• Appel à mobilisation

Thaïlande : Soutenons Chonthicha Jangrew, « Lookkate », militante pro-démocratie, condamnée une fois de plus, pour crime de lèse-majesté.

  • Justice et impunité

Mobilisons-nous pour exiger l’annulation de la condamnation de Lookkate et la fin de son harcèlement judiciaire

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale à Son Excellence Monsieur Anutin Charnvirakul, Premier ministre de Thaïlande.

Le 30 septembre 2025, Chonthicha Jangrew, défenseure des droits, activiste pro-démocratie de premier plan et députée du Parti du Peuple, a vu sa condamnation pour des infractions au titre de l’article 112 du Code pénal (« lèse-majesté ») et de l’article 14, paragraphe 3, de la loi sur la cybercriminalité, confirmée par le tribunal pénal de Bangkok et par la cour d’appel de Thaïlande. Au cours de la procédure d’appel, Chonthicha avait été libérée sous caution ; cependant, il lui est interdit de quitter la Thaïlande sans l’autorisation du tribunal. L’ACAT-France dénonce ce jugement.

Qui est Chonthicha Jangrew ?

Chonthicha Jangrew, communément appelée « Lookkate », est une défenseure des droits humains, co-fondatrice du Mouvement pour la Nouvelle Démocratie et militante engagée pour la démocratie et l’environnement en Thaïlande. Ancienne étudiante en master à l’Institut des Études sur les Droits de l’Homme et la Paix de l’Université Mahidol à Bangkok, elle est reconnue internationalement pour son activisme en faveur des droits humains et de la démocratie.

Lookkate s’est imposée comme une figure de proue parmi les activistes étudiants après le coup d’État militaire de 2014 et la répression qui a suivi, plaidant pour les droits civils et politiques. Le 26 juin 2015, elle faisait partie des 14 étudiants arrêtés par la police après avoir protesté à l’occasion du premier anniversaire du coup d’État militaire thaïlandais, survenu le 22 mai 2014.

Ancienne militante pro-démocratie, Chonthicha est devenue, en 2023, députée du parti Move Forward (Aller de l’avant), qui a terminé en tête des élections législatives de mai 2023. Cependant, ce parti a été écarté du pouvoir par la Cour constitutionnelle thaïlandaise et dissous, accusé d’avoir tenté de renverser la monarchie durant sa campagne électorale, notamment en remettant en cause le crime de lèse-majesté dans son programme. Ce dernier avait fait de la lutte contre l’article 112 du Code pénal (« lèse-majesté ») son cheval de bataille. Actuellement, le Parti Move Forward s’est renommé le Parti du Peuple et siège au parlement. Son slogan officiel est : « Vient du peuple, appartient au peuple, fait pour le peuple. »

En 2024, le magazine TIME a désigné Chonthicha Jangrew comme l’une des « Next Generation Leaders ».

Que lui est-il reproché ?

Depuis 2015, Chonthicha Jangrew est victime d’un harcèlement judiciaire manifeste et d’une criminalisation en raison de son activisme en faveur de la démocratie. Elle a été poursuivie dans environ trente affaires criminelles, fondées sur des accusations politiquement motivées, notamment de lèse-majesté et de sédition.

Le 8 septembre 2025, Chonthicha Jangrew a de nouveau été reconnue coupable d’infractions au titre de l’article 112 du Code pénal (lèse-majesté) et de l’article 14, paragraphe 3, de la loi sur la cybercriminalité par le tribunal pénal de Bangkok. Elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement de quatre ans, qui a été réduite à deux ans et huit mois en raison de « sa coopération jugée utile » dans le cadre de la procédure.

Cette condamnation fait suite à une publication sur son compte Facebook, datée du 8 novembre 2020. Il s’agissait d’un message accompagné du hashtag #RatsadonMessage, contenant une lettre ouverte adressée à la monarchie thaïlandaise, dans le cadre de la campagne « Messages du peuple » orchestrée par le groupe pro-démocratique Free Youth. Dans cette lettre ouverte, adressée au roi Rama X, Chonthicha critiquait le budget royal et abordait des sujets sensibles tels que la résidence du roi en Allemagne, les transferts et budgets militaires, les dépenses royales, ainsi que les promotions de fonctionnaires et de civils. Elle réitérait également les revendications de son mouvement en faveur de réformes de la monarchie.

Le tribunal pénal de Bangkok a jugé que cette publication portait atteinte à la dignité de la monarchie et a ainsi déclaré Chonthicha coupable en vertu de l’article 112 du Code pénal. Son équipe juridique avait immédiatement interjeté appel et formulé une demande de mise en liberté sous caution après la condamnation, son statut de députée étant compromis en cas d’incarcération. À la suite de cette demande, le tribunal pénal de Bangkok a transmis l’affaire à la Cour d’appel, qui a ordonné sa mise en liberté temporaire en attendant l’examen de l’appel, avec une caution fixée à 300 000 THB (environ 7 950 euros).

