Cela fait maintenant plus de trois ans et demi que Khurram Parvez, un défenseur des droits humains respecté à l’échelle mondiale et originaire du Cachemire sous administration indienne, est détenu de manière arbitraire. Arrêté le 22 novembre 2021 par l’Agence nationale d’enquête indienne (NIA), Khurram Parvez a été inculpé de plusieurs infractions en vertu du code pénal indien et de la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA). Le 18 juin 2025, à la veille de son 48ème anniversaire, plusieurs ONG internationales de défense des droits humains ont réitéré leur appel à sa libération. L’ACAT-France se joint à cette mobilisation internationale.
Khurram Parvez : apôtre de la non-violence et icône de la lutte contre les disparitions forcées
Khurram Parvez est un activiste des droits humains originaire du Cachemire indien, reconnu pour son engagement indéfectible en faveur des droits humains. Il est le président de l’Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD), un collectif regroupant 13 ONG de 10 pays asiatiques qui luttent contre les disparitions forcées. Par ailleurs, il est coordinateur du Jammu Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS), une coalition d’organisations de plaidoyer, de recherche et de campagnes basée à Srinagar, Jammu et Kashmir, qui enquête sur les violations des droits humains dans la région. L’engagement de Khurram Parvez en faveur des droits humains a été profondément influencé par la mort tragique de son grand-père, tué lors d’une manifestation. Cet événement a éveillé en lui la vocation de devenir militant : « J’ai réalisé que je pouvais faire quelque chose de plus important, que je pourrais contribuer à sauver des vies. »
En reconnaissance de son travail, le magazine « Time » l’a inclus dans sa liste des 100 personnes les plus influentes de 2022, le qualifiant d’acteur majeur des droits humains au Cachemire. Il a également reçu le prix des droits de l’homme Reebok en 2006. La journaliste du Washington Post, Rana Ayyub, le décrit comme un « David des temps modernes », soulignant qu’il a donné une voix aux familles ayant perdu leurs enfants à cause de disparitions forcées attribuées à l’État indien. Selon elle, Khurram Parvez incarne à la fois l’histoire et le récit de l’insurrection et de la trahison du peuple du Cachemire. Malgré les actes de répression et les attaques qu’il a subis de la part d’acteurs étatiques et non étatiques, il a courageusement continué à dénoncer les violations des droits humains, notamment la détention illimitée, l’exécution extrajudiciaire de militants, la torture, les violences sexuelles, les disparitions forcées et l’impunité généralisée. Il est devenu une source d’inspiration pour les jeunes Cachemiris ainsi que pour les étudiants indiens et étrangers, qu’il encourage à rechercher une résolution pacifique au conflit. Il s’est également engagé auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales pour renforcer la solidarité de la communauté internationale envers les Cachemiris.
Un défenseur persécuté par les autorités indiennes pour son engagement au cachemire.
Depuis septembre 2016, Khurram Parvez est la cible d’une répression systématique de la part des autorités indiennes en raison de son engagement en faveur des droits humains au Cachemire. Le 14 septembre 2016, il a été stoppé par des agents de l’immigration à l’aéroport international Indira Gandhi à New Delhi et empêché de se rendre à Genève pour assister à la 33e session du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Deux jours plus tard, il a été arrêté sans mandat et placé en détention à Srinagar, où il a subi des violations de ses droits fondamentaux, notamment l’absence d’accès à un avocat. Malgré une décision de justice ordonnant sa libération le 20 septembre 2016, il a été immédiatement réarrêté sous des accusations infondées, illustrant l’acharnement judiciaire dont il est victime. Après plusieurs détentions arbitraires, il a finalement été libéré le 30 novembre 2016, mais les menaces et le harcèlement ont continué. Le 22 novembre 2021, Khurram Parvez a été arrêté à nouveau par l’Agence nationale d’enquête indienne (NIA) et accusé de financement du terrorisme, des accusations largement considérées comme des représailles pour son travail de documentation des violations des droits humains. En mars 2023, il a été impliqué dans une deuxième affaire, aux côtés d’Irfan Mehraj, journaliste cachemiri et ancien chercheur de la JKCCS. Cette affaire, initialement ouverte en octobre 2020, cherche à punir leur engagement en faveur des droits humains en le qualifiant de « financement d’activités terroristes » et de « propagation d’idées sécessionnistes ».
En juin 2023, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) a rendu un avis déclarant que la détention de Khurram était arbitraire et sans fondement juridique, exhortant le gouvernement indien à le libérer immédiatement et à lui accorder une réparation. De nombreuses autres procédures spéciales des Nations unies ont souligné que le cas de Khurram est un acte de représailles contre son travail en faveur des droits humains, notamment son engagement auprès des mécanismes des Nations unies en matière de droits humains. Elles estiment que sa détention constitue une violation du droit international contraignant, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont la République de l’Inde est partie. Malgré ces appels, Khurram Parvez demeure incarcéré dans une prison de haute sécurité à New Delhi, en Inde, et sa situation continue d’inquiéter les organisations internationales de défense des droits humains.
