Innocent Bahati est un poète rwandais né en 1989. Ses œuvres traitent de questions sociales et des droits humains. Assistant pédagogique à la Green Hills Academy de Kigali, il a commencé à publier ses poèmes en 2013, abordant des thèmes tels que la pauvreté et les défis sociétaux. En 2016, il remporte le concours « Kigali vibrates with poetry » avec son poème « Rubebe », qui raconte les lamentations d’un jeune orphelin s’adressant à Dieu.
En 2017, après avoir critiqué sur Facebook la décision gouvernementale de déplacer le campus de l’Institut supérieur pédagogique de Kigali à Rukara, dans l’est du pays, Innocent Bahati disparaît. Il réapparaît trois mois plus tard, libéré de détention à la suite d’une ordonnance d’un tribunal. Pendant ces trois mois, il avait été emprisonné, sans inculpation, au secret, dans un poste de police.
Le 7 février 2021, il disparaît à nouveau subitement alors qu’il se trouve dans le district de Nyanza. Deux jours plus tard, ses proches signalent sa disparition au Rwanda Investigation Bureau (RIB), qui ouvre une enquête. Dans sa dernière composition poétique, publiée le 10 janvier 2021 et intitulée Mfungurira (« Nourris-moi »), Innocent Bahati évoquait la situation difficile des jeunes diplômés au chômage.
Au Rwanda, toute critique publique pouvant toucher les autorités peut être considérée comme une forme de dissidence et est durement réprimée par les organes de sécurité.
En février 2022, à la suite de la publication d’une lettre ouverte demandant des actions concrètes pour retrouver le poète, signée par plus de 300 écrivains du monde entier, les autorités rwandaises déclarent qu’Innocent Bahati aurait quitté le Rwanda pour l’Ouganda, où il aurait eu des contacts avec des groupes « anti Rwanda ».
Plus de quatre ans après sa disparition, Innocent Bahati reste introuvable. Les autorités n’ont jamais fourni d’informations complémentaires concernant son sort, ni publié le rapport d’enquête promis par le RIB. Dans le cas où Innocent Bahati aurait fui vers l’Ouganda, pourquoi aucun de ses proches n’a-t-il reçu, depuis plus de quatre ans, de ses nouvelles ? Qui seraient ces groupes « anti Rwanda » qu’Innocent Bahati aurait rejoints en Ouganda ? Quelles démarches les autorités rwandaises ont-elles entreprises auprès de leurs homologues ougandais pour le retrouver ?
Autant de questions sans réponses. Tout sujet portant sur des cas de disparitions forcées de personnes considérées comme dissidentes est tabou dans la société rwandaise, soumise à de fortes restrictions en matière de liberté d’expression.