Contexte
Le Soudan, vaste pays d’Afrique de l’Est, traverse depuis avril 2023 l’une des plus graves crises humanitaires et sécuritaires au monde. La guerre civile oppose l’armée régulière (SAF), dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti ». Ce conflit fratricide s’inscrit dans un contexte de longue instabilité politique, marqué par des décennies de dictature, une impunité généralisée, et l’échec de la transition démocratique après la chute d’Omar el-Béchir en 2019. Le coup d’État militaire d’octobre 2021 a scellé cet échec, ouvrant la voie à une lutte violente entre factions militaires pour le contrôle du pays.
Situation générale des droits humains
Les conséquences humanitaires de ce conflit sont dévastatrices : selon les Nations unies, plus de 20 000 personnes ont été tuées et plus de 10 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, faisant du Soudan la plus grande crise de déplacement interne au monde. Environ 4 millions de personnes ont fui à l’étranger, et près de 25 millions souffrent de faim aiguë, tandis que 16 millions d’enfants ont besoin d’une aide humanitaire urgente.
Les violations massives des droits humains sont systématiques : exécutions sommaires, bombardements indiscriminés, destructions d’infrastructures civiles, violences sexuelles à grande échelle, disparitions forcées, tortures, utilisation de la famine comme arme de guerre… sont largement documentées par des ONG telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch.
Le Darfour, déjà meurtri dans les années 2000 par des crimes contre l’humanité, est de nouveau le théâtre de massacres à caractère ethnique, commis en particulier par les RSF et leurs milices arabes alliées. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies alerte désormais sur un « risque élevé de génocide ».
Dans un contexte d’effondrement total des institutions étatiques et judiciaires, garantes de l’état de droit, les journalistes, militants pro-démocratie, syndicalistes et défenseurs des droits humains vivent dans la peur constante d’être réprimés violemment.
Pratique de la torture
La torture est largement pratiquée par les deux camps dans un climat de totale impunité. Les arrestations arbitraires, tortures, mauvais traitements, et disparitions forcées ciblent en particulier les jeunes hommes soupçonnés de loyauté à un camp, notamment du fait de leur appartenance à un quartier, à une ethnie ou sur simple délit de faciès. Plusieurs rapports dénoncent la prolifération de centres de détention secrets dans les zones de conflit, notamment à Khartoum, au Darfour et au Kordofan, où la torture est couramment utilisée. Les conditions de détention sont inhumaines : les survivants de ces centres témoignent de violences sexuelles, de tortures physiques et psychologiques, de privation de soins et de privation de liberté prolongée sans jugement.
La société civile soudanaise estime qu’environ 50 000 personnes sont portées disparues depuis avril 2023. Les disparitions visent aussi bien les militants de la société civile que les journalistes, chefs communautaires, ou simples civils soupçonnés de sympathies politiques.
Les violences sexuelles, particulièrement fréquentes dans les zones sous contrôle des RSF, prennent une ampleur alarmante. L’UNFPA estime que 12 millions de femmes et filles — ainsi qu’un nombre croissant d’hommes et de garçons — sont exposés à un risque élevé de violences sexuelles. L’accès à la santé reproductive et à la justice est presque inexistant, dans un pays où les infrastructures médicales ont été détruites ou abandonnées.
État de la peine de mort
La peine de mort reste en vigueur au Soudan pour une large gamme d’infractions, y compris politiques. Bien que peu d’exécutions aient été formellement rapportées ces dernières années, le manque de transparence judiciaire chronique rend toute évaluation impossible. Par le passé, des procès inéquitables ont conduit à des condamnations capitales d’opposants et de figures de la société civile.
Dans le contexte actuel, les exécutions extrajudiciaires, assassinats ciblés et disparitions forcées se substituent aux procédures judiciaires. Ce recours à la terreur aggrave la dérive autoritaire des deux camps en conflit et concourt de manière plus générale à l’effondrement de l’État de droit dans le pays.