Le 4 juin 2025, Estela Hernández Jiménez, défenseure autochtone a été arrêtée et détenue arbitrairement par des éléments de la Police de l’État de Querétaro (POES) alors qu’elle documentait l’arrestation de quatre habitants de la communauté de Santiago Mexquititlán. Pendant sa détention qui a duré plusieurs heures, la militante dénonce avoir été victime d’agressions physiques et sexuelles de la part des agents des forces de l’ordre, y compris des tirages de cheveux et des coups de pied à diverses parties intimes du corps.
Qui est Estela Hernández Jiménez ?
Estela Hernández Jiménez est une défenseure des droits des peuples autochtones appartenant à la communauté hñähñu, également appelée otomí au Mexique. Professeure des écoles, docteure en pédagogie, membre du Congrès National Indigène et du Conseil Autonome de Santiago Mexquititlán, Estela est une militante autochtone qui s’est fait connaître pour la défense de sa mère, Jacinta Francisco Marcial, ainsi que de deux autres femmes hñähñu injustement arrêtées, accusées et condamnées pour l’enlèvement de six membres de l’Agence Fédérale d’Investigation en 2006. En 2017, le Bureau du Procureur Général de la République a officiellement présenté ses excuses aux trois femmes, et Estela Hernández a prononcé un discours emblématique sur les conditions de marginalisation des peuples autochtones au Mexique. Elle y rappelait la lutte pour la libération de ces femmes, autochtones, défavorisées et donc triplement discriminées. La phrase « Jusqu’à ce que la dignité devienne une habitude. » est devenue le mot d’ordre des luttes autochtones au Mexique, faisant d’ Estela Hernández, un symbole.
Estela Hernández Jiménez : une Femme en lutte pour l’Eau et la Justice
Originaire de Santiago Mexquititlán, dans l’État de Querétaro, la défenseure autochtone se mobilise depuis plusieurs années contre la privatisation de l’eau et pour la défense d’un puits communautaire construit il y a plus de 50 ans. Le 4 juin 2025, Estela et plusieurs autres défenseurs se trouvaient dans les locaux du Système National pour le Développement Intégral de la Famille (DIF) de la ville d’Amealco pour documenter et exiger la libération de six défenseurs de l’eau. Estela Hernández a alors été détenue arbitrairement pendant plusieurs heures. Elle déclare avoir été victime d’insultes à caractère raciste et misogyne et d’agressions physiques et sexuelles : tirée par les cheveux et frappée par plusieurs policiers visant les parties intimes de son corps.
Le 6 juin, le ministre de l’Intérieur de l’État de Querétaro a déclaré que la militante avait été arrêtée pour des troubles à l’ordre public et qu’aucune plainte n’avait été reçue concernant les policiers. Affirmant que les sujets concernant les peuples autochtones sont « très sensibles », il a invité les détenus à une table de concertation et a précisé que les policiers mis en cause pourraient être soumis à une procédure interne si les faits dénoncés étaient démontrés. La Defensoría de Derechos Humanos de Querétaro, équivalent du Défenseur des Droits au niveau local, a, quant à elle, annoncé l’ouverture d’une enquête pour détentions arbitraires et usage excessif de la force. Depuis l’arrestation du 4 juin, Estela Hernández déclare être victime d’une campagne de diffamation de la part des autorités municipales et d’actes de harcèlement au travail.
La communauté de Santiago Mexquititlán: symbole de résistance contre la privatisation de l’eau
Santiago Mexquititlán est un village appartenant à la municipalité d’Amealco, dans l’État de Querétaro, qui connait un stress hydrique depuis plusieurs années. La mobilisation commence en 2021 lorsque ses habitants constatent que des camions-citernes privés pompent l’eau de leur puits communautaire, alors qu’ils font face à d’importantes restrictions d’accès à cette ressource. Lorsqu’ils confrontent la Commission de l’Eau de l’État de Querétaro, celle-ci déclare ignorer la provenance des camions-citernes. Les habitants s’organisent alors pour surveiller le puits et empêcher l’extraction illégale d’eau. Depuis, plusieurs défenseurs ont été détenus arbitrairement, notamment en 2021, et les femmes défenseures, dont Estela et sa sœur Sara, dénoncent des menaces et intimidations de la part des autorités.
Les défenseurs de Santiago Mexquititlán sont aujourd’hui rassemblés au sein du Conseil Autonome de Santiago Mexquititlán afin de lutter contre ce qu’ils perçoivent comme la privatisation d’une ressource naturelle. Ils organisent des manifestations, des conférences et des assemblées pour dénoncer la déprédation de leurs ressources et exiger une gestion autonome et communautaire du puits.
CONTEXTE
En juillet, lors de l’examen du Mexique par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, les experts du comité ont formulé 90 recommandations sur la crise des droits des femmes dans le pays. Le comité a alerté sur l’augmentation des violences basées sur le genre, perpétrées tant par des acteurs gouvernementaux que non-gouvernementaux, et a souligné l’absence d’approche genre dans les protocoles d’enquête sur ces violences. Au sujet des défenseures, le Comité a exprimé de vives inquiétudes face au nombre alarmant de militantes et de journalistes assassinées, disparues et agressées. En effet, en 2024, le Mexique était le deuxième pays au monde le plus dangereux pour les défenseurs des droits, selon l’analyse globale 2024-2025 de l’ONG Frontline Defenders.
Aux violences sexistes identifiées par le Comité, que de nombreuses organisations sociales qualifient de systémiques, s’ajoutent les violences subies par les défenseures ainsi que la marginalisation et la discrimination dont souffrent les communautés autochtones au Mexique, surreprésentés parmi les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.
L’identité de genre, la défense du droit à la terre et au territoire ainsi que l’appartenance à une communauté autochtone créent un véritable millefeuille de discriminations pour des femmes comme Estela Hernández Jiménez.
Appel à l’action
En septembre 2024, le Mexique a réformé l’article 2 de sa Constitution pour y consacrer de nombreux droits des peuples autochtones, notamment leur droit à la consultation préalable. Parallèlement, un projet de Loi Générale sur les Droits des Peuples Autochtones et Afro-mexicains est également en cours d’élaboration, et l’année 2025 a été proclamée Année de la Femme Indigène au Mexique. C’est la raison pour laquelle, nous appelons les autorités locales à enquêter sur les violences subies par Estela Hernández Jiménez, afin qu’elle puisse poursuivre ses activités de défense de l’environnement sans crainte de représailles.