RDC : LA SOCIÉTÉ CIVILE RESTE MOBILISÉE
Cela fait trente ans que la société civile congolaise se mobilise pour documenter les violations des droits humains commises dans le pays, les dénoncer de manière publique et appeler à ce que les responsables soient jugés et condamnés. Hélas, à ce jour, les victimes n'ont jamais obtenu justice ni réparation. En octobre 2010, quand le rapport Mapping est rendu public par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), de nombreuses voix au sein de la société se font entendre pour que les autorités appliquent les recommandations édictées dans le document. Durant plusieurs années, la société civile – avec l'appui d’ONG internationales – s’engage dans un plaidoyer pour la mise en place en RDC d'un tribunal spécialisé mixte ayant mandat de juger les responsables de crimes graves. Le président d’alors, Joseph Kabila, accepte publiquement l’idée d’un tel tribunal, mais dans les faits, son gouvernement et les élus de son parti – majoritaires à l’Assemblée nationale – ne donnent pas suite et les blocages se multiplient. Il en est de même au niveau international, où les Nations unies sacrifient leur rapport Mapping sous la pression d’États membres. Cinq ans après, face à cet immobilisme patent, la société civile congolaise réduit sa mobilisation autour du rapport et consacre davantage ses moyens à la documentation et la dénonciation des violations des droits humains plus récentes.
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UN RAPPORT MÉCONNU DE LA SOCIÉTÉ, INSTRUMENTALISÉ PAR LE POUVOIR
Aujourd’hui, dix ans après sa publication, le rapport Mapping ressemble à un document oublié du grand public en RDC comme dans les pays voisins, dont les armées et les rébellions ont combattu sur le sol congolais entre 1993 et 2003, et commis des exactions contre des populations civiles. À l’inverse, les souffrances générées par les massacres décrits dans le rapport continuent de hanter les victimes et leurs proches.
La promotion du rapport Mapping vient aujourd’hui principalement du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, de quelques associations et chercheurs qui gravitent autour de lui et surtout de membres de la diaspora congolaise et d’opposants politiques, dont les analyses sont bien souvent partisanes et non dénuées d’intérêts politiques. À cela s’ajoutent les détracteurs rwandais au pouvoir en place à Kigali, dont certains négationnistes du génocide de 1994, qui utilisent le rapport Mapping dans le but d’attaquer le président Paul Kagame et le Front patriotique rwandais (FPR), les accusant de génocide des Hutus en RDC sur le fondement d’une seule partie du texte. Sur les réseaux sociaux, le rapport Mapping est clairement utilisé par la majorité pour critiquer les autorités en place au Rwanda et en RDC, et non pour servir une quête de vérité et de justice pour les victimes. Le soutien au rapport pourrait donc poser question face à son instrumentalisation politique. Mais à l’ACAT-France, nous pensons, comme le docteur Denis Mukwege, qu’il ne faut pas le laisser aux mains de ceux qui l’utilisent pour des raisons politiques mais bien au contraire remettre les victimes au centre des priorités et de nos actions. Ces victimes sont multiples, de même que leurs bourreaux.
UNE SOCIÉTÉ CIVILE EN PRISE AVEC LA SITUATION ACTUELLE
Les associations congolaises de défense des droits humains, tout comme les mouvements citoyens de jeunes Congolais – particulièrement actifs en RDC, comme La Lucha ou Filimbi –, font de la lutte contre l’impunité l’une de leurs préoccupations majeures dans leurs plans d’actions et affirment soutenir le rapport Mapping dans une perspective de poursuite judiciaire des responsables. Pour autant, ils ne semblent pas avoir mis en place de stratégies bien définies sur cette période 1993-2003. Il en va de même du côté des ONG internationales, du fait peut-être que ce rapport soit sujet à polémique.
Dix ans après sa publication, force est de constater que ce document a besoin d’être soutenu pour ce qu’il est : un premier outil au service de la quête de vérité et de justice pour que ne se répètent pas les exactions perpétrées en RDC comme ailleurs dans les Grands Lacs. En effet, plusieurs responsables des crimes mentionnés dans le rapport continuent à bénéficier en toute impunité de positions militaires et politiques importantes.