Le 26 juillet 2023, un coup d’État militaire a renversé le président démocratiquement élu du Niger, Mohamed Bazoum. Depuis cette date, il est maintenu en détention arbitraire au sein de la résidence présidentielle à Niamey, aux côtés de son épouse, dans des conditions dénoncées comme inhumaines. Malgré les appels répétés à sa libération formulés par les des Nations unies, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les autorités militaires refusent toujours de le libérer.
Une détention arbitraire et inhumaine
Depuis plus de deux ans, Mohamed Bazoum refuse de démissionner de son poste de président de la République. Il est retenu contre son gré dans la résidence présidentielle de Niamey transformée en lieu de détention, en compagnie de son épouse, Hadiza Bazoum. Gardés 24 heures sur 24, ils vivent enfermés dans deux pièces : un salon, une chambre, ainsi qu’un couloir. Le quotidien du couple présidentiel se résume à un strict isolement, avec interdiction de sortir à l’extérieur ni d’ouvrir les fenêtres. Les seules interactions avec le monde extérieur se résument à la visite hebdomadaire du médecin du chef de l’État et la présence des deux cuisiniers. Privé de radio et de téléphone, le couple Bazoum dispose simplement de quelques livres pour passer le temps. Le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies a qualifié, en novembre 2024, cette situation de détention arbitraire.
Un verrouillage politique dans un climat de répression
Depuis le putsch de juillet 2023, la junte militaire au pouvoir criminalise toute forme de contestation dans le pays et multiplie les atteintes aux libertés fondamentales : arrestations arbitraires d’opposants, de journalistes et de défenseurs des droits humains, dissolution d’organisations de la société civile et des partis politiques, censure de médias indépendants. Cette répression accentue la fermeture de l’espace civique et s’inscrit dans une logique de consolidation autoritaire du pouvoir de la Junte militaire, dans un contexte d’insécurité généralisée dans le pays exacerbée par les violences armées des groupes terroristes djihadistes, présents dans une grande partie du territoire, et par les réponses sécuritaires violentes de l’armée nigérienne.
Une affaire emblématique de la dérive autoritaire au Sahel
La détention arbitraire de Mohamed Bazoum symbolise la remise en cause des acquis démocratiques dans toute la région sahélienne, où les coups d’État se sont succédés ces dernières années. Les militaires au pouvoir ont rejeté, jusqu’à présent, toutes les médiations internationales visant à trouver un accord en vue de la libération du couple Bazoum. Peu d’organisations de la société civile, au Niger comme à l’international, se sont mobilisées pour dénoncer cette détention arbitraire. L’ACAT-France appelle à un changement urgent et mobilise ses efforts pour faire entendre cette voix essentielle.
Contexte
Un coup d’État aux lourdes conséquences politiques
Mohamed Bazoum, né en 1960, membre fondateur du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) en 1990, est élu président de la République en avril 2021 après avoir été ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Intérieur. Son élection, alors qu’il est issu d’une ethnie largement minoritaire dans le pays, est perçue comme le signe d’une bonne santé de la vie politique et démocratique au Niger. Le 26 juillet 2023, il est renversé par un coup d’État militaire mené par des éléments de la Garde présidentielle, menés par le général Abdourahamane Tiani. Ces derniers prennent le pouvoir et instaurent un Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). La Constitution est suspendue et les institutions démocratiques sont neutralisées. Cette rupture institutionnelle ouvre les portes à une période de transition marquée par une fragilisation de l’État de droit et un recul des libertés fondamentales. Le 26 mars 2025, une Charte de la Refondation du Niger est promulguée. En vertu de cette Charte, la durée de la transition est prolongée. Le général de brigade Abdourahamane Tiani, président du CNSP, est élevé au rang de général cinq étoiles et officiellement investi président de la République du Niger, pour un mandat de cinq ans, renouvelable.
Des violations systématiques des droits fondamentaux
Les libertés fondamentales dans le pays sont aujourd’hui gravement compromises : médias et partis politiques suspendus, opposants, journalistes et militants de la société civile arrêtés en nombre en vertu de lois répressives sur la cybercriminalité ou la sécurité nationale. L’espace civique s’est fortement rétréci dans le pays avec une autocensure de plus en plus marquée de la société civile et de l’opinion publique, de peur de représailles. La détention arbitraire du militant Moussa Tchangari, pour lequel l’ACAT-France se mobilise régulièrement, symbolise cette société civile réprimée au Niger. Le pays est également confronté à une grave crise sécuritaire liée à une multitude de conflits armés avec plusieurs groupes terroristes djihadistes, rebelles Touaregs et groupes d’opposition armés à la Junte.
Pressions internationales et incertitudes sur un retour à l’Etat de droit
La communauté internationale (Nations unies, Union africaine, CEDEAO, Union européenne) a réclamé à plusieurs reprises la libération de Mohamed Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel. En décembre 2023, la Cour de justice de la CEDEAO a ordonné sa libération. En réponse, la Junte a décidé que le Niger quitte la CEDEAO. Malgré les sanctions régionales et internationales survenues après le coup d’Etat, la junte est parvenue, jusqu’à ce jour, à se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, le Niger, isolé de plusieurs de ses partenaires occidentaux dont la France s’est rapprochée de la Russie et de la Turquie.