Paris, le 2 décembre 2025.
L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) exprime sa profonde préoccupation à la suite du décès en détention d’Anicet Ekane, figure de l’opposition camerounaise, le 1er décembre 2025 à Yaoundé. L’ACAT-France demande une enquête indépendante, impartiale et transparente afin d’établir les circonstances exactes du décès.
Alors qu’il était sous la responsabilité de l’État camerounais, le décès d’Anicet Ekane intervient dans un contexte de crise postélectorale particulièrement tendue, marqué par la réélection contestée par l’opposition, du Président Paul Biya et par une répression de grande ampleur. Selon le Collectif Défense citoyenne, près de 2 500 personnes ont été arrêtées depuis la présidentielle du 12 octobre 2025.
Un cas de répression emblématique
Président du parti d’opposition Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), Anicet Ekane a été arrêté le 24 octobre 2025 au siège du parti à Douala, puis transféré au Secrétariat d’État à la Défense (SED), un centre de détention placé sous l’autorité de la gendarmerie nationale. Il était accusé d’« hostilité envers la patrie, de révolution, d’incitation à la révolte et d’appel à l’insurrection », des chefs passibles de la peine capitale. Ces accusations apparaissaient toutefois infondées selon sa défense. Son dossier était vide et son arrestation constituait une mesure de représailles liée à son soutien public à l’opposant Issa Tchiroma Bakary et à sa dénonciation des fraudes électorales. Durant un mois de détention, Anicet Ekane n’a jamais été présenté à un juge ni formellement inculpé.
Les conditions de détention d’Anicet Ekane au SED étaient particulièrement sévères. Âgé de 74 ans, il souffrait de pathologies cardiaques et respiratoires nécessitant une prise en charge médicale continue. Or, les autorités avaient confisqué son extracteur d’oxygène et d’autres équipements médicaux, pourtant vitaux. Le 15 novembre, le cabinet de Maître Hippolyte Meli Tiakouang avait sollicité en vain leur restitution immédiate. Le Manidem avait, le 21 novembre, alerté publiquement sur la dangerosité de la situation, dénonçant une menace grave pour la vie de son leader. Le ministère de la Défense avait alors assuré qu’Anicet Ekane recevait un traitement approprié en détention.
Le décès d’Anicet Ekane est survenu peu après une prise en charge médicale tardive, alors qu’aucune hospitalisation dans un établissement spécialisé n’avait été accordée jusque-là.
Dans son communiqué du 1er décembre 2025, le ministère de la Défense a confirmé le décès et annoncé l’ouverture d’une enquête pour établir les circonstances de sa mort. Pour l’ACAT-France, les éléments déjà documentés sur la privation de soins, la confiscation d’équipements médicaux et la non-prise en charge spécialisée constituent des facteurs centraux qui devront impérativement être examinés dans le cadre de cette enquête.
Identifier et sanctionner les responsables
En droit international, tout décès en détention est présumé suspect, car la personne est sous le contrôle exclusif des autorités. Le refus ou la négligence de prodiguer des soins médicaux appropriés à une personne vulnérable en détention peut potentiellement être assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens du droit international.
L’ACAT-France appelle par conséquent à ce qu’une enquête indépendante, impartiale et transparente soit menée afin d’établir les circonstances exactes du décès d’Anicet Ekane. Nous demandons que toutes les responsabilités individuelles ou collectives soient identifiées dans cette affaire et que les auteurs d’éventuelles fautes soient pénalement sanctionnés.
Nous exhortons les autorités camerounaises à garantir, sans délai, l’accès aux soins médicaux appropriés pour tous les détenus, et appelons à la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes arrêtées arbitrairement dans le cadre de la répression postélectorale d’octobre 2025, simplement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression.
Enfin, l’ACAT-France invite la communauté internationale, en particulier l’Union européenne et la France, à se prononcer sur les violences postélectorales au Cameroun, afin que cesse la répression systématique des voix dissidentes au Cameroun.