Tribune
À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones le 9 août 2025, nous, organisations signataires, souhaitons attirer l’attention sur la situation alarmante des communautés autochtones en Amérique Latine, en particulier en Argentine et au Chili. Dans un contexte où l’accaparement des ressources naturelles s’intensifie, les défenseur·es des droits humains appartenant à ces communautés se retrouvent en première ligne face à des menaces de plus en plus violentes, à la criminalisation de leurs luttes, aux détentions arbitraires, aux disparitions forcées et aux assassinats.
Des communautés assiégées par l’extractivisme
Les peuples autochtones, qui ne représentent que 6 % de la population mondiale, préservent pourtant 80 % de la biodiversité, selon l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones. Leur lien unique avec la terre et la nature est non seulement vital pour leur survie, mais également pour l’équilibre écologique de notre planète. Malheureusement, cette richesse attire des projets extractivistes aux conséquences dévastatrices, faisant des communautés autochtones des cibles privilégiées de plusieurs type de violence.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Amérique latine demeure la région la plus dangereuse pour les défenseur·es des droits humains, concentrant près de 80 % des meurtres d’activistes recensés dans le monde, selon les données collectées par l’ONG Front Line Defenders. Entre 2012 et 2023, un·e défenseur·e assassiné·e sur deux appartenait à une communauté autochtone ou afrodescendante. Ces statistiques révèlent une réalité alarmante que nous ne pouvons ignorer.
Au Chili, la disparition de Julia Chuñil Catricura, défenseure Mapuche, illustre tragiquement cette répression. Depuis le 8 novembre 2024, sa famille vit dans l’angoisse, confrontée à des perquisitions répétées et à une stigmatisation médiatique. Entre avril et juin 2025, trois défenseurs chiliens Mapuche ont été détenus arbitrairement : Felipe Trunci González, Jaime Javier Uribe Montiel et Juan Pichún. Au lieu de protéger les défenseur·es du droit à la terre, au territoire et aux ressources, les autorités semblent les criminaliser, exacerbant ainsi un climat de peur.
En Argentine, la situation est tout aussi préoccupante. Les récents incendies de forêt, qui ont ravagé plus de 50 000 hectares, ont été suivis d’une répression brutale à l’encontre des communautés Mapuche. Le gouvernement argentin, notoirement climato-sceptique, a adopté une approche purement répressive, allant jusqu’à qualifier les incendies volontaires à l’origine des feux de forêt d’actes terroristes. En adoptant une rhétorique de délinquance, il cherche à discréditer les voix critiques, comme celle de Moira Millán, défenseure des droits des femmes autochtones et fondatrice du Mouvement des femmes indigènes pour le Buen Vivir, qui a été qualifiée de “délinquante”, sans autre preuve que ses propos militants et ses critiques du gouvernement argentin.
Le retour de la rhétorique de l’ennemi intérieur
Nous dénonçons les politiques liberticides et la régression des droits humains qui se déroulent sous nos yeux. Le retour de la rhétorique de l’ennemi intérieur, rappelant les sombres heures des dictatures militaires, est inacceptable. En cette journée internationale, unissons nos voix pour dénoncer ces injustices et exiger des actions concrètes pour mettre fin à la répression des défenseur·es des droits humains. Amplifions l’appel des peuples autochtones et engageons-nous à soutenir leur lutte pour la dignité, la justice et la préservation de notre planète.
Appel à l’action
Nous appelons les gouvernements de l’Argentine et du Chili à mettre fin à la répression des défenseur·es des droits humains et à respecter les droits des peuples autochtones. Il est impératif qu’ils cessent la criminalisation des luttes légitimes et garantissent la protection des leaders communautaires, comme Julia Chuñil Catricura, dont la vie est en danger, ou Moira Millán.
Nous exhortons également la communauté internationale à se mobiliser encore plus en faveur des droits des peuples autochtones. Il est essentiel que les organisations internationales, les États et les citoyen·ne·s s’unissent pour dénoncer ces violations et faire pression sur les gouvernements concernés afin qu’ils respectent leurs engagements internationaux en matière de droits humains.
Faisons entendre notre voix et soutenons les peuples autochtones dans leur lutte pour la dignité, la justice et la préservation de notre planète. Engageons-nous à agir, à sensibiliser et à défendre celles et ceux qui se battent pour un avenir meilleur.
Signataires
- ACAT-France
- France Amérique Latine
- Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains
- TEJE – Travailler Ensemble Jeunes et Engagé·e·s
- Terre et Liberté pour Arauco – Wallmapu