Ce verdict a été rendu à la suite de sa condamnation dans une autre affaire, en vertu de l’article 112 du Code pénal thaïlandais. En effet, le 27 mai 2024, le tribunal provincial de Thanyaburi l’a condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans pour des déclarations faites lors d’une manifestation pacifique à Thanyaburi, dans la province de Pathum Thani, en septembre 2021, où elle a revendiqué la libération de tous les prisonniers politiques. Elle a été déclarée coupable pour des propos tenus dans son discours, alléguant que le gouvernement de l’époque, dirigé par Prayuth Chan-ocha, avait modifié une loi afin de renforcer les prérogatives du roi Maha Vajiralongkorn. Le jour du prononcé du jugement, Chonthicha a bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté sous caution, sous réserve du versement d’une caution de 150 000 THB (environ 3 778 euros), en attendant l’interposition d’un appel.

Le 30 septembre 2025, la Cour d’appel de Thaïlande a confirmé la condamnation de Chonthicha Jangrew à deux ans d’emprisonnement pour atteinte à la monarchie. Toutefois, la Cour de Bangkok a accédé à sa demande de maintien en liberté sous caution, fixée à 150 000 THB (environ 3 778 euros). Chonthicha a déclaré son intention d’interjeter appel de cette décision devant la Cour suprême. Si sa demande de mise en liberté sous caution avait été rejetée, elle aurait été ipso facto déchue de son mandat de membre élu du Parlement.

La décision de la Cour d’appel, bien que prévisible, met en lumière le caractère profondément conservateur de l’appareil d’État thaïlandais, malgré un changement récent de gouvernement et la position du parti du peuple auquel appartient Chonthicha Jangrew, le principal parti du Parlement. L’establishment politique thaïlandais demeure particulièrement vigilant face à toute menace perçue envers le statut de la monarchie dans le pays.

Contexte

Depuis les grandes manifestations de 2020 et 2021, qui réclamaient une refonte en profondeur de la monarchie en Thaïlande, plusieurs organisations internationales de défense des droits humains, ainsi que les Nations Unies, ont dénoncé l’utilisation abusive de l’article 112 du Code pénal (« lèse-majesté »).

Selon le collectif d’avocats thaïlandais Thai Lawyers for Human Rights (TLHR), plus de 270 personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté depuis 2020.

Dans un rapport daté de septembre 2025, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a exprimé sa profonde préoccupation concernant la violence et le harcèlement judiciaire dont sont victimes les femmes défenseures des droits humains en Thaïlande. Cela inclut la détention préventive prolongée et les accusations criminelles liées à leur engagement en faveur des droits humains. Le CEDAW a exhorté les autorités thaïlandaises à créer un « environnement favorable » permettant aux femmes défenseures des droits humains d’exercer leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Il a également recommandé de modifier les articles 112 (« lèse-majesté ») et 116 (« sédition ») du Code pénal thaïlandais, ainsi que la loi sur la cybercriminalité, afin de prévenir l’utilisation abusive de ces lois à leur encontre.

L’ACAT-France souligne avec une grande inquiétude qu’entre le 19 novembre 2020 et le 1er septembre 2025, 284 personnes, dont de nombreux défenseurs des droits humains et 20 mineurs, ont été accusées en vertu de l’article 112 du Code pénal. Dix-huit d’entre elles sont actuellement détenues en attente de procès ou d’appel, et 11 autres purgent des peines de prison. Le 14 mai 2024, l’activiste de la jeunesse Netiporn « Bung » Sanesangkhom, qui avait été arbitrairement détenu en préventive sous des accusations de « lèse-majesté », est décédé en détention après une grève de la faim prolongée qui avait pris fin en avril 2024.

Appel à l’action

L’ACAT-France condamne fermement la condamnation ainsi que le harcèlement judiciaire continu à l’encontre de Chonthicha Jangrew. Ces actions semblent viser uniquement à la punir pour ses activités légitimes en faveur des droits humains. La Thaïlande, signataire de plusieurs instruments internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ONU, 1966), ratifié en 1996, doit respecter ses obligations internationales, ainsi que l’exercice de ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

L’utilisation abusive du crime de lèse-majesté par la Thaïlande pour étouffer les voix dissidentes constitue une atteinte grave aux libertés fondamentales. L’ACAT-France exhorte les autorités thaïlandaises à engager un débat parlementaire sur des mesures visant à empêcher l’utilisation des accusations de lèse-majesté comme outil politique, ainsi qu’à libérer les activistes et dissidents prodémocratie actuellement détenus dans ce contexte.

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