Varisheh Moradi, fervente militante des droits des femmes en Iran et activiste politique kurde, a été condamnée à la peine capitale par la 15e branche du Tribunal révolutionnaire de Téhéran pour « rébellion armée contre l’État », d’après les déclarations de ses avocats faites le dimanche 10 novembre. Selon ses propres mots, son unique « crime » réside dans son engagement envers la société. La décision a été prononcée par le juge Abolqasem Salavati, surnommé « le juge de la mort ». Cette sentence tragique intervient 466 jours après son arrestation par les forces de sécurité iraniennes, dans un contexte de répression où le régime des mollahs s’efforce de faire taire toutes les voix dissidentes.
Qui est Varisheh Moradi ?
Varisheh Moradi, militante politique kurde et défenseure des droits des femmes, est originaire de la ville de Sanandaj, dans la région iranienne du Kurdistan. Elle est également membre de la Société des Femmes Kurdes pour la Liberté (KJAR) et de la Communauté des Femmes Libres du Kurdistan Oriental (KJAR). Elle se décrit elle-même comme « une personne qui a travaillé pour transformer la société et donner un sens à la vie, et qui se tient en solidarité avec les femmes et tous les peuples opprimés. » Varisheh Moradi a été arrêtée par des agents de sécurité iraniens, le 1er août 2023 alors qu’elle se déplaçait de Marivan à Sanandaj. Ses avocats n’ont pas pu avoir accès à son dossier pour pouvoir la défendre, car elle est accusée par l’autorité judiciaire iranienne, contrôlée par des ultraconservateurs, d’être membre du Parti pour une Vie Libre au Kurdistan (PJAK), une organisation politique armée.
Un récit détaillé des faits dans une « lettre au public »
En août dernier, Varisheh Moradi a rédigé sa déclaration de défense ainsi qu’une lettre au public, demandant au monde de la juger, elle et ses activités, à la lumière de la justice sociale. Dans une partie de cette lettre, elle déclare : « L’État Islamique nous décapite et le régime iranien nous pend. » Elle a ajouté : « Aucune connaissance politique ou juridique ne peut résoudre ce paradoxe. Alors restons éveillés. »
Elle fait également un récit précis des faits et nous raconte avoir été arrêtée le 31 juillet 2023 au poste de contrôle de Sanandaj-Kamyaran, par les forces du ministère des Renseignements. Son arrestation, dit-elle, a été marquée par une violence extrême : des coups de feu ont été tirés, les vitres de son véhicule ont été brisées, et elle a subi des agressions physiques ainsi que des tortures. Pendant 13 jours, elle a été soumise à des interrogatoires en isolement, où elle a enduré une guerre psychologique, des humiliations et des pressions intenses, le tout à l’abri des caméras pour dissimuler les abus. Varisheh a été confrontée à des questions dégradantes, où ses interrogateurs l’ont traitée de « sauvage » et lui ont demandé pourquoi elle ne pleurait pas, lui faisant ressentir une profonde déshumanisation. Par la suite, elle affirme avoir été transférée au pavillon 209 de la prison d’Evin, où elle a continué à subir des mois d’interrogatoires sous une pression énorme, incluant des menaces d’assassinat et des tentatives d’obtenir des aveux forcés. Son état de santé s’est détérioré, avec des maux de tête sévères, des saignements de nez et des douleurs persistantes au cou et au dos. Le 26 décembre 2023, Varisheh a été transférée dans le quartier des femmes d’Evin.
Le 9 avril 2024, elle a été officiellement inculpée par la branche 15 du tribunal révolutionnaire de Téhéran pour « appartenance à des groupes d’opposition » et « rébellion armée ». Durant sa détention préventive d’un an, Varisheh affirme n’avoir pu recevoir la visite de sa famille que pendant trois mois et demi. Le reste du temps, elle a été maintenue dans des conditions proches de l’isolement. Entre le 15 et le 17 mai 2024, elle a été qualifiée de terroriste, sans que son passé ne soit pris en compte. Au cours des derniers mois, Varisheh a été confrontée à de nouvelles accusations sans fondement, à des interrogatoires coercitifs, à des humiliations et à des menaces d’exécution. Elle n’a pas eu accès à ses avocats ni à son dossier, et ses droits de contact ont été restreints. En réfléchissant à son parcours, elle proclame rester fidèle à ses convictions, déclarant qu’elle n’a jamais causé de préjudice à autrui. Son seul « crime », selon ses mots, est son sens des responsabilités envers la société. Les organisations de défense des droits humains, telles qu’Iran Human Rights, ont appelé à agir de manière urgente face à sa situation.
