• Appel à mobilisation

Sonia Dahmani, avocate et défenseure des droits, victime d’acharnement judiciaire.

  • Détention

Demandons la libération immédiate de Sonia Dahmani et l’arrêt de l’acharnement judiciaire dont elle fait l’objet !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale à Son Excellence Monsieur Kaïs Saïed, Président de la République de Tunisie ou interpellez-le directement par voie électronique.

Sonia Dahmani, avocate, défenseure des droits humains et chroniqueuse à la télévision et à la radio, est incarcérée en Tunisie depuis le 11 mai 2024. Le vendredi 24 janvier 2025, la cour d’appel de Tunis a confirmé sa condamnation en appel, réduisant sa peine de deux ans à un an et six mois de prison ferme, pour « atteinte à la sûreté publique » et « diffusion de fausses informations », conformément au décret-loi n°54.

Sonia Dahmani : Avocate engagée dans la lutte contre le racisme.

Maître Sonia Dahmani est une avocate tunisienne de 60 ans, engagée dans la lutte contre le racisme et pour la défense des droits humains, notamment ceux des migrants d’Afrique subsaharienne Elle est également chroniqueuse à la télévision et à la radio, où elle est fréquemment interviewée par les médias tunisiens. Connue pour son franc-parler, elle dénonce dans ses interventions médiatiques les abus des régimes successifs en matière de droits fondamentaux, en particulier le traitement réservé par le gouvernement tunisien aux migrants originaires d’Afrique subsaharienne. Elle est devenue la cible de représailles de la part des autorités. Son tort ? Être critique à l’égard de l’action du président de la République, Kaïs Saïed, depuis son coup de force institutionnel du 25 juillet 2021.

Qu’est-il reproché à Sonia Dahmani ?

Tout a commencé par des propos ironiques sur la Tunisie tenus le mardi 7 mai 2024 par Sonia Dahmani, également chroniqueuse pour la radio IFM. « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? », avait-elle lancé en réaction à l’affirmation selon laquelle des migrants subsahariens cherchaient à s’installer en Tunisie, en particulier sur les déclarations faites en février 2023 par le président Saïed. Ce dernier avait exprimé des inquiétudes concernant l’arrivée de migrants, qualifiant cela de « complot » visant à modifier la composition démographique du pays. Ces déclarations du Président de la République, s’apparentant à une théorie du grand remplacement, avaient engendré une campagne violente en Tunisie contre les migrants venus d’Afrique subsaharienne. Par cette interrogation, Sonia Dahmani remettait ironiquement en question la réalité de la situation catastrophique décrite par le président et son gouvernement, qui parlaient également de « hordes ». Les autorités ont interprété les propos de Maître Dahmani comme une « diffusion de fausses nouvelles », entraînant des accusations en vertu du décret-loi n° 54, qui interdit la diffusion d’informations jugées fausses, promulgué par le président Kaïs Saïed en 2022. Deux jours plus tard, le jeudi 9 mai 2024, elle reçoit une convocation pour comparaître devant un juge d’instruction. Refusant de se présenter devant la justice « sans connaître les raisons de cette convocation », Sonia Dahmani fait mine de se rendre au palais de justice, avant de changer de trottoir à la dernière minute pour se réfugier au siège du barreau des avocats de Tunis.

Le 11 mai 2024, Sonia Dahmani est arrêtée de manière violente par des forces de sécurité masquées à la Maison de l’Avocat à Tunis, où elle avait trouvé refuge, alors qu’elle participait à une émission en direct de France 24. Après son arrestation, un juge a ordonné sa détention le 13 mai, et elle a été maintenue en prison en attendant une enquête. Le 6 juillet 2024, sa famille a annoncé qu’elle avait été condamnée à un an de prison pour ses déclarations. Le 10 septembre 2024, lors d’un procès controversé, sa peine a été réduite à huit mois, mais ses avocats n’ont pas pu plaider pour sa remise en liberté, l’audience ayant été suspendue avant le jugement. Le comité de défense de Sonia Dahmani a exprimé des préoccupations concernant son traitement en prison, évoquant des fouilles humiliantes et l’obligation de porter un voile blanc, jugée dégradante. L’avocate est détenue dans une aile de haute sécurité et placée à l’isolement, où elle côtoie des rats et des cafards. L’insalubrité, l’isolement et le froid l’ont rendue malade. Son état de santé est extrêmement préoccupant, et a développé de graves maladies, notamment du diabète et de l’hypertension artérielle.

Le jeudi 24 octobre 2024, elle a été condamnée par la chambre correctionnelle du tribunal de première instance à une peine de deux ans de prison pour « diffusion de fausses informations » dans le but de « porter atteinte à la sûreté publique » en vertu du décret-loi n° 54. Le 24 janvier 2025, la cour d’appel a confirmé sa peine, la réduisant à un an et six mois, une décision accueillie avec consternation par ses proches et les défenseurs des droits humains, qui y voient un message clair à l’encontre des voix critiques du régime. Actuellement, Sonia Dahmani est poursuivie dans cinq affaires pour des déclarations jugées critiques par le pouvoir. Toutes ces affaires judiciaires sont liées à ses critiques sur le traitement des migrants et la situation politique en Tunisie. Son cas devient emblématique des défis auxquels sont confrontés ceux qui osent s’opposer au pouvoir en place, soulevant des questions cruciales sur la liberté d’expression et les droits humains en Tunisie.

