentences resteront symboliques ou marqueront le retour effectif des exécutions dans un pays où la justice, déjà fragilisée, joue désormais sa crédibilité.