Contexte
L’abrogation unilatérale du statut d’autonomie du Jammu-et-Cachemire par le gouvernement indien
Le Jammu-et-Cachemire, également connu sous le nom de Cachemire sous administration indienne (CAI), est une région située au nord de l’Inde et l’une des zones les plus militarisées au monde. Son histoire politique est complexe, marquée par des tensions persistantes entre l’Inde et le Pakistan. Le 5 août 2019, le gouvernement indien dirigé par le Premier ministre Narendra Modi a pris la décision unilatérale d’abroger les articles 370 et 35A de la Constitution indienne, qui garantissaient un statut spécial à la région. Ces articles permettaient au Cachemire de disposer de sa propre constitution, de son drapeau et d’une large autonomie dans tous les domaines, à l’exception des affaires étrangères, de la défense et des communications.
L’abrogation de ces articles a radicalement modifié le statut et l’autonomie de la région. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, le Cachemire a été le théâtre de violations généralisées des droits humains, notamment des arrestations, des tortures, des disparitions forcées, des raids, des surveillances et des attaques. Les défenseurs des droits humains et les journalistes qui documentent ces violations, ont été pris pour cible, menacés d’arrestation et soumis à une surveillance intense de la part de la police et des services de renseignement. Des restrictions sévères ont été imposées, avec un blocus sur les communications et la circulation de l’information. Les lignes téléphoniques, y compris les lignes fixes, les réseaux mobiles et les communications Internet, sont strictement contrôlés et parfois bloqués, forçant les habitants à se fier à des téléphones limités et gérés par le gouvernement pour communiquer avec l’extérieur.
Face à ces mesures qui portent gravement atteinte aux libertés fondamentales, de nombreuses voix se sont élevées, notamment au sein de la société civile, pour dénoncer ces restrictions et exiger le respect des droits fondamentaux. La communauté internationale reste largement passive sur la situation du Cachemire, à l’exception du Pakistan et de la Chine, qui revendiquent chacun une partie du territoire pour des raisons géostratégiques.
Une criminalisation systématique des défenseurs des droits : La loi sur la prévention des activités illégales (UAPA)
Depuis août 2019, les autorités indiennes répriment l’expression de toute liberté fondamentale au Cachemire. Ces restrictions visent à réduire au silence les manifestations, à restreindre l’accès à l’information et à violer les droits fondamentaux, y compris le droit à la liberté d’expression et d’association. La loi sur la prévention des activités illégales (UAPA) est de plus en plus utilisée pour cibler les défenseurs des droits humains comme représailles pour avoir pris la parole contre les violations perpétrées par l’État. Bien que cette loi soit censée lutter contre le terrorisme, elle est largement critiquée par les Nations Unies (ONU) et diverses ONG en raison de son utilisation abusive, permettant une incarcération prolongée avant le procès. Les longues périodes d’incarcération en vertu de l’UAPA soumettent les défenseurs des droits humains à un long processus judiciaire qui viole les droits garantis par le droit international relatif aux droits de l’homme et la Constitution de l’Inde. Ces mesures portent gravement atteinte à la sécurité des défenseurs des droits humains vivant dans la région et à leur capacité à mener à bien leurs activités pacifiques et légitimes.
L’incarcération continue de Khurram Parvez est emblématique de la criminalisation systématique par les autorités indiennes du travail en faveur des droits humains, du déni du droit à la liberté d’expression et du fait que les dissidents sont réduits au silence au Cachemire sous administration indienne. Khurram Parvez documente depuis des années les violations des droits humains dans le Cachemire sous administration indienne. Son travail et celui de la JKCCS sont largement respectés et reconnus au niveau international.
Aujourd’hui, six ans après l’abrogation unilatérale du statut d’autonomie du Jammu-et-Cachemire par le gouvernement indien, la violence dans le Cachemire sous administration indienne (CAI) se poursuit avec de graves violations des droits humains. L’ONU ainsi que plusieurs organisations de la société civile dénoncent régulièrement les violations des droits fondamentaux au CAI, mais le gouvernement indien réagit en restreignant encore plus les libertés essentielles et en refusant de communiquer à propos du Cachemire.
Appel à l’action
Le 18 juin 2025, à la veille de son 48ème anniversaire, plusieurs ONG internationales, parmi lesquelles l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Amnesty International, ont publié un communiqué pour exiger la libération de Khurram Parvez, un défenseur des droits humains emprisonné pour ses activités pacifiques. L’ACAT-France se joint à cette mobilisation internationale pour exhorter les autorités indiennes à respecter leurs engagements internationaux. Nous demandons la libération immédiate et sans condition de Khurram Parvez ainsi que l’annulation des accusations fabriquées à son encontre. Nous condamnons l’arrestation et la détention préventive prolongée de ce défenseur des droits humains et sommes profondément préoccupés par le harcèlement croissant de la société civile et des journalistes au Cachemire.