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  • Appel à mobilisation

La place de Tsi Conrad n’est pas en prison !.

  • Détention

Le journaliste Tsi Conrad, âgé de 35 ans, est arbitrairement détenu à la Prison centrale de Yaoundé depuis plus de cinq années. Il a été condamné à quinze ans de prison ferme, en mai 2018, pour avoir informé des premières manifestations de mécontentement des populations anglophones en octobre 2016 et leur répression. Son procès n’a pas été conforme aux règles du procès équitable, d’où le caractère arbitraire de sa détention.

Dans le cadre de son travail de journaliste, Tsi Conrad a filmé et photographié les premières manifestations pacifiques dénonçant la marginalisation dont les populations anglophones se sentaient faire l’objet de la part de l’État central en octobre 2016 sur Bamenda, ville située dans la région du Nord-Ouest du Cameroun.

Ses images ont permis de rendre compte de la réalité des répressions qui s’en sont suivies : usage excessif de la force létale, arrestations massives, usage de la torture, humiliations et intimidations…Tsi Conrad a distribué ses images à des journalistes et en a publié sur divers médias sociaux.

Le 8 décembre 2016, alors qu’il filmait une nouvelle manifestation au cours de laquelle des policiers avaient tiré à balles réelles, des militaires ont arrêté Tsi Conrad, sous la menace de leurs armes. Son appareil photo a été détruit et il a été conduit dans un poste de police de Bamenda. Sous la torture, il a signé des aveux selon lesquels il était l’un des meneurs de la manifestation sécessionniste. Il a ensuite été transféré à Yaoundé dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (DST). 

Le 23 décembre 2016, après deux semaines de détention au secret, Tsi Conrad a été transféré à la Prison centrale de Yaoundé, où il est encore détenu à ce jour.

Alors que le droit international interdit le recours aux tribunaux militaires pour juger des civils, son procès devant le Tribunal militaire de Yaoundé s’est tenu de novembre 2017 à mai 2018. Durant toute la procédure, il n’a pas eu un accès libre à son avocat. Les rares fois, où son avocat a pu lui rendre visite en prison, ils ont été surveillés par des gardes pénitentiaires et n’ont jamais eu plus de 15 minutes pour échanger. Le procès a été ajournée à plus de seize reprises et l’avocat de Tsi Conrad n’a pas reçu tous les documents de l’accusation ni pu faire citer des témoins pour la défense de son client.

Le 25 mai 2018, Tsi Conrad a été condamné à 15 années de prison après avoir été reconnu coupable d’« hostilités à la patrie, sécession, propagation de fausses informations, révolution, insurrection, outrage aux organismes et fonctionnaires publics, résistance, terrorisme » sur la base de la Loi n°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme ; une loi reconnue comme étant liberticide par plusieurs experts des Nations unies.

Tsi Conrad est injustement privé de liberté depuis plus de cinq ans pour avoir exercé son droit à la liberté d’opinion, d’expression et de manifestation dans la région anglophone du Cameroun.

Son avocat a fait appel le 23 mai 2018. Cet appel n’a toujours pas été examiné.

Le fonctionnement de la justice militaire permet au Président de la République de pouvoir ordonner, quand il le veut, des fins de procédures judiciaires et des libérations. Le 3 octobre 2019, le Président de la République du Cameroun a décidé de libérer 333 personnes arrêtées dans le contexte du conflit dans les régions anglophones. Tsi Conrad n’a pas bénéficié de ce geste présidentiel.

Le 5 mai 2021, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a adopté l’Avis n°10/2021 dans lequel il indique que « la privation de liberté de Tsi Conrad est arbitraire » et demande au gouvernement camerounais à « libérer immédiatement » Tsi Conrad.

Mobilisons-nous auprès du Président camerounais Paul Biya pour demander la libération du journaliste Tsi Conrad :

  • Tweetez notamment le compte @PR_Paul_BIYA et  postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

Contexte

Octobre-novembre 2016 : des avocats, enseignants et étudiants anglophones protestent contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif en vigueur dans les régions anglophones du Nord-ouest et Sud-ouest et contre la marginalisation de leur territoire. Les autorités camerounaises répriment violemment les manifestations pacifiques. Les villes de Bamenda, Buea, Kumba et Kumbo sont particulièrement touchées par la répression. Des centaines de personnes sont arrêtées. Plus de dix manifestants sont tués par balles entre octobre 2016 et février 2017. Les autorités camerounaises tentent le « black-out » : elles interdisent des organisations de la société civile, suspendent Internet et les lignes téléphoniques pendant trois mois entre janvier et avril 2017. Des groupes de militants anglophones répondent par des stratégies de désobéissance civile (boycott des écoles et opérations « ville morte »). En octobre 2017, les forces de défense et de sécurité tirent à balles réelles sur des manifestants qui célèbrent symboliquement l’indépendance des régions anglophones. Vingt personnes sont tuées, de nombreuses autres blessées. Des centaines de personnes sont de nouveau arrêtées. Des milliers fuient. Dès lors, les voix modérées anglophones sont supplantées par les appels à la lutte armée des groupes séparatistes. La guerre civile commence. Les symboles de l’État et les forces de défense et de sécurité sont attaqués. S’ensuit une militarisation des régions anglophones – avec notamment l’arrivée du Bataillon d’intervention rapide (BIR) – et une répression tous azimuts qui renforce encore davantage l’émergence de mouvements plus radicaux et violents au sein de la société anglophone.

Entre 2016 et 2019, cette guerre de basse intensité a coûté la vie à plus de 3 000 personnes et déplacé plus de 500 000 personnes.

Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans les régions anglophones est incontrôlable. Il s’agit d’une « No go zone » où il est dangereux de se rendre. Une partie de ce territoire est administrée par des groupes séparatistes armés, qui sèment la terreur au sein des populations civiles, notamment par des exécutions sommaires de civils considérés comme proches des autorités et des attaques d'établissements scolaires dont plusieurs meurtriers. Ces groupes opèrent également des actions de guérilla contre les forces de sécurité camerounaises et utilisent de plus en plus d’engins explosifs improvisés faisant régulièrement des victimes. Par peur des attaques des groupes séparatistes, de nombreux fonctionnaires ont fui.

L’armée lance régulièrement des opérations de contre-guérilla qui se soldent parfois par des exécutions sommaires de civils. Lorsque des militaires sont tués lors d’embuscades menées par des séparatistes, il n’est pas rare que des opérations de représailles soient menées et ciblent les civils, considérés comme sympathisants des groupes armés : incendies de bâtiments, exécutions sommaires, arrestations suivies d’actes de tortures… Les forces armées peuvent s’appuyer localement sur des milices pro-gouvernementales qui assurent la sécurité et le renseignement dans certains territoires. En différents endroits, de nouveaux acteurs apparaissent sans avoir de liens avec des groupes séparatistes : il s’agit de coupeurs de route et autres groupes criminels qui profitent du chaos ambiant pour rançonner citoyens et commerçants.

Depuis 2017, ce conflit interne a provoqué une crise humanitaire de grande ampleur à laquelle les autorités camerounaises n’apportent que peu d’aides et restreignent la liberté des associations humanitaires présentes. Aujourd’hui, les civils n’ayant pas pu fuir la région sont régulièrement pris pour cible par les deux parties au conflit.

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