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MarocArabie Saoudite
Communiqué

L'extradition de Hassan al-Rabea constitue une violation flagrante des obligations internationales du Maroc

Dans une lettre ouverte au Premier ministre du Maroc, 24 organisations signataires demandent des explications sur l'extradition de Hassan al-Rabea vers l'Arabie saoudite qui souhaite le poursuivre pour terrorisme. Issu de la minorité chiite, victime de discrimination, son extradition l'expose à de nombreux risque de persécutions et de torture.
Hassan-Al-Rabea
Le 13 / 02 / 2023

Monsieur le Premier ministre du Maroc Akhannouch,

Nous, soussignées les organisations de défense des droits humains, vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude quant au sort du ressortissant saoudien Monsieur Hassan al-Rabea et vous demander des éclaircissements au sujet des raisons pour lesquelles votre gouvernement a approuvé son extradition vers l'Arabie saoudite.

M. al-Rabea est arrivé au Maroc en juin 2022. Il a été arrêté à l’aéroport de Marrakech le 14 janvier 2023 suite à la diffusion de son mandat d’arrêt par le Conseil des ministres de l’intérieur arabes, initialement émis contre lui par l’Arabie saoudite. Il était recherché pour « collaboration avec des terroristes en les amenant à se mettre d'accord et à collaborer avec lui pour le faire sortir d'Arabie saoudite de manière irrégulière », en vertu de l'article 38 de la loi de 2017 sur la lutte contre les crimes terroristes et leur financement, qui prévoit une peine de prison allant de 10 à 20 ans.

Le 6 février 2023, M. al-Rabea a été extradé du Maroc vers l'Arabie saoudite, malgré les appels répétés de la société civile pour sa libération et sa non-extradition vers l'Arabie saoudite. Dans ce pays, en raison de sa religion et au passé de sa famille en matière de manifestations politiques, M. al-Rabea encourt de sérieux risques de persécution et d’autres atteintes à sa personne, y compris la torture.

Nous sommes profondément préoccupés par la violation manifeste du principe de non-refoulement en vertu des lois internationales des droits humains et des réfugiés auxquelles le Maroc est partie, notamment la Conventions des Nations unies et la Convention de l’Union Africaine liées aux réfugiés, la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits humains est particulièrement alarmant, notamment du fait des violations des procédures régulières, des détentions arbitraires et secrètes, des disparitions forcées, de la torture et de la peine de mort qui s’inscrivent dans ses pratiques courantes.

En outre, l'extradition de M. al-Rabea pourrait contrevenir au Code de procédure pénale marocain, en particulier de son article 721 qui prévoit que l’extradition est refusée s’il apparaît aux autorités marocaines qu’une demande d’extradition est dépourvue de raisons objectives et qu’elle est motivée par des considérations relatives à la personne elle-même, son origine ethnique, sa race, sa nationalité ou ses convictions religieuses ou politiques, et que ces considérations mettraient sa vie ou sa liberté en danger ou pourraient conduire à des actes de torture.

Depuis de nombreuses années, la famille de M. al-Rabea fait l’objet de persécutions par les autorités saoudiennes. Son frère Munir est recherché par les autorités pour sa participation à une manifestation à al-Awamiyah en 2011, et son frère Ali Mohammed est actuellement en détention et risque la peine de mort suite à sa condamnation en Novembre 2022. Deux cousins de M. al-Rabea, Hussein al-Rabea et Ahmed al-Rabea, ont été exécutés le 23 avril 2019, dans le contexte d’une exécution collective de 37 hommes, dont 33 étaient chiites. Ces hommes avaient été condamnés à l'issue de procès inéquitables concernant divers crimes allégués contre eux, notamment liés à des manifestations, à l'espionnage et au terrorisme.

M. al-Rabea et sa famille appartiennent à la minorité chiite qui a traditionnellement fait l’objet de discrimination et de persécution de la part des autorités saoudiennes. En effet, de nombreux citoyens saoudiens chiites ont été condamnés à de longues années d’emprisonnement, ont été exécutés ou risquent la peine de mort à la suite de procès inéquitables. En outre, des saoudiens chiites condamnés pour des crimes liés aux manifestations de 2011 ont fait des confessions qui auraient été entachées par des pratiques de torture et de mauvais traitements tels que des passages à tabac et des isolements prolongés.

Nous avons des motifs raisonnables de croire que l'arrestation et l'extradition de M. al-Rabea s’ajoutent à un ensemble de représailles visant les membres de sa famille et que M. al-Rabea risque de subir de graves atteintes aux droits humains à son arrivée en Arabie saoudite.

Le Maroc a extradé M. al-Rabea suite à l'avis favorable de la Cour de cassation du 1er février 2023. La décision de la Cour a été rendue suite à une seule et unique audience qui ne semble pas avoir laissé à M. al-Rabea un délai raisonnable afin d'expliquer ses motifs de contestation de son extradition.

L'extradition de M. al-Rabea marque la continuité d'une tendance alarmante. En 2021, le Maroc a extradé un autre ressortissant saoudien, Osama al-Hasani. Bien que le Comité des Nations Unies contre la torture ait sollicité des mesures provisoires à son égard en suspendant son extradition dans l’attente de l’examen de son dossier, M. al-Hasani a rapidement été extradé par un avion privé affrété par l’Arabie saoudite. Le 3 septembre 2021, il a été annoncé que le Tribunal pénal spécial saoudien, connu pour ses procès politisés et manifestement inéquitables, a condamné M. al-Hasani à quatre ans d'emprisonnement, bien qu’il ait été innocenté de tout acte répréhensible dans cette affaire en 2018.

En 2016, le Maroc a agi conformément aux normes internationales en matière de droits humains en suspendant l'extradition d'un ressortissant syrien menacé d'extradition vers l'Arabie saoudite suite aux préoccupations soulevées par le Comité des Nations unies contre la torture. Le Maroc a entrepris d’autres mesures similaires telles que la ratification du Protocole facultatif se rapportant à l'UNCAT ainsi que l'établissement du Mécanisme national de prévention de la torture. De surcroît, plus récemment, suite à la décision de la Cour de cassation du 15 décembre 2021 qui, après plusieurs audiences, a statué en faveur de l’extradition de M. Yidiresi Aishan vers la Chine, vous vous êtes abstenu de signer le décret d'extradition à son égard.

À la lumière de ce qui précède, nous soussignés demandons l’explication des motifs de la décision de signer le décret d'extradition donnant lieu à l'expulsion de M. al-Rabea vers l'Arabie saoudite.

Signataires 

  1. Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-France)
  2. ALQST for Human Rights 
  3. Amnesty International
  4. Association marocaine des droits humains (AMDH)
  5. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
  6. Collectif marocain contre la peine de mort
  7. Collectif marocain des instances des droits humains
  8. Committee for Justice (CFJ)
  9. Democracy for the Arab World Now (DAWN)
  10. Euro-Med Human Rights Monitor
  11. European Saudi Organization for Human Rights (ESOHR)
  12. Freedom Forward
  13. Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
  14. Human Rights First
  15. Human Rights Foundation (HRF)
  16. Human Rights Watch
  17. HuMENA pour les droits de l'homme et l'engagement civique 
  18. International Service for Human Rights (ISHR)
  19. MENA Rights Group
  20. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
  21. Project on Middle East Democracy (POMED)
  22. The Freedom Initiative
  23. Salam for Democracy and Human Rights (Salam DHR)
  24. World Alliance For Citizen Participation (CIVICUS)

 

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