Contexte

Une dérive autoritaire marquée par un rétrécissement de l’espace civique

Depuis le mouvement protestataire tunisien et la révolution du 14 janvier 2011, qui a conduit à la chute du président Ben Ali, la Tunisie a connu de nombreuses crises politiques. Après l’élection de Kaïs Saïed en 2019, une crise a éclaté entre le président et la majorité parlementaire dominée par le parti islamiste Ennahdha. Ce contexte a entraîné une instabilité politique et de grandes mobilisations de la société civile contre la corruption et l’inefficacité parlementaire. Le 25 juillet 2021, une grande manifestation a eu lieu devant le parlement tunisien, rassemblant des milliers de personnes. En réponse, le président Saïed a invoqué l’article 80 de la Constitution pour s’attribuer les pleins pouvoirs, geler les activités parlementaires et destituer le gouvernement. Ces actions ont suscité des opinions divisées, certains les qualifiant de coup d’État tandis que d’autres les ont saluées comme une rupture salutaire avec une classe politique vivement critiquée. Kaïs Saïed a ensuite suspendu la Constitution de 2014 et organisé un référendum pour une nouvelle constitution. Il a gouverné par décrets-lois, promulguant 81 décrets-lois et 104 décrets présidentiels en 2022, ce qui a renforcé la concentration des pouvoirs. Malgré un rétrécissement de l’espace civique dénoncé par la société civile, Kaïs Saïed a été réélu avec 90,7 % des voix le 6 octobre 2024, lors d’une élection critiquée pour son manque de légitimité, avec l’élimination de candidats potentiels et un taux d’abstention record de 28,8 %. S’estimant légitimé, le président Saïed a intensifié la répression des voix dissidentes, avec de nombreux opposants emprisonnés, tout en continuant de promettre de « nettoyer » le pays des corrompus.

Le décret-loi 54 : une arme de répression pour faire taire les voix dissonantes

Le décret-loi 54, promulgué en septembre 2022 par le président Kaïs Saïed, impose des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison pour la diffusion de « fausses informations » sur les réseaux d’information et de communication. Cependant, dans la pratique, ce texte a été utilisé pour cibler des journalistes, des avocats et des personnalités de la société civile qui osent critiquer le pouvoir en place. Les récentes arrestations de figures médiatiques, telles que les journalistes Borhen Bssais et Mourad Zeghidi, illustrent comment ce décret est devenu un outil pour restreindre la liberté d’expression et faire taire les voix dissonantes. Des experts et des journalistes soulignent que ce décret vise à instaurer un climat de peur, rendant la critique du gouvernement presque impossible. Selon le Syndicat national des journalistes tunisiens, depuis son entrée en vigueur, plus de 60 journalistes, avocats et membres de l’opposition ont été poursuivis ou condamnés en vertu de ce texte. De plus, le décret a été critiqué par les Nations unies et les défenseurs des droits pour son interprétation large, qui a entraîné des poursuites répétées contre ces mêmes groupes.

Une abrogation demandée par le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et la société civile

Face à l’utilisation abusive du décret-loi 54, les appels à son abrogation se multiplient, tant au sein du corps judiciaire que de la société civile. Des manifestations ont eu lieu pour dénoncer les arrestations et les atteintes aux droits fondamentaux. Le 16 mai 2024, des avocats tunisiens ont manifesté devant le palais de justice de Tunis pour protester contre les arrestations arbitraires de leurs confrères. Le président du Syndicat national des journalistes tunisiens a souligné la nécessité de réviser ce décret, perçu comme un outil d’oppression. De plus, 40 députés ont déposé une demande de révision au Parlement le 22 décembre 2024, mais celle-ci a été entravée par le président de la Chambre. Les acteurs politiques et médiatiques appellent à une solidarité accrue afin de restaurer les libertés fondamentales et de garantir un espace de dialogue ouvert et démocratique.

Appel à l’action

L’ACAT-France appelle à la libération inconditionnelle de Sonia Dahmani et de tous les prisonniers d’opinion en Tunisie. Cette situation est une violation de la liberté d’expression et témoigne d’une répression croissante qui menace les acquis de la Révolution de 2011. L’organisation exprime sa vive inquiétude face à la dégradation des droits humains et des libertés fondamentales dans le pays. Elle rappelle que la liberté d’expression, la liberté d’association, l’indépendance de la justice et les droits de la défense sont des principes protégés par la constitution tunisienne et les conventions des Nations unies ratifiées par la Tunisie.

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