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« Les droits humains sont illusoires sans respect des modes de vie autochtones ».

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Juana Aguilera Jaramillo | PHOTO DR / PRIVEE

Entretien – À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones, Juana Aguilera Jaramillo, présidente de la Commission Éthique contre la torture au Chili, souligne le rôle essentiel du peuple Mapuche dans la protection de l’environnement et dénonce la répression qu’il subit.

ACAT-France : Qu’est-ce que la Commission Éthique contre la torture ?

Juana Aguilera Jaramillo : Créée en 2001, la Commission Éthique contre la torture est née du constat que la torture, au cœur de la politique de terrorisme d’État de la dictature de Pinochet (1973-1990), demeurait totalement impunie. Pratiquée de manière systématique, massive et permanente pendant 17 ans, elle a visé des milliers de personnes.

La torture est un crime contre l’humanité : elle porte atteinte à la dignité la plus intime de l’être humain, est imprescriptible, non amnistiable et punissable. Ses auteurs doivent être jugés. Nos premières actions ont donc visé à établir la vérité sur les crimes commis sous la dictature, afin de rendre justice et d’accorder réparation aux victimes.

Aujourd’hui, nous poursuivons ce travail en exerçant une pression sur le pouvoir exécutif, en menant des campagnes de sensibilisation et des actions en justice pour les victimes d’hier – celles de la dictature – et celles d’aujourd’hui, comme les Mapuche.

ACAT-France : Les défenseurs autochtones de l’environnement, comme les Mapuche, sont réprimés au Chili. Pour quelles raisons subissent-ils cette violence ?

J. A. J. : La dictature instaurée en 1973 a mis en place un État néolibéral fondé sur un modèle extractiviste, livrant les ressources naturelles chiliennes aux grandes entreprises, souvent internationales. Ce système offre au Nord global un environnement préservé et une alimentation saine, tandis qu’il impose au Sud global la spoliation des terres, la déforestation, la pollution et la destruction des écosystèmes.

Les Mapuche, peuple autochtone le plus nombreux au Chili, défendent une vision du monde centrée sur le respect de la nature et la protection des biens communs. Cette culture les place en opposition frontale avec le modèle hérité de la dictature et maintenu par les gouvernements civils, qui n’ont ni réformé la Constitution ni modifié le système économique.

Le terrorisme d’État d’hier prend aujourd’hui la forme d’entreprises forestières, minières, piscicoles ou énergétiques qui transforment des régions entières en « zones de sacrifice », au mépris de la biodiversité et de la vie humaine. Les défenseurs de l’environnement sont criminalisés : certains Mapuche sont emprisonnés, d’autres assassinés, et des cas de disparition forcée persistent, comme celui de Julia Chuñil Catricura, disparue depuis neuf mois.

Souvent subventionnées par l’État, ces entreprises bénéficient d’une impunité quasi totale. En protégeant leurs installations par la police et l’armée – via la militarisation et l’état d’urgence permanent dans les régions du Biobío et d’Araucanie depuis le début du gouvernement Boric – l’État se rend complice des violations commises et de l’absence de réparation environnementale.

Les Mapuche subissent une double violence : judiciaire, avec des procès biaisés et des témoins anonymes issus des forces de l’ordre ; et existentielle, avec des entrepreneurs néocolonialistes qui menacent leurs terres et leur mode de vie. Tant que perdurera le modèle hérité de la dictature et que les peuples autochtones seront privés de souveraineté sur leurs biens communs et leurs ressources, les droits humains resteront illusoires.

Juana Aguilera Jaramillo lors d’un rassemblement en hommage aux victimes de la dictature en juillet 2025 à Santiago, Chili | PHOTO / BRUNO SAVELLI

ACAT-France : Quel rôle jouent les Mapuche dans la protection de l’environnement au Chili ?

J. A. J. : Pour les Mapuche, la terre est une mère : on ne l’exploite pas, on ne l’empoisonne pas, on en prend soin. Leur relation à l’environnement repose sur le respect de la nature et la préservation des forêts natives, étroitement liées à l’eau, aux zones humides, aux rivières et à la biodiversité.

Après des décennies d’exploitation forestière, les monocultures ont remplacé ces forêts, appauvri la biodiversité et stérilisé les sols. Face à cela, les Mapuche s’opposent aux entreprises forestières qui détruisent les lieux ancestraux, menacent et maltraitent les travailleurs, harcèlent les communautés et les poussent au déplacement. Beaucoup mènent aussi des actions pour récupérer les terres accaparées par ces entreprises.

ACAT-France : La Commission Éthique contre la torture a récemment conclu un partenariat avec l’ACAT-France. Que représente cet accord pour votre fondation ?

J. A. J. : Cet accord renforce notre lutte juridique pour faire toute la lumière sur la disparition forcée de Julia Chuñil Catricura, identifier et sanctionner les responsables, y compris le grand propriétaire terrien qui la menaçait. Il permet de soutenir sa famille, de mobiliser la société civile et de rappeler à l’État chilien son devoir de faire respecter réellement le « plus jamais » aux violations des droits humains, partout et pour toutes et tous.

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