Le 16 juin 2024, la première audience de son procès s’est tenue à la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, où elle a été accusée de « rébellion armée contre l’État» (baghi) et d’« appartenance à un groupe d’opposition contre le régime ».
Son deuxième procès, prévu pour le 4 août 2024, a été annulé à plusieurs reprises par le juge Abolqasem Salavati, mais a finalement eu lieu le 5 octobre. Lors de cette audience, des organisations de défense des droits humains comme Iran Human Rights Monitor ont rapporté que le juge n’a pas autorisé ses avocats à défendre leur cliente, ce qui a été considéré comme une violation des droits des accusés. Le 10 octobre 2024, coïncidant avec la « Journée mondiale contre la peine de mort », Varisheh Moradi a entamé une nouvelle grève de la faim de 20 jours pour protester contre les condamnations à mort prononcées par le régime iranien. Le 10 novembre 2024, sa peine de mort a été officiellement communiquée à ses avocats. Varisheh Moradi est la troisième activiste et militante des droits des femmes, condamnée à mort pour des accusations de « baghi» en 2024. Le 4 juillet, Sharifeh Mohammadi a été condamnée à mort par la Première Chambre du Tribunal révolutionnaire de Rasht, tandis que Pakhshan Azizi a reçu sa sentence de la Chambre 26 du Tribunal révolutionnaire de Téhéran, le 23 juillet 2024. Cette condamnation à mort est inacceptable, car Varisheh Moradi n’est pas une terroriste, mais une défenseure des droits. C’est pourquoi nous devons faire front contre l’injustice, la répression et la terreur des mollahs.
Contexte
Depuis sa création le 1er avril 1979, la République islamique d’Iran repose sur une double légitimité, à la fois religieuse et populaire. La charia, ou loi islamique, y est appliquée, et les institutions publiques fonctionnent selon le principe du jurisconsulte (velayat-e faqih). Cela signifie que, conformément à la constitution iranienne, toutes les entités, qu’elles soient médiatiques, militaires, politiques ou judiciaires, sont placées sous l’autorité du Guide suprême. Dès les débuts du régime, sous la direction de l’Ayatollah Khomeini, des milliers de prisonniers politiques ont été exécutés. Aujourd’hui, sous l’Ayatollah Khamenei, qui a pris la relève en tant que Guide suprême en juin 1989, l’Iran est tristement célèbre pour ses violations systématiques et massives des droits de l’homme. Le pays se classe au deuxième rang mondial en matière d’exécutions, et la torture y est pratiquée de manière systématique. Le système judiciaire est fortement contrôlé, rendant le droit à un procès équitable presque inexistant. Depuis l’instauration du régime, les autorités iraniennes ont régulièrement arrêté, torturé, emprisonné et exécuté des militants civils et politiques, y compris des femmes, qui osent critiquer le gouvernement.
« Femme, Vie, Liberté » : un mouvement de résistance contre l’oppression
L’assassinat de Mahsa Amini en septembre 2022, survenu après qu’elle ait été battue par la police des mœurs pour un hijab mal porté, a marqué un tournant décisif et le début d’un soulèvement généralisé des Iraniens contre le régime. Dès lors, une révolte majeure a éclaté en Iran, donnant naissance au mouvement « Femme, Vie, Liberté ». Ce combat citoyen, centré sur les droits des femmes, s’est progressivement transformé en une contestation antigouvernementale, dénonçant les violations des droits humains et appelant à la fin du régime autoritaire. En réponse, la République islamique a intensifié la répression, en multipliant les arrestations et les violences, une tendance qui se poursuit encore aujourd’hui.
