Défenseur des droits des communautés autochtones, le Père Marcelo Pérez a été assassiné le 20 octobre 2024 par un tueur à gages. Rapidement arrêté, l’auteur matériel du meurtre a été condamné le 6 août 2025 à 20 ans de prison. L’enquête doit néanmoins être poursuivie et les mandats d’arrêt en vigueur exécutés afin que tous les responsables du meurtre soient identifiés.
« Vive le Père Marcelo, prêtre des pauvres ! »
Le Père Marcelo Pérez est un symbole : celui de la lutte pour les droits des peuples autochtones dans l’État du Chiapas, mais aussi des risques encourus par les défenseurs des droits au Mexique. Originaire du village de San Andrés Larráinzar et appartenant à la communauté autochtone Tsotsil, le Père Marcelo s’est engagé très tôt en faveur de la paix dans une région déchirée par la violence criminelle.
Coordinateur de la pastorale sociale des diocèses du Chiapas et responsable du mouvement catholique Pueblo Creyente de Simojovel, le « prêtre indigène », comme il se décrivait lui-même, accompagnait les communautés dans la défense de la terre et du territoire, dénonçait la présence des groupes criminels et leurs liens avec le pouvoir politique. Il a également organisé plusieurs pèlerinages pour la paix, le dernier avant son assassinat ayant réuni plus de 10 000 personnes le 13 septembre 2024 dans la ville de Tuxtla Gutiérrez. Son pouvoir de mobilisation et sa défense des communautés assiégées par les cartels et les mégaprojets néfastes lui ont valu des menaces et agressions dès 2008.
Le 1er septembre 2015, la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) a octroyé des mesures de protection au Père Marcelo, considérant que sa vie et son intégrité physique étaient en danger. La CIDH a exigé à cette occasion de l’État mexicain qu’il prenne les mesures nécessaires pour garantir sa sécurité et lui permettre d’exercer ses activités de défenseur des droits humains sans crainte de représailles. Près de dix années se sont écoulées sans que les demandes formulées par le Système interaméricain de protection des droits humains ne soient mises en œuvre de manière satisfaisante. Le prêtre défenseur a même été victime de criminalisation en 2022, accusé par les autorités judiciaires du Chiapas d’avoir participé à l’enlèvement de 21 personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe criminel, alors qu’il avait, au contraire, fait office de médiateur pour assurer leur libération.
Le Père Marcelo savait que sa vie était mise à prix. Toutes les intimidations, menaces et agressions qu’il a subies pendant plus de 15 ans ont été documentées et portées à la connaissance des autorités locales et nationales. Son meurtre, comme le rappelle le Centre de droits humains Fray Bartolomé de las Casas, partenaire de l’ACAT-France, est un meurtre annoncé de longue date, symptôme supplémentaire d’un échec politique et de la mainmise des groupes criminels au Mexique.
Un auteur matériel, un réseau de responsables
Le ministère public général de la République s’est saisi de l’enquête dès le 22 octobre 2024. L’auteur matériel du meurtre a été arrêté le jour même et condamné moins d’un an plus tard, le 6 août 2025, à 20 ans de prison. Cette condamnation, étonnamment rapide dans un pays où le système judiciaire est connu pour son inaccessibilité et sa lenteur, est une étape majeure dans la quête de vérité pour le Père Marcelo. Elle ne doit néanmoins pas faire oublier que tous les mandats d’arrêt en vigueur n’ont pas encore été exécutés et que les auteurs intellectuels du meurtre du défenseur n’ont pas été identifiés.
Peu avant son assassinat, le prêtre a reçu un appel intimidant d’une personne prétendant appartenir au cartel de Jalisco Nouvelle Génération, organisation criminelle pour laquelle l’État du Chiapas est une région stratégique. Il avait également reçu des menaces de mort en 2021 de la part d’autres groupes armés présents dans la municipalité de Pantelhó. Ainsi, le meurtre du défenseur Tsotsil ne peut donc être élucidé qu’à la lumière des intérêts qu’il dérangeait et des menaces reçues durant plus de 15 ans.
CONTEXTE
Le Chiapas : ressources convoitées, défenseurs menacés
La situation au Chiapas est insoutenable. Pris en étau entre les groupes criminels, les forces armées et les intérêts privés, les communautés, notamment autochtones, subissent déplacements forcés, confinements, recrutements forcés, détentions arbitraires, tortures et disparitions forcées. Le récent rapport Chiapas, dans la spirale de la violence armée et criminelle documente 15 780 personnes victimes de déplacements forcés entre janvier 2023 et juin 2024. Entre 2019 et 2023 les disparitions forcées ont augmenté de 358% dans l’État du Chiapas. À un tel degré de violence, que le gouvernement mexicain a longtemps nié, s’ajoutent les intimidations et attaques subies par celles et ceux qui dénoncent la présence criminelle et la corruption.
En août 2025, une dizaine d’organisations internationales ont dénoncé le rétrécissement de l’espace civique au Chiapas dont l’une des dernières expressions est la violation du domicile de Dora Roblero, directrice du Centre de droits humains Fray Bartolomé de las Casas. Les organisations signataires dénoncent un « schéma d’agressions soutenues et graves contre les personnes défenseures » et comptabilisent 156 agressions dont 4 assassinats depuis janvier 2024.
Selon l’Espace OSC (réseau d’organisations agissant pour la protection des défenseurs et journalistes), le Chiapas est le cinquième État mexicain avec le plus grand nombre de défenseurs et journalistes menacés.
L’absence de justice pour les défenseurs assassinés est l’outil ultime de mise au silence des communautés militantes. Alors que le nouveau gouverneur de l’État, Eduardo Ramírez, a fait de la pacification du territoire une des priorités de son mandat, il est essentiel que le réseau d’intérêts derrière le meurtre d’un prêtre prêchant la paix soit identifié.
Appel à l’action
Les autorités mexicaines ont failli plusieurs reprises à leurs obligations envers le défenseur Marcelo Pérez : d’abord lorsque les menaces à son égard sont restées impunies, ensuite lorsqu’elles ont négligé la mise en œuvre des mesures de protection octroyées par la Commission interaméricaine des droits humains et enfin, lorsqu’elles l’ont criminalisé. Le procès de son assassinat ne doit être ni un simulacre de justice ni un énième exemple d’impunité en faveur des groupes criminels. Nous appelons le ministère public général du Mexique à poursuivre l’enquête afin d’identifier tous les responsables de l’assassinat du Père Marcelo.