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Colombie : une Communauté de Paix face à la violence des paramilitaires.

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Les représentants de la Communauté de Paix à Paris - Dimitri Partouche / ACAT-France

En Colombie, la Communauté de Paix de San José de Apartadó est une initiative paysanne qui lutte de manière pacifique pour la protection de son territoire face aux violences des paramilitaires. Trois membres de la Communauté entament actuellement une tournée européenne en quête d’un soutien international.

«Notre peuple continue davancer avec courage ; notre lutte est une lutte de paix, une lutte de vie», chantent José Roviro López Rivera, Bladimir Arteaga Guerra et Gildardo Tuberquia Usuga, devant une vingtaine de personnes réunies au Secrétariat national de l’ACAT-France, à l’occasion d’une conférence organisée en leur honneur.

Tous trois font partie du Conseil Interne de la Communauté de Paix de San José de Apartadó, en Colombie. Cette communauté paysanne qui regroupe plus de trois cents personnes vivant de l’agroécologie, revendique un mode de vie en accord avec l’environnement et défend son territoire de manière pacifique face à l’oppression des groupes paramilitaires armés.

Un territoire convoité, une violence institutionnalisée

Située dans la région fertile de l’Urabá, au nord de la Colombie, la Communauté de Paix est implantée sur un territoire riche en ressources naturelles, qui attire l’avidité des compagnies multinationales. « Ces entreprises rêvent d’un territoire sans paysans afin d’exploiter les réserves de charbon, d’or et d’autres matières premières qui se trouvent sous la terre », explique José Roviro.

Pour faire fuir les paysans, ces entreprises louent les services de milices paramilitaires. Parmi elles, l’Armée Gaïtaniste de Colombie (EGC), un des principaux groupes armés du pays, qui convoite aussi le territoire de la Communauté pour son accès stratégique à la mer des Caraïbes, utile à ses exportations de drogue.

« Plus de trois-cents membres de notre communauté ont été assassinés par les paramilitaires en vingt-huit ans, déplore José Roviro. Nous sommes nés sur ces terres mais il est de plus en plus difficile d’y vivre : nous subissons quotidiennement menaces, intimidations et extorsions. »

Des violences commises en toute impunité, les paramilitaires bénéficiant de l’appui des autorités locales corrompues et de l’armée régulière, selon José Roviro. « L’armée et la police communiquent les noms des défenseurs des droits de notre communauté aux paramilitaires : douze d’entre eux ont été tués depuis 2016 », précise-t-il.

Neutralité et résistance pacifique

Créée en 1997 par le regroupement de plusieurs hameaux autour de la ville d’Apartadó, la Communauté de Paix est née en réaction à la violence des groupes armés légaux (paramilitaires, armée régulière…) et illégaux (guérillas comme les FARC). Prise en étau entre la corruption et la violence, la Communauté a fait le choix de la neutralité politique et d’une résistance pacifique pour défendre son droit à vivre sur ses terres.

Les défenseurs de la Communauté comme José Roviro dénoncent les crimes et violations des droits commis par les groupes armés depuis vingt-huit ans, et qui persistent malgré l’accord de paix de 2016 entre le gouvernement colombien et les FARC. « Les FARC sont partis, mais ont laissé la place à la violence des paramilitaires », souligne José Roviro.

En juin 2025, leurs alertes ont finalement poussé le gouvernement colombien à reconnaitre officiellement sa responsabilité dans les violations des droits humains subies par la Communauté. Mais cette reconnaissance reste symbolique. « Le pouvoir réel se trouve entre les mains des autorités locales corrompues, qui ne sont pas tenues d’obéir au président », regrette José Roviro. Pire encore, les menaces des paramilitaires se sont intensifiées depuis cette déclaration.

Les représentants de la Communauté de Paix lors d’une conférence de presse à l’ACAT-France

En quête de soutien international

Face à cette impasse, la Communauté de Paix se tourne vers la scène internationale. C’est dans ce contexte que José Roviro López Rivera, Bladimir Arteaga Guerra et Gildardo Tuberquia Usuga ont entamé une tournée en Europe, pour alerter l’opinion publique et interpeller les responsables politiques.

Soutenus par l’ACAT-France, qui agit comme point focal de la Communauté en France, ils ont notamment été reçus à la mairie de Paris et ont participé à une conférence de presse dans les locaux de l’association.

« Ces solidarités internationales dissuadent les paramilitaires de s’attaquer à notre communauté, explique José Roviro. Cela nous permet de rester sur notre territoire et nous donne la force de continuer à nous battre. Car, face à ce système qui sème la mort, nous n’avons d’autres choix que de semer la vie. »

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