Mario Gómez López et Pascuala López López sont un couple de défenseurs des droits appartenant à la communauté maya Tsotsil. Ils dénoncent la présence de groupes criminels dans leur communauté du Chiapas, ainsi que l’incurie des autorités locales, tout en exigeant que justice soit faite pour leur fils, Mateo, assassiné le 3 février 2020. En raison de leur engagement, Mario et Pascuala ont été victimes d’intimidations, de menaces et d’une tentative d’assassinat. Le 24 janvier 2025, Mario a été arrêté par la police municipale de San Cristóbal de las Casas et privé de liberté dans une prison où des cas de torture et des mauvais traitements ont été signalés, sans qu’il ne soit informé des raisons de sa détention. Il a été libéré de prison mais pas innocenté et est actuellement assigné à résidence.
Mario Gómez López, défenseur autochtone accusé d’avoir troublé la paix
Défenseur des droits de la communauté Tsotsil, maçon vivant à quelques kilomètres de San Cristóbal de las Casas, Mario Gómez López lutte pour les droits des populations autochtones face aux groupes armés qui se disputent les territoires du Chiapas. Il a participé à de nombreuses manifestations pour la paix et la sécurité ainsi qu’aux actions exigeant justice pour son fils assassiné. Alors qu’il se rendait au travail, Mario a été arrête le 24 janvier 2025 par des policiers municipaux de San Cristóbal de las Casas. Il a ensuite été mis à disposition de la police fédérale et transféré vers le centre de détention « El Amate ». Il est accusé d’avoir troublé la paix ainsi que l’intégrité physique et matérielle de la communauté et de l’État. Comme le soulignent les dizaines d’ONG, associations et syndicats ayant dénoncé son arrestation, il s’agit de délits éminemment politiques, pouvant être utilisés pour criminaliser les défenseurs des droits au Mexique. Mario est notamment accusé d’avoir participé à l’incendie volontaire de plusieurs maisons le 17 avril 2023, dans la communauté de Santa Cruz. Or, non seulement Mario n’était pas présent lors des incendies, mais la maison qu’il habite avec Pascuala fait partie de celles touchées. Malgré cet état de fait, Mario est assigné à résidence et reste toujours mis en cause.
Une famille et une communauté résistant à la mainmise de la délinquance organisée
Cela fait plus de cinq ans que Mario, Pascuala et plusieurs autres membres de la communauté Cuxtitalli el Pinar dénoncent l’incursion d’un groupe armé visant à contrôler le territoire en usurpant des terres indigènes, en recrutant de force des jeunes et en menaçant celles et ceux qui s’y opposent. Mateo, leur fils adolescent, a été tué par balle en février 2020, un mois après avoir refusé de rejoindre le groupe criminel. Depuis, Mario et Pascuala dénoncent non seulement les tentatives de dépossession de leur communauté mais aussi la lenteur des investigations et l’indifférence du gouvernement de l’État du Chiapas. Pascuala accuse même l’un des représentants du Bureau du Procureur de Justice Indigène de l’avoir menacée, en affirmant qu’elle pourrait subir le même sort que son fils.
Refusant le statu quo de contrôle criminel et d’incurie politique, le combat de Mario et Pascuala relève autant du personnel, l’exigence de justice pour le meurtre de leur enfant, que du collectif, la lutte pour le respect des droits des peuples indigènes au Mexique. Tel est le cas pour de nombreux défenseurs, victimes d’incessantes violations des droits humains visant à faire taire leurs revendications politiques. À ce titre, Mario, Pascuala, et deux autres membres de leur famille, sont bénéficiaires de mesures de protection octroyées en janvier 2023 par la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH).
Contexte
L’État du Chiapas, un désastre humanitaire
Berceau de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), comptant le taux de pauvreté le plus élevé du Mexique, l’État du Chiapas connaît une escalade de la violence couplée d’impunité. Les déplacements, les disparitions forcées, la dépossession de terres, les assassinats et les cas de torture sont quotidiens. Le Centre de Droits Humains Fray Bartolomé de las Casas, partenaire de l’ACAT-France, rappelle dans son récent rapport Chiapas, dans la spirale de la violence armée et criminelle que ces violences visent à « contrôler la vie sociale, économique et politique des communautés par la stratégie de la terreur, afin de réduire au silence toute possibilité de mouvement social et d’autogestion du territoire ».
Alors que les déplacements forcés dans l’État ont augmenté de 358% entre 2019 et 2023, l’ancien Président des États-Unis mexicains, Andrés Manuel López Obrador a longtemps minoré l’ampleur du problème au Chiapas, questionnant même les chiffres officiels. Sa successeure, Claudia Sheinbaum semble reconnaître la problématique et prône une stratégie de sécurité articulée entre le niveau fédéral et le gouvernement local. Mais un nouveau groupe policier, la Force de Réaction Immédiate Pakal (FRIP), créé par le gouverneur de l’État et destiné à combattre l’insécurité, inquiète déjà les organisations de la société civile pour son potentiel usage dans la répression des mouvements sociaux.
Appel à l’action
Le 25 janvier 2025, Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains s’est prononcée pour la libération de Mario Gómez López. Il a été libéré mais reste pourtant criminalisé car les charges retenues contre lui n’ont pas été abandonnées. Alors qu’un projet de loi sur les peuples indigènes et afro mexicains entame sa phase de consultation et représente un espoir de reconnaissance et de protection de leurs droits, l’ACAT-France appelle à l’arrêt de l’acharnement judiciaire contre Mario Gómez López, défenseur autochtone. Nous appelons également à la mise en œuvre des mesures de protection sollicitées par la CIDH en janvier 2023 afin d’assurer la sécurité de Mario, Pascuala et des membres de leur famille.