Depuis le début des manifestations, selon un décompte d’Amnesty International, plusieurs centaines de personnes ont été tuées et des milliers arrêtées en Iran en deux ans, tandis que dix Iraniens ont été exécutés en lien avec le soulèvement. Au cours des dix premiers mois de 2024, au moins 651 personnes ont été exécutées en Iran, selon Iran Human Rights (IHRNGO). Le régime islamique a procédé à 166 exécutions en octobre 2024, le nombre le plus élevé enregistré en un seul mois depuis que l’IHRNGO a commencé à documenter les exécutions en 2007. Parmi les exécutés, on compte 13 ressortissants afghans, six femmes, ainsi que Jamshid Sharmahd, un dissident irano-allemand enlevé aux Émirats arabes unis et condamné à mort après un procès injuste. Ces exécutions s’inscrivent dans un contexte de répression sévère, transformant les prisons iraniennes en véritables lieux de massacre.
Une guerre implacable contre les femmes
En Iran, la discrimination à l’égard des femmes est systématiquement instaurée par des lois misogynes, mises en place lors de la création de la République islamique en 1979 par l’Ayatollah Khomeini, qui était souvent qualifié par ses opposants de « voleur de la révolution du peuple ». Le régime des mollahs a conduit à une régression des droits pour les femmes, imposant des restrictions telles que l’interdiction de se déplacer sans l’autorisation de leur mari et l’accès limité à certaines filières d’études. Malgré cette oppression, les femmes iraniennes jouent un rôle crucial dans la révolution actuelle, devenant ainsi le symbole de la lutte pour la liberté. Selon le rapport annuel 2024 de la Commission des femmes des Nations Unies et le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) dirigé par Maryam Radjavi, les femmes ont subi une intensification de la répression par rapport à l’année précédente en Iran.
Dans sa volonté de réprimer le mouvement en faveur des droits des femmes, qui s’est intensifié avec le mouvement « Femme, Vie, Liberté », les autorités iraniennes ont lancé en avril 2024 une nouvelle initiative nationale nommée « Plan Noor ». Cette campagne a entraîné une augmentation significative des patrouilles de sécurité dans les espaces publics, que ce soit à pied, à moto, en voiture ou en fourgon, afin de faire respecter le port obligatoire du voile. Les méthodes de répression incluent des courses-poursuites dangereuses pour intercepter les conductrices, des saisies massives de véhicules, des incarcérations, ainsi que des sanctions telles que la flagellation et d’autres traitements jugés cruels, inhumains ou dégradants. Malgré ce climat de terreur, la résistance populaire se poursuit. Le 2 novembre 2024, une vidéo d’une étudiante en sous-vêtements devant la prestigieuse université islamique Azad à Téhéran a fait le tour du monde. Selon des groupes militants et des organisations de la société civile, la jeune femme s’est déshabillée en signe de protestation après avoir été harcelée par des agents de l’université pour non-respect du code vestimentaire islamique. Le régime iranien quant à lui prétend qu’elle est folle et l’a enfermée dans un hôpital psychiatrique, une sentence souvent réservée aux femmes qui s’opposent. Cet acte courageux illustre la détermination du mouvement, qui est devenu un symbole d’espoir et de liberté pour les femmes iraniennes.
La répression frappe particulièrement, les minorités ethniques et religieuses
Les minorités ethniques et religieuses en Iran sont particulièrement touchées et de manière disproportionnée par la répression gouvernementale. Un rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République islamique d’Iran, publié par le Conseil des Droits de l’homme de l’ONU le 5 août 2024, met en lumière la répression sévère subie par les minorités ethniques et religieuses, notamment les Kurdes et les Baloutches, depuis le début des manifestations en 2022. Ce document souligne des violations graves des droits humains, telles que des homicides, des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires et des actes de torture, qui touchent particulièrement les femmes et les enfants de ces groupes. Les manifestations, déclenchées par la mort de Jina Mahsa Amini, ont exacerbé des discriminations déjà existantes, entraînant des préjudices durables au sein des communautés minoritaires. Le rapport appelle à des mesures de réparation et de responsabilité pour garantir les droits des victimes, tout en notant l’absence d’enquêtes significatives contre les responsables des violations.
Il est essentiel de mettre un terme à la machine d’exécution qui s’est intensifiée en Iran et d’empêcher le régime de poursuivre ces actes. La communauté internationale doit réagir face à l’augmentation des exécutions et se mobiliser pour soutenir le peuple iranien, dans sa lutte pour la justice et la dignité. Il est donc crucial de dénoncer les violations des droits humains et de s’unir pour faire entendre le cri de liberté des Iraniens. Ensemble, œuvrons pour un avenir où la justice et les droits fondamentaux sont respectés pour tous.