Appel à la libération du militant Oumar Sylla !
Oumar Sylla – alias Foniké Menguè – coordinateur de la mobilisation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et coordinateur adjoint de Tournons la page (TLP-Guinée), passe des journées difficiles, détenu injustement depuis deux mois dans la prison centrale de Conakry. La raison de sa détention arbitraire : Il militait pacifiquement contre la candidature du Président sortant, Alpha Condé, à un troisième mandat consécutif.
Le 29 septembre 2020, alors qu’Oumar Sylla incite les habitants du quartier de Matoto de Conakry à participer à la manifestation du FNDC pour protester contre la candidature d’Alpha Condé au scrutin présidentiel du 18 octobre 2020, il est violemment arrêté en pleine rue, par des policiers en civil. Emmené manu-militari dans les locaux de la Direction de la police judiciaire (DPJ), il est interrogé sans la présence de ses avocats. Ces derniers, informés de l’arrestation d’Oumar Sylla, se présentent devant la DPJ, mais l’accès leur est refusé.
Au cours de la même journée, le procureur du tribunal de Mafanco décide de placer Oumar Sylla sous mandat de dépôt pour « rassemblement non autorisé, trouble à l’ordre public, destruction de biens publics et mise en danger de la sécurité de l’État » et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.
Oumar Sylla avait été détenu arbitrairement pendant 132 jours entre avril et août 2020 pour les mêmes raisons.
Vous souhaitez vous mobiliser pour demander la libération du militant Oumar Sylla, détenu pour avoir seulement exprimé ses opinions politiques de manière pacifique :
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au Ministre de la Justice de la République de Guinée par courriel ou par voie postale. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l'ambassade de Guinée en France
- Tweetez, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
CONTEXTE
Depuis 2019, la Guinée est en proie à une grave crise politique liée à la volonté du président Alpha Condé de se maintenir au pouvoir à l’issue de son deuxième et dernier mandat présidentiel comme le stipulait la Constitution en vigueur à cette époque.
Pour imposer sa candidature à la présidentielle de 2020, Alpha Condé a fait adopter une nouvelle Constitution par un référendum en mars 2020. Le projet de nouvelle Constitution a été rédigé en catimini, sans débat, provoquant la démission de deux ministres, dont celui de la justice. Le texte a été adopté à l’issue d’un référendum chaotique, organisé sur la base d’un fichier électoral douteux, sans la présence d’observateurs internationaux et dans un climat de répression et de violences. Officiellement, il s’agissait de doter la Guinée d’une loi fondamentale plus en adéquation avec son époque. Dans les faits, cette nouvelle Constitution faisait sauter le verrou limitant à deux le nombre de mandats présidentiels autorisés.
Pour lutter contre la possibilité d’un troisième mandat d’Alpha Condé, une coalition d'organisations de la société civile et de partis politiques ont mis en place, en octobre 2019, un large mouvement d’opposition dénommé Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et multiplié les manifestations pacifiques. Les membres du FNDC ont rapidement été la cible d’intimidations et de violences ciblées. Dans le rapport intitulé « Marcher et mourir. Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée », publié en octobre 2020, Amnesty International indique avoir recueilli des informations sur l’arrestation arbitraire d’au moins 70 personnes n’ayant fait qu’exercer leur droit à la liberté de réunion et d’expression entre octobre 2019 et juillet 2020. Au cours de la même période, au moins 50 personnes ont été tuées par des membres de la police et de l’armée lors de manifestations réprimées.
Depuis des décennies, les forces de sécurité guinéennes recourent à un usage disproportionné de la force contre les manifestants, en particulier au moment des élections. Elles bénéficient d’une impunité notoire, préservée par les différents régimes en place qui ont tous utilisé les forces de sécurité comme un outil de répression des opposants et de préservation du pouvoir politique.
Sans surprise, la Cour constitutionnelle a confirmé, le 7 novembre 2020, la victoire d’Alpha Condé lors du premier tour de la présidentielle du 18 octobre, dont les chiffres ont été annoncés une semaine plus tôt par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) : 59,49% des voix pour Alpha Condé et 33,50% pour l’opposant Cellou Dallein Diallo ; deux institutions accusées d’être inféodées au pouvoir en place.
Alpha Condé entame un troisième mandat consécutif, acquis en piétinant les principes républicains qu’il défendait pourtant lorsque, opposant, il se battait contre Sékou Touré (1958-1984) puis Lansana Conté (1984-2008). Pour arriver et se maintenir au pouvoir, Alpha Condé n’a pas manqué de jouer sur les clivages communautaires et régionaux. Durant la dernière campagne électorale, il a une nouvelle fois usé de la rhétorique « tout sauf les Peuls » et agité la menace d’une « alliance peule » entre les présidents nigérian et sénégalais, Muhammadu Buhari et Macky Sall, pour porter « leur frère » Cellou Dalein Diallo à la présidence.
Les résultats de la présidentielle d’octobre 2020 ont été très vite accepté par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine. L’Union européenne, la France et les Etats-Unis ont émis des doutes sur la régularité du scrutin présidentiel, marqué par des taux de participation suspects dans les fiefs du pouvoir.
« Le poisson pourrit par la tête » disait, au milieu des années 80, l’opposant Alpha Condé pour décrire le régime du vieux général Lansana Conté, qui refusait de passer la main, malgré un système en bout de course, miné par la « médiocratie » et la corruption. Aujourd’hui, les opposants à Alpha Condé redoutent de voir resurgir le spectre de Lansana Conté. Le 4 mars 2021, Alpha Condé fêtera ses 84 ans.
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