Un défenseur, disparu, en extrême danger
Itai Dzamara a disparu. Sa femme, ses proches, ses collègues défenseurs des droits de l’homme le recherchent désespérément depuis maintenant près de deux mois.
Dans la matinée du 9 mars 2015, cinq hommes en civil interpellent Itai Dzamara alors qu’il sortait de chez un barbier à Glanview, une banlieue de la capitale Harare. Ils le menottent et le forcent à monter dans un fourgon blanc de marque Isuzu dont les plaques d’immatriculation sont dissimulées. Ils démarrent en trombe. Depuis lors, Itai Dzamara n’a plus donné signe de vie.
Itai Dzamara est un journaliste engagé dans les droits de l’homme. Il dirige le mouvement protestataire Occupy Africa Unity Square (OAUS), qui organise un sit-in de protestation pacifique quasi continu contre le gouvernement et ce, depuis octobre 2014. En sa qualité de meneur de ce mouvement, Itai Dzamara demandait régulièrement, et de manière publique, la démission du président zimbabwéen Robert Mugabe et l’organisation de nouvelles élections.
La femme d’Itai Dzamara s’est rendue au poste de police de Glen Norah le 9 mars pour signaler sa disparition et une enquête a été ouverte. Trois jours plus tard, des avocats se sont rendus au commissariat central de Harare après avoir reçu des informations selon lesquelles le journaliste s’y trouvait. Ils ont été refoulés par la police. Le lendemain, la Haute Cour de justice de Harare a ordonné à la police de rechercher le défenseur des droits de l’homme dans les différents commissariats de la capitale.
Aujourd’hui, près de deux mois ont passé depuis l’enlèvement d’Itai Dzamara et aucune enquête crédible ne semble être en cours. La Haute Cour de justice de Harare n’a pas encore été informée des démarches de la police. Les autorités zimbabwéennes doivent informer l’opinion publique de l’avancée de l’enquête et intensifier les recherches pour retrouver le défenseur des droits de l’homme.
Qu’est-ce qu’Occupy Africa Unity Square (OAUS) ?
Occupy Africa Unity Square (OAUS) est un groupe protestataire en faveur de la démocratie au Zimbabwe, créé en octobre 2014. La place Africa Unity Square est un parc du centre de la capitale, Harare, qui jouxte le Parlement et se situe près de la présidence de la République. Depuis octobre 2014, les militants d’OAUS y organisent régulièrement des sit-in pacifiques pour appeler le gouvernement à prendre ses responsabilités pour son échec à satisfaire les besoins de son peuple. Ils appellent à la démission de Robert Mugabe et à la tenue de nouvelles élections.
Itai Dzamara, un habitué des violences policières
Le 6 novembre 2014, Itai Dzamara a été violemment agressé à Harare par des policiers antiémeutes qui l’ont laissé sans connaissance. Il a alors dû être ranimé à l’hôpital et placé en soins intensifs. En sa qualité de meneur de l’OAUS, il avait remis au président Robert Mugabe, en octobre 2014, une pétition demandant sa démission.
Un État tortionnaire
L’histoire du Zimbabwe est marquée par une violence politique constante. Depuis l’indépendance du pays en 1980, Robert Mugabe – aujourd’hui âgé de 91 ans – tient les rênes du pouvoir avec son parti, l’Union nationale africaine du Zimbabwe–Front patriotique (ZANU-PF). La constitution zimbabwéenne lui permet théoriquement de rester au pouvoir jusqu'à 99 ans. La situation humanitaire du pays est très fragile et l’économie en crise perpétuelle. La torture reste toujours un phénomène préoccupant.
- Pour aller plus loin : rapport sur la torture au Zimbabwe http://www.acatfrance.fr/un-monde-tortionnaire/Zimbabwe-rapport-2010