J'agis pour Chen Qiushi et Fang Bin
Deux journalistes-citoyens qui bravaient la censure
Chen Qiushi, âgé de 35 ans, est un avocat des droits humains originaire du nord de la Chine. En janvier 2020, il se rend à Wuhan pour couvrir le début de la pandémie du COVID et témoigner de la réalité du terrain. Sur les réseaux sociaux, plusieurs centaines de milliers de personnes le suivent tandis qu’il sillonne les hôpitaux de la ville pour rendre compte du chaos ambiant.
Le journaliste-citoyen a conscience des risques qu’il encourt. Dans une vidéo, il déclare, les larmes aux yeux : « J’ai peur. Devant moi, il y a le virus. Derrière moi, il y a tout l’appareil légal et administratif du pouvoir chinois.Mais tant que je serai en vie, je ne rapporterai que ce que je vois et entends. »
Dans la soirée du 6 février 2020, Chen Qiushi disparaît. Ses proches ne parviennent plus à le joindre, son compte sur le réseau social Weibo est supprimé. Les autorités ne fournissent aucune information sur une éventuelle arrestation. Certaines rumeurs parlent d’une mise en quarantaine forcée. En septembre 2020, un proche de Chen Qiushi annonce qu’il serait gardé en « résidence surveillée dans un lieu déterminé », mais cela n’a jamais été officiellement confirmé par les autorités.
Fang Bin, un ancien homme d’affaires et habitant de Wuhan de 57 ans, avait lui aussi décidé de défier la censure mise en place par les autorités et de faire toute la transparence sur la crise affectant sa ville. Dès le mois de janvier, il documente la surcharge des hôpitaux et publie notamment des images des corps des victimes de la maladie, empilés dans des bus transformés en corbillards de fortune.
Quelques jours avant sa disparition, la police vient frapper chez lui pour le placer « en quarantaine ».
Il refuse et se voit confisquer une partie de son équipement. Le 9 février 2020, il est finalement arrêté à son domicile par des policiers en civil, sans aucun mandat. Depuis ce jour, ses proches sont sans nouvelles de lui.
Légalisation des disparitions forcées
La Chine n’a jamais ratifié la Convention sur les disparitions forcées. La pratique est coutumière et cible tout particulièrement les dissidents, les défenseurs des droits humains et les groupes ethniques et religieux persécutés. Une forme de disparition forcée a même été légalisée en 2012 à travers les placements en « résidence surveillée dans un lieu déterminé », permettant au pouvoir de détenir un suspect au secret dans un lieu indéterminé pendant une durée pouvant aller jusqu’à six mois, en dehors de tout registre officiel, favorisant ainsi les mauvais traitements et la torture.